Lettre au comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique concernant le projet de loi C-520

Lettre au comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique concernant le projet de loi C-520

Le 24 février 2014

Monsieur Pat Martin, député
Président du Comité permanent de l’accès à l’information,
de la protection des renseignements personnels et de l’éthique
Chambre des communes
Ottawa (Ontario) K1A 0A6

Monsieur,

Sujet : Projet de loi C-520, Loi sur l’impartialité politique des agents du Parlement

Nous vous soumettons la présente dans le contexte de vos délibérations au sujet du projet de loi C-520. À titre d’agents du Parlement, nous appuyons les initiatives visant l’amélioration de la transparence et de la responsabilisation à l’égard du Parlement et des Canadiens. Notre rôle est de servir le Parlement de façon non partisane. À cet effet, nous appuyons le principe qui sous-tend le projet de loi C-520 et nous nous engageons à veiller à ce que nos fonctions soient remplies de façon juste, indépendante, impartiale et non partisane, tout comme les employés de nos bureaux respectifs.

L’article 3 du projet de loi a pour objet d’éviter les conflits qui pourraient survenir ou sembler survenir entre les activités partisanes et les fonctions et responsabilités officielles d’un agent du Parlement ou de l’un de ses employés. Le projet de loi vise à le faire en exigeant qu’un agent du Parlement ou tout employé travaillant dans le bureau d’un agent produise une déclaration écrite faisant état de son intention d’occuper un poste partisan simultanément à ses fonctions d’agent ou d’employé travaillant dans le bureau d’un agent (articles 6 et 7). En outre, le projet de loi exige que l’agent du Parlement ou tout employé travaillant dans son bureau fournisse un engagement par écrit qu’il se conduira de façon non partisane dans l’exercice de ses fonctions (article 8).

L’article 9 prévoit également qu’un agent du Parlement peut procéder à l’examen de toute allégation selon laquelle un employé se serait conduit de façon partisane dans l’exercice de ses responsabilités, sur demande écrite d’un sénateur ou d’un député. À la suite de cet examen, l’agent du Parlement devra soumettre son rapport à la fois au président du Sénat et au président de la Chambre des communes pour dépôt devant chacune des chambres (article 10).

Dans l’ensemble, les dispositions du projet de loi ne donnent pas d’indications particulières sur la manière dont elles interagiraient avec le régime législatif et de politique publique actuel qui régit les activités politiques des fonctionnaires. Le régime actuel comprend la Partie 7 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, le Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique et les codes de valeurs et d’éthique adoptés séparément par chacun des bureaux. Notamment, en l’absence d’une définition d’une conduite partisane, il est difficile de voir comment cette notion différera de la définition d’activité politique, figurant dans la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP). La LEFP prévoit que seule la Commission de la fonction publique peut mener des enquêtes concernant des allégations d’activités politiques. Cette absence d’harmonisation ou d’intégration risque de créer des incertitudes pour les employés et pourrait donner lieu à des questions concernant le chevauchement des mécanismes de redressement et des compétences.

Les paragraphes suivants soulèvent des questions spécifiques sur lesquelles le Comité pourrait vouloir se pencher.

Premièrement, l’exigence selon laquelle la personne doit déclarer, dès que possible, durant le processus de nomination, si elle a occupé antérieurement ou non un poste partisan au cours des dix dernières années pourrait affecter ce processus. En tant qu’agents du Parlement, nous avons un pouvoir délégué de nommer des employés basé sur les principes du mérite énoncés dans la LEFP et les règlements s’y rattachant. La prise en considération des postes partisans antérieurs ne serait pas permise au cours d’un processus de nomination. Si une personne déclare qu’elle a déjà occupé des postes partisans et qu’elle n’obtient pas le poste au bureau d’un agent du Parlement pour des questions de mérite, elle pourrait contester cette décision dans le cadre de la LEFP sous le motif que la déclaration a influencé le processus de nomination.

Deuxièmement, il n’existe aucune définition de ce qui constitue une conduite partisane, aucun niveau de preuve qui serait exigé pour demander un examen et aucune mesure corrective pour le gestionnaire ou quelconque mécanisme de redressement pour l’employé. En outre, le projet de loi n’a aucune disposition sur les normes de confidentialité qui s’appliquent à la demande d’examen, au processus de ce dernier ainsi qu’à la remise du rapport. Ces derniers soulèvent des questions en raison de l’impact qu’un examen et un rapport risquerait d’avoir sur la réputation d’un employé. Cela est particulièrement important si aucun élément de preuve ne permet de conclure que l’employé a agi de façon partisane.

Troisièmement, l’examen de la conduite de l’employé à la suite d’une allégation de conduite partisane pourrait avoir des répercussions sur les vérifications, enquêtes ou dossiers particuliers dont il est responsable.  Un tel examen pourrait interrompre ou entraver le travail sur un dossier, sur une vérification ou sur une enquête en cours et occasionner un retard excessif. 

Enfin, le champ d’application de ce projet de loi est très large. Il s’applique à tous les employés à tous les niveaux. Le Comité pourrait vouloir considérer si le projet de loi devrait être limité aux employés ayant un pouvoir de décision ou occupant des fonctions leur permettant d’exercer une certaine influence.

Nous vous remercions de considérer les questions soulevées dans la présente lettre. Chacun d’entre nous apprécions l’opportunité de comparaître devant le Comité dans le cadre de l’examen du projet de loi C-520 afin de discuter de manière plus approfondie de nos préoccupations.

Salutations cordiales,

Michael Ferguson, FCA
Le vérificateur général du Canada

Karen E. Shepherd
La commissaire au lobbying du Canada

Marc Mayrand
Le directeur général des élections du Canada

Suzanne Legault
La commissaire à l’information du Canada

Chantal Bernier
La commissaire à la protection de la vie privée du Canada par intérim

Graham Fraser
Le commissaire aux langues officielles

Me Mario Dion
Le commissaire à l’intégrité du secteur public du Canada

c.c. :

Madame Pat Davidson, députée, Vice-présidente, Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique

M. Scott Andrews, député, Vice-président, Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique

M. Chad Mariage, greffier, Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique