Le rôle et la perspective du Bureau du vérificateur général du Canada

1. Mandat, rôle et responsabilités

2. L'évolution du travail de vérification du Bureau

3. Faits nouveaux récents

4. Tout compte fait

5. Quelques éléments de réflexion pour l'avenir

Annexe — Mandat relatif à la vérification de l'optimisation des ressources

Innovation et prise de risque dans l'administration fédérale

Document de travail pour une table ronde

le 6 octobre 1998

Bureau du vérificateur général du Canada
18 septembre 1998

1. Mandat, rôle et responsabilités

Le présent document porte principalement sur la vérification de l'optimisation des ressources qui est faite dans les ministères et les organismes fédéraux conformément à la Loi sur le vérificateur général (voir l'annexe).

La Loi énonce fondamentalement un mandat qui porte surtout sur des sujets négatifs. Elle exige en effet que le vérificateur général porte à l'attention de la Chambre des communes les cas où il a constaté que, par exemple, des sommes d'argent ont été dépensées à d'autres fins que celles auxquelles le Parlement les avait affectées, ou que des sommes d'argent ont été dépensées sans égard à l'économie ou à l'efficience.

À titre de serviteur du Parlement, le vérificateur général est tenu de suivre les directives du Parlement. Dans les limites de celles-ci toutefois, il a la liberté de choisir les sujets de vérification et de déterminer comment et quand il en fait rapport. Le Bureau du vérificateur général du Canada s'est donné un cadre stratégique qui énonce sa vision et sa mission et qui le guide dans toutes les dimensions de son travail.

Vision. Nous sommes engagés à promouvoir, dans l'exécution du mandat que nous a confié le Parlement, une administration gouvernementale responsable, honnête et productive et, de ce fait, à produire des résultats positifs pour tous les Canadiens.

Mission. Le Bureau du vérificateur général du Canada effectue, en toute indépendance, des missions de vérification et des examens qui fournissent information, assurance et avis objectifs au Parlement. Le vérificateur général vise ainsi à améliorer le contrôle parlementaire sur les deniers publics et à encourager l'emploi des meilleures méthodes de gestion dans l'administration publique.

Quand il y est question d'économie, d'efficience, d'efficacité, des meilleures pratiques de gestion et de productivité dans l'administration fédérale, le mandat législatif du Bureau ainsi que ses énoncés de vision et de mission appuient également, dans la fonction publique, un milieu et une culture qui valorisent l'innovation et la prise de risque raisonnable.

Selon le Bureau, il doit y avoir des innovations, et des risques raisonnables doivent être pris, mais de telle façon que soient respectées les exigences du contrôle parlementaire et la nécessité de protéger les fonds publics. À cet égard, le Bureau a l'obligation d'attirer l'attention sur des écarts importants par rapport aux vœux du Parlement.

Dans ses vérifications, le Bureau met l'accent tout particulièrement sur la nécessité de la transparence et de la reddition de comptes au Parlement. Les sondages d'opinion publique montrent que la population canadienne souhaite également que le gouvernement agisse avec transparence et avec intégrité, et que l'utilisation des fonds publics soit pleinement justifié. Il est bon de signaler toutefois que les fonctionnaires sont très ambivalents au sujet d'une transparence complète en raison des conséquences négatives perçues pour leurs ministres et, en fin de compte, pour eux-mêmes.

2. L'évolution du travail de vérification du Bureau

Le système politique du Canada est de nature telle que le gouvernement évolue à toutes fins utiles au vu et au su de tout le monde. Au sein du Parlement, les partis d'opposition interpellent le gouvernement et essaient de l'embarrasser en signalant un rendement insuffisant ou médiocre. Certains des renseignements servant à alimenter le débat peuvent être tirés des rapports de vérification du Bureau et le sont effectivement.

Même si le Bureau doit tenir pour acquis l'existence et la forme du débat, il s’efforce quand même dans ses rapports :

Dans les premières années de la vérification de l'optimisation des ressources, une bonne partie du travail du Bureau allait de pair avec le souci du gouvernement même de mettre en place de bons systèmes et pratiques de gestion et de se conformer à des mesures de contrôle externes. Le Bureau reconnaît que la vérification fondée sur les systèmes et axée sur la conformité peut faire obstacle à l'innovation et à la prise de risque. En effet, dans ses derniers rapports sur le rendement adressés au Parlement, le Bureau a reconnu publiquement la possibilité qu'une partie de son travail de vérification occasionne des répercussions négatives.

Au milieu des années 80, le Bureau avait commencé à mettre davantage l'accent sur les résultats des programmes publics. Il a alors commencé à faire observer dans certains de ses chapitres que l'énorme panoplie de règles, de règlements et de mesures de contrôle pourrait effectivement faire obstacle à la production des résultats souhaités.

Dans cette veine, le Bureau a publié depuis 15 ans un certain nombre de chapitres qui encouragent directement la prise de risque raisonnable et l'innovation. Mentionnons par exemple les chapitres suivants :

« Entraves à une gestion productive dans la fonction publique » — Rapport de 1983;
« Caractéristiques des organisations performantes » — Rapport de 1988;
« Valeurs, services et rendement »— Rapport de 1990;
« Innovation et cadre de contrôle parlementaire » — Rapport de 1991;
« Le changement et le contrôle au sein du gouvernement fédéral » — Rapport de 1992;
« L'organisation évolutive » — Rapport de 1992;
« Société innovatrice et rôle de l'État » — Rapport de 1994;
« Vers une gestion axée sur les résultats » — Rapport de 1997.

Explicitement ou implicitement, un certain nombre de fils conducteurs parcourent ces vérifications et ces études :

Malgré l'évolution du contexte de l'administration fédérale et celle des sujets de vérification au fil des années, les attentes fondamentales qui ont guidé le travail du Bureau en vérification de l'optimisation des ressources sont restées relativement constantes. Mentionnons notamment :

À l'heure où le respect des normes d'éthique dans l'administration publique a acquis plus de visibilité depuis quelques années — ce qui était probablement une attente cruciale dans un contexte de plus grande habilitation — le Bureau s'est attardé sur cette question également.

3. Faits nouveaux récents

Comme le signale le document de travail du Forum des politiques publiques, les fonctionnaires évoluent et travaillent dans un contexte qui change rapidement, constamment et profondément pour diverses raisons. Il y a des faits nouveaux sur les plans économique, technologique et démographique, la situation financière du gouvernement, la baisse de confiance de la population envers les pouvoirs publics et les exigences croissantes de la population pour que les services publics soient offerts avec plus de compétence, avec plus de souplesse, et à moindre coût.

La population veut que les fonctionnaires portent davantage attention aux résultats à obtenir plutôt qu'à la façon de faire les choses. Elle veut aussi être mieux informée sur ce qu'elle reçoit contre l'argent de ses impôts. Même si le public exige que le gouvernement dépense moins, il n'est pas disposé pour autant à abandonner des programmes qui lui tiennent à cœur ou à se résigner à une moindre qualité de service.

En réaction, le gouvernement s'est mis à examiner ses programmes pour déterminer dans quels secteurs son intervention est la plus nécessaire et pour trouver des moyens plus économiques d'offrir ces programmes. Ces différents modes de prestation des services comportent souvent des caractéristiques telles une meilleure délégation de pouvoirs et une attention plus soutenue à la clientèle et aux résultats. Mais il arrive souvent qu'on ne porte pas suffisamment d'attention à la mise en place de ces éléments. Ces modes de prestation comportent aussi de plus en plus toute une gamme de mécanismes de collaboration ou de partenariat avec d'autres paliers de gouvernement et avec le secteur privé.

Parmi les mécanismes de partenariat avec le secteur privé, mentionnons les entreprises communautaires et les organisations non gouvernementales. Les mécanismes de partenariat avec d'autres paliers de gouvernement sont de plus en plus utilisés, par exemple avec les provinces pour la formation de la main-d'œuvre ou pour l'application de certains règlements relatifs à l'environnement. Aussi, de nouveaux organismes de services sont créés, comme l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ou sont proposés, comme dans le cas de l'Agence canadienne des parcs et de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Au sein du gouvernement fédéral, les différents mécanismes de prestation des services vont des organismes de service spécial aux « guichets uniques », par lesquels plusieurs ministères, même de paliers différents de gouvernement, offrent des services au public au même endroit.

En raison des changements rapides dans les cadres interne et externe de la fonction publique, il faut être plus souple et mettre davantage l'accent sur les résultats. Ces deux facteurs offrent la possibilité de faire place à l'innovation, à la prise de risque raisonnable et à la reddition de comptes, comme éléments centraux des meilleures pratiques, et les mettent en lumière.

Étant donné ces types de faits nouveaux, voici comment le Bureau a évolué dans ses vérifications.

4. Tout compte fait

Tout compte fait, le Bureau appuie et encourage la prise de risque et l'innovation de façon intelligente, si ces initiatives sont prises dans le cadre du mécanisme de contrôle parlementaire en place. S'il ne peut y avoir d'innovation dans un tel contexte, il faut absolument le modifier.

Étant donné la nature même d'une fonction de vérification extérieure, il existera toujours une possibilité que le travail du Bureau ait (même sans bonne raison) un effet paralysant sur la volonté des fonctionnaires d'innover et de prendre des risques. Même si le Bureau a encore du chemin à parcourir, il essaie de faire sa part pour minimiser cette possibilité en se concentrant sur ce qu'il fait et sur la façon dont il le fait. Il choisit d'effectuer des vérifications qui lui permettent de signaler au Parlement des questions d'importance et il cherche à en faire rapport de façon telle qu'il contribue à l'amélioration de l'administration publique, de la gestion et de la reddition de comptes. En outre, comme il a été indiqué ci-dessus, les pratiques de vérification du Bureau évoluent en réaction aux changements dans le milieu de la fonction publique. N&e acute;anmoins, le Parlement s'attendra toujours à ce que le Bureau s'acquitte de son rôle traditionnel qui consiste à indiquer si les exigences de contrôle parlementaire sont respectées.

Selon le Bureau, prendre des risques et innover, ce n'est pas de ce fait mal gérer ni mal contrôler. Si les mesures de contrôle (les règles, les règlements, les procédures, etc.) font obstacle à la productivité de l'administration fédérale, l'innovation consiste en partie (l'innovation dans la gestion publique comme telle) à faire les changements nécessaires et utiles.

Au Bureau, on croit cependant que les risques doivent être explicitement définis, communiqués et gérés, de façon à ce que l'incertitude soit minimisée et les possibilités, maximisées. Ainsi, on peut en arriver à mettre davantage en relief les résultats au meilleur coût et la reddition de comptes, sans miner l'application régulière de la loi ou le contrôle parlementaire.

5. Quelques éléments de réflexion pour l'avenir

Nous — c'est-à-dire le public, les parlementaires, les fonctionnaires et les vérificateurs législatifs — devons nous concerter pour faire disparaître les vues traditionnelles et les anciennes habitudes. Nous devons avoir la liberté, et le courage, d'adopter de nouvelles approches. Du même coup toutefois, nous devons être disposés à améliorer la reddition de comptes, et à l’assurer avec une plus grande transparence.

Nous devons reconnaître qu'il est nécessaire de prendre des risques raisonnables, et qu’il est acceptable de commettre certaines erreurs, du moment que l'apprentissage se produit et que le cadre de contrôle parlementaire de base n'est pas violé. Il nous faut en effet tous reconnaître qu'il serait à la fois déraisonnable et infiniment coûteux pour le gouvernement de se donner une assurance totale sur tous les risques. Il faut mieux comprendre que l'aversion pour le risque (« le risque non pris ») n'a rien de gratuit.

Le Bureau du vérificateur général du Canada peut jouer un certain rôle pour faire comprendre cela en signalant les coûts. Il peut aussi mettre davantage en relief l'importance de l'apprentissage qui découle (ou qui devrait découler) de l'innovation et de la prise de risque. Si des cadres commettent des erreurs parce qu'ils prennent des risques raisonnables, il peut être plus productif d'exiger des cadres qu'ils rendent compte des leçons qu'ils ont tirées de leur expérience et de prendre des mesures pour prévenir les mêmes erreurs dans l'avenir plutôt que de tout simplement leur attribuer la responsabilité. À titre d'exemple de ce qui est possible dans ce cas, l'un des critères du Bureau pour la vérification de l’information sur le rendement présentée au Parlement tient à la capacité démontrée de tirer des leçons en cas de rendement m&eacut e;diocre, et de s'adapter en conséquence.

De nombreuses contraintes relatives à l'innovation et à la prise de risque raisonnable dans la fonction publique ont été relevées dans le document de travail du Forum des politiques publiques et dans d'autres sources. Mentionnons par exemple l'inertie, le faible moral, l'absence de pouvoir, l'absence de leadership, la pénurie de ressources, l'attention des médias et la prudence politique. Au Bureau, on pense toutefois qu'il faut pousser davantage la discussion du postulat selon lequel beaucoup des facteurs qui empêchent ou dissuadent l'innovation sont propres à la fonction publique. Il y a peut-être de l'exagération car il semble y avoir des facteurs aussi importants dans le secteur privé (par ex., la sécurité d'emploi).

Que les contraintes soient réelles ou perçues toutefois, on ne doit pas sous-estimer le temps, l'énergie et la détermination soutenue qui sont nécessaires pour en arriver à produire un changement important dans les attitudes et les pratiques à l'échelon politique, au sein de la fonction publique et chez les vérificateurs législatifs. Il faut pousser plus loin l'examen et entamer un débat réel pour déterminer les sources de plus grandes difficultés et pour trouver les moyens de progresser.

Il faudra notamment bien informer les parlementaires et la population (des risques), être persévérant et constant dans la provocation du changement, signaler de nombreuses réussites, et avoir la volonté et l'occasion de faire valoir certains succès authentiques.

Annexe — Mandat relatif à la vérification de l'optimisation des ressources

Annexe — Mandat relatif à la vérification de l'optimisation des ressources

La Loi sur le vérificateur général, la Loi sur la gestion des finances publiques, ainsi que toute une gamme d'autres lois et décrets, énoncent le mandat, le rôle et les responsabilités du vérificateur général et du commissaire à l'environnement et au développement durable.

La Loi sur le vérificateur général exige que « le vérificateur général signale tout sujet qui, à son avis, est important et doit être porté à l'attention de la Chambre des communes, notamment les cas où il a constaté que :

Ce sont sur ces dispositions de la Loi sur le vérificateur général que s'appuient les vérifications de l'optimisation des ressources qui font l'objet du présent document.