Observations du commissaire à l’environnement et au développement durable concernant la version préliminaire de la Stratégie fédérale de développement durable

Le 7 juin 2010

L’honorable Jim Prentice, C.P., député
Ministre de l’Environnement
Les Terrasses de la Chaudière, tour Nord
10, rue Wellington, 28e étage
Gatineau (Québec)  K1A 0H3

Monsieur le Ministre,

J’ai le plaisir de vous présenter les conclusions de mon examen et mes observations concernant la version préliminaire de la Stratégie fédérale de développement durable, intitulée Planifier un avenir durable — Stratégie fédérale de développement durable pour le Canada. J’ai reçu le document d’Environnement Canada le 16 mars 2010. Je vous communique les conclusions de mon examen et mes observations conformément aux devoirs qui me sont conférés en vertu de la Loi fédérale sur le développement durable de juin 2008 (vous trouverez à l’Annexe 1 du présent document un résumé de ces devoirs).

Les remarques et observations qui suivent s’appuient uniquement sur un examen de la version préliminaire de la Stratégie fédérale de développement durable que m’a fournie Environnement Canada. Mes collègues et moi-même avons eu des entretiens avec des cadres supérieurs d’Environnement Canada pour nous assurer que nous avions bien compris les principaux points de la version préliminaire de la Stratégie. Toutefois, nous n’avons pas effectué d’autres examens ni mené d’autres entrevues afin de déterminer si les systèmes de gestion, qui permettraient vraiment d’évaluer et de communiquer les progrès à l’égard des cibles et des stratégies de mise en œuvre, sont en place. Par conséquent, le présent document n’est ni un rapport de vérification, ni un rapport de certification.

Voici les principales observations qui découlent de notre examen de la version préliminaire de la Stratégie fédérale de développement durable.

Lors de nos discussions officieuses avec Environnement Canada sur la version préliminaire de la Stratégie fédérale de développement durable, nous avons formulé un certain nombre d’observations. Dans la réponse que nous avons reçue à la suite de ces discussions, le sous-ministre a donné d’autres détails sur les éléments de la stratégie et a pris plusieurs engagements afin de donner suite, de concert avec le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Bureau du Conseil privé, à nos observations clés figurant dans la présente lettre. La réponse du sous-ministre du 1er juin 2010 figure à l’Annexe 3. Nous considérons les détails et les engagements figurants dans cette réponse comme une suite positive. Nous attendons avec intérêt que la version définitive de la Stratégie soit publiée lorsque la période de consultation publique sera terminée et que la décision définitive du ministre sera prise. Je ferai des observations sur cette version définitive dans de futurs rapports au Parlement.

Le reste de la présente lettre décrit la méthode utilisée pour l’examen et présente des observations et des commentaires plus détaillés sur la version préliminaire de la Stratégie du gouvernement fédéral.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments les plus distingués.

Le Commissaire à l’environnement et au développement durable,

 

Scott Vaughan

P.j.

c.c.   

L’honorable David Angus, sénateur
Président, Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles

Monsieur James Bezan, député
Président, Comité permanent de l’environnement et du développement durable

 

Méthode d’examen et observations et commentaires détaillés sur la version préliminaire de la Stratégie fédérale de développement durable

1. L’article 3 de la Loi fédérale sur le développement durable énonce ce qui suit : « La présente loi vise à définir le cadre juridique pour l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie fédérale de développement durable qui rend le processus décisionnel en matière d’environnement plus transparent et fait en sorte qu’on soit tenu d’en rendre compte devant le Parlement ». Le commissaire à l’environnement et au développement durable est tenu de faire l’examen de la version préliminaire de la Stratégie fédérale de développement durable et de présenter ses observations sur la question de savoir si les cibles et les stratégies de mise en œuvre peuvent être évaluées.

2. Nous avons examiné la version préliminaire de la Stratégie de développement durable d’Environnement Canada en nous posant deux grandes questions. En premier lieu, la version préliminaire de la Stratégie tient-elle compte des dispositions de la Loi de façon à rendre le processus décisionnel en matière d’environnement plus transparent et à faire en sorte qu’on soit tenu d’en rendre compte devant le Parlement? En deuxième lieu, les cibles et les stratégies de mise en œuvre qu’elle présente peuvent-elles être évaluées de façon objective?

3. Lorsque nous avons examiné si la version préliminaire de la Stratégie tenait compte des dispositions de la Loi, nous avons revu le document à la lumière des principaux articles et paragraphes de la Loi.

4. Lorsque nous nous sommes posé la seconde question, nous avons examiné les cibles et les stratégies de mise en œuvre présentées dans la version préliminaire de la Stratégie afin de déterminer si elles étaient précises, mesurables, réalisables, axées sur les résultats et limitées dans le temps (ou SMART), de telle sorte que les progrès à l’égard de leur mise en œuvre puissent être évalués de façon objective.

5. Les critères dits « SMART » que nous avons utilisés pour notre examen sont conformes aux bonnes pratiques de gestion et de planification présentées dans des rapports antérieurs du Bureau du vérificateur général, ainsi qu’aux normes des systèmes de gestion de l’environnement et de la qualité établies par l’Organisation internationale de normalisation. Ces critères, couramment utilisés en planification stratégique et en gestion du rendement, ont été adoptés dans la version préliminaire de la stratégie du gouvernement. (L’Annexe 2 du présent document présente les critères SMART).

6. Nous avons examiné seulement la version préliminaire de la Stratégie qu’Environnement Canada nous a fournie. Nous avons eu des entretiens avec des cadres supérieurs d’Environnement Canada pour nous assurer que nous avions bien compris les principaux points de la version préliminaire de la Stratégie. Nous n’avons pas eu d’entretien avec d’autres fonctionnaires concernant notre examen, ni effectué d’examen d’Environnement Canada ou d’autres ministères fédéraux pour déterminer s’ils avaient mis en place les systèmes de gestion nécessaires pour vraiment surveiller et évaluer les progrès réalisés à l’égard des cibles de la Stratégie. Par conséquent, le présent document n’est ni un rapport de vérification ni un rapport de certification.

7. Dans le préambule de la version préliminaire de la Stratégie, le Ministère indique qu’il « aimerait connaître les conseils des Canadiens sur la structure de base d’une stratégie pangouvernementale qui vise à mieux incorporer les considérations environnementales aux décisions relatives aux politiques et aux programmes des ministères et des organismes ». Nos observations et remarques à ce sujet sont présentées dans la Partie 3 du présent document, sous la rubrique « Observations complémentaires sur la version préliminaire de la Stratégie ».

Observations et commentaires détaillés

La version préliminaire de la Stratégie cadre-t-elle avec la Loi?

8. Transparence et reddition de comptes. Conformément à l’article 3 de la Loi, la version préliminaire de la Stratégie indique qu’elle vise à rendre le processus décisionnel en matière d’environnement plus transparent et à faire en sorte qu’on soit tenu d’en rendre compte devant le Parlement.

9. Un grand nombre d’ouvrages ont été publiés sur les bonnes pratiques de gestion visant à accroître la transparence du processus décisionnel en matière d’environnement et à en favoriser la reddition de comptes. De même, il existe un certain nombre de processus au sein du gouvernement pour intégrer les considérations environnementales aux décisions visant les politiques et les programmes. Or, la version préliminaire de la Stratégie ne renvoie à aucun de ces processus ni à aucune de ces pratiques. Elle n’indique pas non plus ce que les ministères et les organismes fédéraux devraient faire pour rendre le processus décisionnel en matière d’environnement plus transparent et en favoriser la reddition de comptes.

10. La version préliminaire de la Stratégie ne précise pas ce qu’implique le processus décisionnel en matière d’environnement, ni ce que le gouvernement entend par « transparence ». Elle n’explique pas non plus comment les outils qui servent actuellement à prendre des décisions, notamment le processus fédéral d’évaluation environnementale ou la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, peuvent contribuer à accroître la transparence et à favoriser la reddition de comptes.

11. Système de gestion des dépenses. La version préliminaire de la Stratégie présente une liste de cibles et de stratégies de mise en œuvre fédérales déjà établies, regroupées selon quatre thèmes environnementaux. Elle propose de plus que les ministères planifient et fassent rapport sur les stratégies de mise en œuvre au moyen du Système de gestion des dépenses. Elle indique que les objectifs actuels du gouvernement, qui y sont présentés, évolueront selon les principaux engagements que le gouvernement prendra à l’avenir.

12. Cependant, la version préliminaire de la Stratégie ne propose aucune amélioration au Système de gestion des dépenses qui permettrait de recenser les risques environnementaux et les objectifs connexes. Elle ne propose pas non plus d’améliorations aux mécanismes de reddition de comptes et de production de rapports qui pourraient inciter les ministères à prendre des mesures supplémentaires ou différentes à l’égard du processus décisionnel en matière d’environnement et de développement durable, par rapport à ce qu’ils ont fait par le passé.

13. Ainsi, la version préliminaire de la Stratégie n’établit aucun lien entre les initiatives environnementales présentées à l’Annexe 1 et les dépenses prévues ou réelles du gouvernement. De plus, elle n’explique pas comment les directives et les processus, qui servent actuellement à la prise en compte des facteurs environnementaux dans le cadre des projets de politiques et de programmes soumis dans les présentations au Conseil du Trésor et les mémoires au Cabinet, pourraient être renforcés en vue d’améliorer l’information mise à la disposition des décideurs.

14. Compte tenu de l’importance accordée par la version préliminaire de la Stratégie aux approches pangouvernementales et au Système de gestion des dépenses, et étant donné les rôles prépondérants joués par le ministère des Finances Canada et le Secrétariat du Conseil du Trésor à cet égard, si Environnement Canada veut pouvoir « mettre le développement durable au cœur des mécanismes gouvernementaux de base en matière de planification et de production de rapports », il lui faudra faire participer pleinement le ministère des Finances Canada et le Secrétariat à sa Stratégie. Il faut aussi savoir que les rôles de ces deux organisations ne sont pas définis dans la version préliminaire de la Stratégie.

15. Responsabilités. Nous avons constaté que seulement 10 des 28 ministères et organismes assujettis à la Loi fédérale sur le développement durable sont expressément mentionnés dans la version préliminaire de la Stratégie fédérale relativement à sa mise en œuvre. Même si chacun de ces dix ministères et organismes est chargé de certains volets de la mise en œuvre de la Stratégie, aucun n’a été désigné responsable de l’atteinte d’une cible précise, contrairement à ce qui est prévu au paragraphe 9(2) de la Loi.

16. Qui plus est, étant donné que la version préliminaire de la Stratégie présente déjà une liste de stratégies de mise en œuvre pour ces dix ministères et organismes, il est difficile de déterminer ce que ces derniers devraient intégrer dans leurs propres stratégies, qui doivent être prêtes au plus tard l’an prochain. On ne sait pas non plus ce qui est attendu des 18 ministères et organismes qui ne sont pas mentionnés expressément dans la version préliminaire de la Stratégie. Par ailleurs, le fait qu’une stratégie de développement durable n’évoque pas les ministères et organismes qui privilégient le développement, notamment Industrie Canada, Affaires étrangères et Commerce international Canada, ainsi que les organismes de développement économique, convient d’être noté.

17. Production de rapports. Nous avons constaté qu’il est fait mention de l’établissement, tous les trois ans, d’un rapport d’étape sur la mise en œuvre de la Stratégie, conformément au paragraphe 7(2) de la Loi. Les ministères et organismes sont déjà obligés de préparer des plans et des rapports annuels sur les dépenses environnementales et les initiatives de protection de l’environnement actuelles dans le Système de gestion des dépenses. Ainsi, ils auront déjà fait rapport sur les progrès réalisés dans le cadre de ces activités au moment où le gouvernement publiera son premier rapport d’étape sur sa stratégie de développement durable en 2011. La lecture de la version préliminaire de la Stratégie ne permet pas de savoir si le rapport du gouvernement sur sa mise en œuvre ne constituera pas tout simplement un résumé d’activités ayant déjà fait l’objet d’un rapport par les ministères.

18. La présentation dans la version préliminaire de la Stratégie d’une liste de cibles déjà établies et d’activités environnementales en cours permet certes aux parlementaires de mieux comprendre ce que le gouvernement prévoit faire à l’égard de certaines questions, mais elle n’équivaut pas à rendre le processus décisionnel en matière d’environnement plus transparent ni à favoriser la reddition de comptes.

19. De plus, nous vérifions déjà des activités et des programmes importants du gouvernement fédéral en matière d’environnement et présentons des rapports au Parlement sur l’efficacité de leur gestion. Par conséquent, la vérification des stratégies de développement durable de 28 ministères et organismes visés par ces mêmes programmes et activités, comme nous sommes tenus de le faire aux termes de la Loi, semblerait d’une utilité douteuse pour ce qui est d’améliorer la reddition de comptes devant le Parlement.

20. Il est difficile de déterminer comment cette Stratégie, sous sa forme actuelle, pourrait rendre la prise de décisions environnementales plus transparente et faire en sorte qu’on soit tenu d’en rendre compte devant le Parlement.

Les cibles et les stratégies de mise en œuvre peuvent-elles être évaluées?

21. L’Annexe 1 de la version préliminaire de la Stratégie comprend une série de tableaux qui présentent 8 objectifs, 23 cibles et 204 stratégies de mise en œuvre regroupés selon quatre thèmes environnementaux.

22. Nous avons examiné les cibles et les stratégies de mise en œuvre présentées afin de déterminer si elles étaient précises, mesurables, réalisables, axées sur les résultats et limitées dans le temps (ou SMART) et permettraient ainsi de mesurer objectivement la progression de la mise en œuvre de la version préliminaire de la Stratégie.

23. Nous n’avons pas déterminé si Environnement Canada avait établi des systèmes et des procédés permettant de surveiller, dans les faits, la progression de la mise en œuvre de la Stratégie fédérale de développement durable, comme il est tenu de le faire aux termes du paragraphe 7(1) de la Loi.

24. Nous avons mis en œuvre ce volet de notre examen en tenant compte de deux facteurs supplémentaires :

25. À la lumière de ces facteurs, nous croyions que le gouvernement définirait une série d’objectifs à long terme en matière de développement durable, assortis de cibles et de stratégies de mise en œuvre intermédiaires, qui lui permettraient de mesurer les progrès réalisés au cours de la première période triennale visée par la Stratégie.

26. Comme prévu, la Stratégie présente des objectifs à long terme assortis d’échéances qui vont au-delà de la première période triennale. Les objectifs sont, pour la plupart, associés à des cibles et à des stratégies de mise en œuvre. Nous avons cependant constaté que plusieurs objectifs n’étaient pas assortis de cibles dans la version préliminaire de la Stratégie.

27. Par exemple, sous le thème « Relever les défis des changements climatiques et de la qualité de l’air », la Stratégie indique que les cibles qui appuient l’objectif 2 — De l’air pur à respirer, essentiel au bon fonctionnement des écosystèmes — sont en cours d’élaboration, en consultation avec les provinces et les intervenants. C’est donc dire qu’il n’y a pas de cibles pour cet objectif dans la version préliminaire de la Stratégie.

28. De même, aucune cible n’est présentée dans la version préliminaire de la Stratégie pour le quatrième thème, « Réduire l’empreinte environnementale — en commençant par le gouvernement ». Par ailleurs, la version préliminaire de la Stratégie ne présente aucune cible ni stratégie de mise en œuvre en vue de rendre le processus décisionnel en matière d’environnement plus transparent et de favoriser la reddition de comptes au moyen du Système de gestion des dépenses, même s’il s’agit là de son objectif avoué.

29. Nous avons aussi constaté que la version préliminaire de la Stratégie décrit le rôle que seront appelés à jouer les indicateurs canadiens de durabilité de l’environnement, en affirmant qu’ils « procureront la moitié des indicateurs requis pour l’évaluation du progrès parmi les cibles de la Stratégie ». Or, aucune autre précision sur ces indicateurs n’est donnée dans la version préliminaire de la Stratégie. Il est donc difficile de déterminer, à partir de cette version, ce que sont les indicateurs canadiens de durabilité de l’environnement, les cibles auxquelles ils se rattachent ou comment une évolution de ces indicateurs peut être attribuée à l’avancement des stratégies de mise en œuvre.

30. Pour ce qui est de l’objectif relatif à la qualité de l’eau présenté dans la version préliminaire de la Stratégie, Environnement Canada a indiqué, dans son rapport sur les indicateurs canadiens de durabilité de l’environnement d’avril 2009, qu’il n’existait aucun réseau national de sites de surveillance qui soit précisément conçu pour rendre compte de la qualité des eaux au Canada. Il ajoute que les sites actuels de contrôle de la qualité de l’eau ne couvrent pas complètement toutes les régions géographiques du Canada où il existe des facteurs qui compromettent ou sont susceptibles de compromettre la qualité des eaux.

31. Pour ce qui est de l’objectif visant à réduire les taux d’émission de gaz à effet de serre afin d’atténuer les effets des changements climatiques, nous avons signalé, dans notre rapport du printemps 2009, qu’Environnement Canada n’avait pas de système de surveillance qui permette de suivre la réduction réelle des émissions de gaz à effet de serre par rapport à chacune des mesures stratégiques inscrites dans les plans de lutte contre les changements climatiques du gouvernement.

32. Il semblerait donc qu’il y ait des lacunes importantes dans les moyens dont dispose actuellement le gouvernement pour évaluer objectivement les progrès réalisés à l’égard de cibles définies dans la Stratégie.

33. Parmi les critères SMART que nous avons utilisés dans le cadre de notre examen des cibles et des stratégies de mise en œuvre, le critère lié à la limite dans le temps est celui qui est le plus facile à comprendre. Pour satisfaire à ce critère, il faut que la cible ou la stratégie de mise en œuvre soit assortie d’une échéance précise. Nous avons donc amorcé notre examen en déterminant le nombre de cibles et de stratégies de mise en œuvre qui répondaient à ce critère.

34. Sur les 23 cibles présentées dans la version préliminaire de la Stratégie, nous avons déterminé que 14 cibles, soit environ 60 %, étaient limitées dans le temps (assorties d’une échéance). Nous avons constaté que les échéances de 7 de ces 14 cibles se situaient au-delà de la première période triennale de la Stratégie, et que les échéances de quatre de ces cibles dépassaient même les trois périodes suivantes.

35. Sept des vingt-trois cibles décrites dans la version préliminaire de la Stratégie, soit environ 30 %, devraient être atteintes au cours de la première période triennale de la Stratégie. Cependant, nous sommes d’avis qu’aucune de ces sept cibles ne satisfait à tous les autres critères SMART et qu’elles ne permettront donc pas une évaluation objective.

36. Les stratégies de mise en œuvre correspondent aux activités permanentes menées par les ministères pour donner suite aux engagements environnementaux déjà pris, comme effectuer des recherches et en diffuser les résultats, assurer le respect des lois environnementales, et formuler des avis et apporter un concours. Dix des 204 stratégies de mise en œuvre, soit environ 5 %, devraient prendre fin au cours de la première période de trois ans visée par la Stratégie. Cependant, dans de nombreux cas, les attentes à l’égard du rendement pour les stratégies de mise en œuvre ne sont pas suffisamment précises, mesurables, axées sur les résultats ou limitées dans le temps pour permettre de procéder à une évaluation objective du rendement.

37. Même s’il est manifeste que chaque stratégie de mise en œuvre devrait contribuer à l’atteinte de la cible connexe, on ne comprend pas toujours comment cette contribution est apportée et il est difficile de déterminer si certaines stratégies sont relativement plus importantes que d’autres pour l’atteinte des résultats ou si le gouvernement accorde une plus grande priorité à certaines de ces stratégies.

38. Vu le nombre limité de cibles et de stratégies de mise en œuvre qui sont assorties d’un délai se terminant au cours de la première période triennale de la Stratégie et compte tenu de l’absence, dans de nombreux cas, d’attentes précises en matière de rendement, de seuils de référence, de points de repère ou d’indicateurs, il sera difficile pour Environnement Canada de procéder à une évaluation complète et objective des progrès réalisés dans la mise en œuvre de la Stratégie, conformément à la Loi. À notre avis, il sera peut-être possible pour le Ministère d’établir un rapport d’activités, mais il ne pourra pas évaluer objectivement les progrès réalisés relativement aux objectifs et aux cibles établis en se fondant sur l’information prévue par la version préliminaire de la Stratégie.

Observations complémentaires sur la version préliminaire de la Stratégie

39. Comme le souligne à juste titre la version préliminaire de la Stratégie, le développement durable ne se prête pas bien aux solutions rapides. Un certain nombre d’étapes pourraient être suivies pour établir une version définitive de la Stratégie fédérale favorisant une évaluation objective des progrès réalisés.

40. Premièrement, étant donné que l’objectif général de la Stratégie est de rendre le processus décisionnel en matière d’environnement plus transparent et de faire en sorte qu’on soit tenu d’en rendre compte devant le Parlement, la version définitive de la Stratégie doit préciser les attentes du gouvernement à l’égard du processus décisionnel en matière d’environnement et donner des précisions sur les étapes qui seront suivies pour atteindre l’objectif général énoncé précédemment. Des cibles SMART et des stratégies de mise en œuvre sont nécessaires pour ce volet essentiel.  Des indicateurs de rendement ou des normes sont également essentielles pour préciser les attentes à l’égard du processus décisionnel en matière d’environnement et de la transparence et pour permettre aux responsables de l’évaluation des progrès de savoir quand les mesures prévues ont été prises et quand les résultats ont été obtenus. 

41. Deuxièmement, étant donné que les indicateurs canadiens de durabilité de l’environnement doivent fournir la moitié de l’information nécessaire pour évaluer les progrès réalisés relativement à la Stratégie, il sera important de préciser ce que sont ces indicateurs, de déterminer les cibles et les objectifs auxquels ils se rattachent ainsi que d’établir la logique ou la chaîne de résultats qui lie les progrès à l’égard des stratégies de mise en œuvre à l’évolution de ces indicateurs.

42. Troisièmement, il n’y a pas suffisamment d’information dans la Stratégie, sous sa forme actuelle, pour déterminer si les lacunes seront comblées relativement à la capacité des systèmes actuels de surveillance environnementale et des indicateurs canadiens de durabilité de l’environnement de fournir les données et l’information sur le rendement nécessaires. L’adoption de cibles et de stratégies de mise en œuvre en vue de recenser ces lacunes et de les combler constituerait une première étape en vue d’établir la capacité de surveillance et d’évaluation des progrès réalisés relativement aux cibles et aux objectifs de la Stratégie. 

43. Finalement, afin que puisse être évalué l’ensemble des progrès réalisés à l’égard de la mise en œuvre de la Stratégie, conformément à la Loi, il faudra que la Stratégie définisse clairement les réalisations qui sont attendues au cours des trois premières années de mise en œuvre de la Stratégie, et veiller à ce que ces attentes se traduisent par l’établissement de cibles et de stratégies de mise en œuvre SMART qui peuvent être objectivement évaluées.

44. Prise de décisions intégrée et principe de précaution. Dans le préambule de la version préliminaire de la Stratégie, le gouvernement affirme qu’il « aimerait connaître les conseils des Canadiens sur la structure de base d’une Stratégie pangouvernementale qui vise à mieux incorporer les considérations environnementales aux décisions relatives aux politiques et aux programmes des ministères et des organismes ».

45. À cet égard, l’article 5 de la Loi fédérale sur le développement durable constitue un point de départ utile. Cet article prévoit ce qui suit : « Le gouvernement du Canada souscrit au principe fondamental selon lequel le développement durable est fondé sur l’utilisation écologiquement rationnelle des ressources naturelles, sociales et économiques et reconnaît la nécessité de prendre ses décisions en tenant compte des facteurs environnementaux, économiques et sociaux ». L’article 9 de la Loi stipule quant à lui que la Stratégie doit être fondée sur le principe de précaution.

46. À notre avis, la mention de « processus décisionnel en matière d’environnement » à l’article 3 de la Loi, dans le contexte général de la Loi, suppose d’abord que l’on définisse ce qu’est le processus décisionnel environnemental, notamment en précisant la manière dont les principes relatifs au développement durable inscrits aux articles 5 et 9 de la Loi seront mis en application. Ensuite, il faudra donner des précisions sur les étapes qui seront suivies pour rendre le processus décisionnel en matière d’environnement plus transparent et faire en sorte qu’on soit tenu d’en rendre compte devant le Parlement.

47. Même si la version préliminaire de la Stratégie indique que pour avoir une économie durable, il faut que toutes les décisions prises tiennent compte des aspects environnementaux, elle ne précise pas comment un processus décisionnel intégré pourrait être mis en pratique et elle ne fait qu’évoquer, en passant, le principe de précaution. Nous craignons donc que la version préliminaire de la Stratégie, sous sa forme actuelle, ne soit en rupture avec les principes fondamentaux du développement durable dont la Loi fait mention et qu’elle ne nuise à l’intégration des objectifs économiques, environnementaux et sociaux dans le processus décisionnel.

48. Dans son rapport novateur publié en 1987, Notre avenir à tous, la Commission mondiale sur l’environnement et le développement indiquait ce qui suit : « La façon d’aborder la politique de l’environnement donne lieu, grosso modo, à deux approches. L’une, que l’on peut appeler « la méthode standard » aborde la politique, la législation et les institutions relatives à l’environnement en considérant principalement les effets environnementaux. La seconde méthode se préoccupe surtout des politiques qui sont les sources des effets considérés. Chacune de ces approches correspond à une façon particulière de considérer les problèmes et les institutions qui sont chargées de les résoudre ».

49. Dans sa réponse au premier rapport du Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes, publiée en 1995, le gouvernement a indiqué que les politiques, les programmes, les lois et les règlements en vigueur devaient être examinés pour assurer leur cohérence avec les principes du développement durable et avec les engagements pris à l’échelon international à cet égard. Il a aussi indiqué que les évaluations — à la fois indépendantes et internes — des projets de programmes, de politiques, de lois et de règlements exécutées pour assurer leur conformité aux principes du développement durable devaient faire partie intégrante de l’élaboration de ces projets. 

50. Un tel examen, associé à des mesures immédiates et concrètes visant à renforcer la transparence et la reddition de comptes dans le cadre des évaluations environnementales des projets de politiques, de plans et de programmes, permettrait de cerner des possibilités importantes d’intégrer les facteurs environnementaux aux politiques, aux lois et aux programmes fédéraux. Cette façon de faire permettrait d’établir un ensemble complet d’objectifs et de cibles en matière de développement durable pour l’ensemble du gouvernement fédéral à temps pour l’élaboration de la prochaine stratégie en 2013.

Annexe 1

Résumé des principaux devoirs et obligations selon notre analyse de la Loi fédérale sur le développement durable

Le gouvernement

Aux termes de la Loi fédérale sur le développement durable de juin 2008, le ministre de l’Environnement est tenu d’élaborer une stratégie fédérale de développement durable fondée sur le principe de précaution. Selon la Loi, la stratégie fédérale de développement durable « prévoit des objectifs et cibles fédéraux de développement durable et une stratégie de mise en œuvre visant l’atteinte de chaque cible et elle précise, pour chacune d’elles, le ministre qui en est responsable ». Le ministre de l’Environnement est également tenu, en vertu de la Loi, de déposer un rapport d’étape sur la mise en œuvre de la stratégie au Parlement, au moins une fois tous les trois ans.

Le commissaire à l’environnement et au développement durable

La Loi établit trois obligations précises qui incombent au commissaire à l’environnement et au développement durable. Le commissaire doit :

Annexe 2

Examen de la version préliminaire de la Stratégie fédérale de développement durable Critères SMART

Précis
Mesurable et utile
Réalisable (concerne les stratégies de mise en œuvre)
Axés sur les résultats
Temporellement défini

Annexe 3

Une lettre datée du 1er juin 2010 provenant du sous-ministre d’Environnement Canada et adressée au Commissaire à l’environnement et au développement durable

[version textuelle]

Deuxième partie d’une lettre datée du 1er juin 2010 provenant du sous-ministre d’Environnement Canada et adressée au Commissaire à l’environnement et au développement durable

[version textuelle]

Troisième partie d’une lettre datée du 1er juin 2010 provenant du sous-ministre d’Environnement Canada et adressée au Commissaire à l’environnement et au développement durable

[version textuelle]

Quatrième partie d’une lettre datée du 1er juin 2010 provenant du sous-ministre d’Environnement Canada et adressée au Commissaire à l’environnement et au développement durable

[version textuelle]

 

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