Printemps 2018 — Rapports du vérificateur général du Canada au Parlement du Canada Commentaire sur les audits de performance des sociétés d’État 2016-2018

Printemps 2018 — Rapports du vérificateur général du Canada au Parlement du CanadaCommentaire sur les audits de performance des sociétés d’État 2016-2018

Problèmes ayant une incidence sur la gestion et la surveillance des sociétés d’État

1. Entre mars 2016 et mars 2018, le Bureau du vérificateur général du Canada a effectué des audits de performance des pratiques de gestion de 13 sociétés d’État. Pour chacun de ces audits, appelés examens spéciaux, nous avons rendu compte des résultats à la société d’État et au Parlement.

2. Le présent rapport vise à attirer l’attention du Parlement sur des problèmes importants qui étaient présents dans plus d’une société d’État et qui ont nui à la gestion et à la surveillance de ces dernières.

3. Nous avons constaté des problèmes dans cinq secteurs importants :

4. À cause de ces problèmes, il a été difficile pour les sociétés d’État de protéger leurs actifs, de gérer leurs ressources de manière efficiente et économique et de bien s’acquitter de leur mandat.

5. À notre avis, les sociétés d’État ont besoin du soutien du gouvernement pour régler ces problèmes. Le gouvernement peut jouer un rôle important de soutien à la direction des sociétés d’État en :

6. Entre mars 2016 et mars 2018, nous avons publié un rapport d’examen spécial sur les 13 sociétés d’État suivantes :

7. Vous trouverez plus d’information au sujet des sociétés d’État et des examens spéciaux sur notre site Web (à la rubrique « Ce que nous faisons », qui se trouve dans l’onglet « À propos du bureau »).

8. Nos audits des sociétés d’État appuient la contribution du Canada aux objectifs de développement durable des Nations Unies, et plus particulièrement à l’objectif de mise en place d’institutions efficaces.

Certaines sociétés d’État n’ont pas reçu à temps les décisions concernant leurs plans d’entreprise quinquennaux

9. Pour 4 des 13 sociétés d’État que nous avons auditées, le gouvernement n’a pas rendu à temps les décisions concernant les stratégies et les objectifs présentés dans leurs plans d’entreprise quinquennaux. De ces quatre sociétés, deux étaient aux prises avec des problèmes de financement à long terme qui devaient être réglés. Les activités des deux autres sociétés avaient connu des changements importants qui devaient être approuvés à temps par le gouvernement afin d’aller de l’avant avec les autorisations appropriées en place.

10. Nous attirons l’attention du Parlement sur ce point parce que la plupart des sociétés d’État sont tenues par la Loi sur la gestion des finances publiques de soumettre chaque année leur plan d’entreprise quinquennal à l’approbation de leur ministre de tutelle.

11. Selon ses Lignes directrices pour la préparation des plans d’entreprise, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada présente le plan d’entreprise quinquennal comme étant « la pierre angulaire du régime de responsabilisation adopté par le Parlement à l’égard des sociétés d’État ». En contrepartie de l’autonomie plus grande dont elles jouissent par rapport aux ministères du gouvernement, les sociétés d’État doivent présenter annuellement leur plan d’entreprise à leur ministre de tutelle pour informer le gouvernement de leurs activités. Les plans établissent les objectifs, les stratégies ainsi que les mesures et les cibles de rendement opérationnel et financier pour les cinq années suivantes. Les sociétés sont tenues de mener leurs activités selon leur dernier plan d’entreprise approuvé, tant que le gouvernement n’a pas revu et approuvé le nouveau plan. Pour pouvoir apporter les changements nécessaires à la poursuite de leur mandat, les sociétés d’État ont besoin que le gouvernement les informe de façon suivie de l’état d’avancement de leurs plans d’entreprise quinquennaux. Elles ont aussi besoin que le gouvernement rende à temps ses décisions concernant les stratégies et les objectifs contenus dans ces plans.

12. Nous avons constaté des problèmes avec les plans d’entreprise quinquennaux de quatre sociétés d’État :

13. Dans les quatre dernières années, le Musée canadien pour les droits de la personne a présenté chaque année un plan d’entreprise comme il se doit. Cependant, le gouvernement n’a pas approuvé les plans de la Société et il ne lui a pas fourni de raison de ne pas les approuver. Cette situation était grave à cause de l’incertitude qui planait sur la Société quant à son financement à court terme, situation sur laquelle le ministre de tutelle aurait dû se pencher.

14. L’Office de commercialisation du poisson d’eau douce faisait face à de grands changements touchant ses activités et qui ont nui à sa capacité de s’acquitter de son mandat. Depuis 2009, le gouvernement n’avait pas approuvé à temps les plans d’entreprise quinquennaux de la Société et n’en avait pas donné la raison.

15. Ridley Terminals Inc. avait poursuivi ses activités sans plan d’entreprise approuvé depuis janvier 2015. Par ailleurs, plus tard en 2015, la Société a pris des mesures pour se lancer dans une nouvelle activité sans recevoir l’approbation du gouvernement.

16. Pendant un certain nombre d’années, les plans d’entreprise pluriannuels de VIA Rail Canada Inc. n’ont pas été approuvés à temps. Cette situation a affaibli la capacité de la Société de prendre des engagements financiers pluriannuels visant à résoudre des problèmes susceptibles de compromettre sa viabilité.

La dotation des postes vacants aux conseils d’administration a connu des retards

17. Nos travaux d’audit ont révélé qu’il y avait souvent eu de longs retards dans le processus du gouvernement pour nommer des membres aux conseils d’administration des sociétés d’État. Tel a été le cas pour 8 des 13 sociétés d’État que nous avons auditées. Dans certains cas, la capacité de fonctionnement des conseils s’en est trouvée limitée.

18. Nous attirons l’attention du Parlement sur ce point parce que les retards dans les nominations nuisent à la capacité des conseils d’administration d’exercer une surveillance efficace, de prendre des décisions et d’intervenir au besoin.

19. Chaque société d’État est gouvernée par un conseil d’administration ou un organe de gouvernance similaire dont le nombre de membres est généralement établi dans sa loi habilitante. Le ministre de tutelle d’une société est chargé de nommer les administrateurs avec l’approbation du gouverneur en conseilDéfinition i. Chaque administrateur est nommé pour une durée établie, mais nous avons constaté que dans certains cas, les administrateurs avaient continué de siéger après la fin de leur mandat en attendant que le gouvernement décide soit de les remplacer soit de reconduire leur nomination. Une pratique courante en gouvernance consiste à faire en sorte que les mandats des administrateurs d’un conseil d’administration d’une société n’expirent pas tous en même temps, afin d’assurer la préservation du savoir institutionnel.

20. Pour 8 des 13 sociétés d’État que nous avons auditées, il y a eu des retards dans les nominations, ce qui a eu les conséquences suivantes :

21. Voici deux exemples de l’incidence des retards dans les nominations :

22. Les retards dans les nominations aux conseils d’administration peuvent aussi avoir un effet cumulatif. Par exemple, au Musée canadien pour les droits de la personne, sur 11 postes d’administrateur, 2 étaient vacants, dont celui de président; 3 administrateurs siégeaient après l’expiration de leur mandat; le mandat de 2 autres administrateurs était sur le point d’expirer. C’est donc dire que 7 des administrateurs pouvaient être remplacés en même temps, ce qui pouvait entraîner une perte de savoir institutionnel.

Certains membres de conseils d’administration étaient en situation de conflit d’intérêts

23. Dans 4 des 13 sociétés d’État que nous avons auditées, le conseil d’administration comptait des parties prenantes dans les activités du secteur, qui auraient pu tirer profit de décisions de leur conseil d’administration. La loi régissant certaines sociétés d’État exige que des représentants de l’industrie, des syndicats ou d’autres parties intéressées siègent au conseil, ou bien elle ne l’interdit pas. Ces conseils doivent donc gérer le risque inhérent de conflit d’intérêts perçu ou réel.

24. Nous attirons l’attention du Parlement sur ce point parce que les conseils d’administration des sociétés d’État doivent prendre des décisions en toute objectivité. Lorsque les membres du conseil sont expressément sélectionnés auprès de groupes de parties prenantes, le conseil doit être particulièrement conscient de la possibilité de conflits d’intérêts et gérer cela de manière à ce que les membres respectent leurs obligations législatives, y compris leur obligation d’agir dans le meilleur intérêt de la société.

25. Des parties prenantes du secteur d’activités ont été nommées au conseil d’administration de quatre sociétés d’État :

26. Le conseil d’administration de l’Administration de pilotage du Pacifique est un bon exemple de conflit d’intérêts inhérent. Le ministre des Transports avait comme pratique bien établie de nommer en tant qu’administrateurs des représentants de pilotes à contrat employés par la Société ou des représentants de l’industrie du transport maritime, laquelle est la cliente de la Société. Au moment de notre audit, le conseil n’avait pas de protocole obligeant ses membres à divulguer les conflits d’intérêts de manière continue. Or, le conseil prenait des décisions concernant des modifications aux règlements, aux contrats avec les pilotes et aux tarifs imposés à l’industrie maritime.

27. Dans le cas de l’Office de commercialisation du poisson d’eau douce, certains membres du conseil d’administration étaient des représentants de l’industrie de la pêche. Ces représentants ont participé aux décisions relatives aux paiements versés aux pêcheurs par la Société. Le code régissant les conflits d’intérêts de la Société stipulait que les membres du conseil ayant des intérêts dans la livraison de poissons à la Société ne se trouvaient pas en conflit d’intérêts. Cependant, à notre avis, il ne fait aucun doute qu’ils l’étaient.

La rémunération des premiers dirigeants présentait des anomalies dans deux sociétés d’État

28. Dans deux examens spéciaux récents, nous avons signalé des anomalies dans la rémunération des premiers dirigeants. Dans un cas, la société d’État a recruté son premier dirigeant en passant outre le processus de nomination par le gouvernement et a établi la rémunération de ce premier dirigeant sur contrat. Dans un autre cas, l’échelle de rémunération totale du premier dirigeant, qui avait été établie par le gouvernement (le gouverneur en conseil), était inférieure à celle d’autres cadres supérieurs dont la rémunération avait été déterminée par la société d’État en fonction des normes du marché.

29. Nous attirons l’attention du Parlement sur ce point parce que nous craignons que ces deux anomalies puissent indiquer que le gouvernement ne connaît pas la relation qui existe entre les niveaux de rémunération que le gouvernement établit pour les premiers dirigeants des sociétés d’État et les niveaux que la société d’État établit pour ses autres cadres supérieurs. Ces niveaux ne sont pas rendus publics. La divulgation de la rémunération des cadres supérieurs est une pratique largement acceptée dans les secteurs public et privé et peut permettre au gouvernement de mieux comprendre les problèmes connexes. Nous avons constaté que l’une des deux sociétés d’État avait recruté et rémunéré son premier dirigeant en passant outre le processus de nomination par le gouvernement. Nous craignons que cette situation se reproduise si le gouvernement n’y prête pas attention.

30. Nous avons abordé la rémunération du premier dirigeant dans les rapports sur les sociétés d’État suivantes :

31. En novembre 2016, le conseil d’administration de Ridley Terminals Inc. a recruté un président et directeur de l’exploitation (lui donnant ainsi un autre titre) sur contrat en passant outre le processus de nomination par le gouverneur en conseil et en lui accordant un niveau de rémunération beaucoup plus élevé que le niveau établi par le gouvernement. Selon le conseil, la rémunération du gouvernement n’allait pas attirer à Ridley Terminals Inc. des candidats ayant les compétences voulues ni les meilleurs candidats. Cette mesure d’embauche ne respecte pas les dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques. De plus, le ministère des Transports savait que la Société voulait recruter en passant outre le processus, mais n’a pas vérifié si la Société respectait le processus de nomination du gouverneur en conseil pour embaucher un nouveau président et directeur de l’exploitation.

32. Quant à Exportation et développement Canada, la société d’État a suivi les processus de nomination et de rémunération établis par le gouvernement pour le président et chef de la direction. Cependant, l’échelle de rémunération totale de ce dernier était désormais inférieure à celle d’autres cadres supérieurs qui relevaient du président et chef de la direction. Cet écart salarial s’était creusé parce que l’échelle établie par le gouvernement pour ce poste n’avait pas été modifiée depuis 2012.

La gestion du risque des sociétés d’État comportait des faiblesses

33. Au cours de nos travaux d’audit, nous avons constaté que les pratiques de gestion du risque comportaient des faiblesses pour l’ensemble des 13 sociétés d’État et que ces pratiques devaient être améliorées. Les faiblesses constatées indiquaient que les sociétés d’État devaient en faire davantage pour minimiser les pertes potentielles et éviter l’interruption de leurs activités.

34. Nous attirons l’attention du Parlement sur ce point parce que les sociétés d’État doivent disposer de saines pratiques de gestion du risque pour gérer le risque de pertes potentielles et éviter l’interruption de leurs activités. Les sociétés ont une diversité de mandats et œuvrent dans de nombreux secteurs de l’économie canadienne, y compris les transports, l’énergie, l’agriculture, les pêches, les services financiers, la culture et les services gouvernementaux. Les mandats des sociétés consistent notamment à préserver la culture et le patrimoine du Canada, à fournir des services importants et, dans certains cas, à protéger la santé et la sécurité des personnes et de l’environnement. Prises dans leur ensemble, les sociétés d’État gèrent des milliards de dollars en actifs publics. Elles doivent disposer de saines pratiques de gestion du risque qui tiennent compte de la nature de leurs activités et des actifs qu’elles protègent.

35. Même si les pratiques de gestion du risque peuvent être complexes et faire l’objet d’améliorations continues, les techniques à la base de la gestion du risque sont bien au point. Ainsi, pour gérer les risques, il faut d’abord définir les risques qui menacent la réalisation des objectifs et évaluer l’incidence potentielle de ces risques. Il faut ensuite élaborer un plan d’action assorti d’échéances qui présente les moyens d’atténuer ces risques. Enfin, la dernière étape consiste à surveiller et à communiquer les progrès accomplis pour atténuer les risques. Les sociétés d’État doivent adopter de saines pratiques de gestion du risque pour avoir l’assurance qu’elles protègent bien leurs actifs et qu’elles gèrent adéquatement le risque de pertes et l’interruption de leurs activités.

36. Nous avons constaté qu’il y avait des faiblesses dans la manière dont 6 des 13 sociétés d’État que nous avons examinées avaient défini et évalué les risques qui pesaient sur elles. Par exemple, Construction de défense (1951) Limitée n’a pas tenu compte de tous les éléments de risque en matière de fraude, comme le risque de ne pas arriver à gérer des allégations possibles de fraude, de corruption ou de collusion.

37. Nous avons aussi constaté que six sociétés d’État avaient des faiblesses à l’étape de l’élaboration des plans d’action visant à atténuer les risques. Par exemple, l’Administration de pilotage des Grands Lacs n’avait pas entièrement mis en œuvre ses stratégies planifiées d’atténuation des risques visant le contrôle des titulaires de certificat de pilotage et des passages des bateaux canadiens et visant la gestion du rendement des pilotes.

38. Nous avons constaté que dix sociétés d’État n’avaient pas surveillé et communiqué efficacement les risques. Par exemple, dans le cas d’Énergie atomique du Canada limitée, à qui incombe la surveillance d’un entrepreneur chargé du démantèlement en toute sécurité des anciens sites nucléaires et de l’élimination des déchets contaminés, le conseil d’administration de la Société n’avait pas de processus officiel de surveillance des risques répertoriés.

39. Six sociétés d’État avaient des faiblesses dans plus d’un de leurs processus de gestion du risque. Par exemple, Exportation et développement Canada, dont le mandat est d’appuyer les exportateurs canadiens partout dans le monde, n’avait pas encore achevé la mise en œuvre pluriannuelle de son approche actualisée de la gestion du risque, qui vise à rattraper les pratiques en vigueur dans son secteur d’activité. Par conséquent, la Société avait encore des faiblesses dans ses pratiques de gestion du risque organisationnel et dans certains aspects de ses pratiques de gestion du risque de crédit.