Printemps 2020 — Rapports du vérificateur général du Canada au Parlement du Canada Rapport de l’auditeur indépendantRapport 2 — L’aide financière aux étudiantes et étudiants

Printemps 2020 — Rapports du vérificateur général du Canada au Parlement du CanadaRapport 2 — L’aide financière aux étudiantes et étudiants

Illustration contenant une citation du rapport

Rapport de l’auditeur indépendant

Introduction

Information générale

2.1 Le marché du travail actuel requiert des individus ayant des compétences spécialisées et de vastes connaissances. Le gouvernement du Canada considère que des investissements dans l’éducation et la formation sont essentiels afin d’aider les Canadiens à acquérir les compétences nécessaires à leur réussite et à la croissance économique du pays. Par conséquent, le gouvernement fédéral gère un certain nombre de programmes d’aide financière aux étudiants de niveau postsecondaire, comme le Programme canadien de prêts aux étudiants et le Programme canadien pour l’épargne-études, ou contribue à ces programmes.

2.2 Instauré en 1964, le Programme canadien de prêts aux étudiants vise à rendre l’éducation postsecondaire plus abordable pour les étudiants de familles à revenu faible ou moyen. Le programme offre aux étudiants admissibles une aide financière non remboursable (bourses) et remboursable (prêts). Depuis 2000, le Programme fournit des prêts directement aux étudiants admissibles. Pour l’année de prêt 2016-2017 (du 1er août au 31 juillet), le gouvernement a fourni des prêts directsDéfinition i à près de 500000 étudiants, pour un total de 2,6 milliards de dollars. Au cours de cette année, environ 39 % des étudiants de niveau postsecondaire ont reçu des prêts dans le cadre du Programme canadien de prêts aux étudiants.

2.3 Les bénéficiaires de prêts étudiants ayant déclaré avoir des difficultés financières peuvent présenter une demande au Programme d’aide au remboursement. Ce programme a été établi par le gouvernement du Canada en 2009 selon le Règlement fédéral sur l’aide financière aux étudiants, en vertu de l’article 15 de la Loi fédérale sur l’aide financière aux étudiants. Le Programme d’aide au remboursement réduit le montant des paiements mensuels qui incombent aux bénéficiaires afin de les aider à mieux gérer leur dette d’études. Dans le cadre de ce programme, le gouvernement fédéral assume au moins une partie des intérêts du prêt étudiant au nom de l’emprunteur et, dans certains cas, il assume même une partie du principal.

2.4 Emploi et Développement social Canada — Ce ministère est chargé de gérer le Programme canadien de prêts aux étudiants ainsi que d’analyser les paramètres du programme afin de favoriser le remboursement des prêts octroyés et de s’assurer que la gestion du programme est efficiente. Le Ministère a confié la prestation des services de prêts aux étudiants à un fournisseur de services du secteur privé. Ce fournisseur privé gère le Centre de service national de prêts aux étudiants, qui administre les comptes de prêts étudiants depuis le versement des prêts jusqu’à leur remboursement. Le Ministère est aussi chargé d’encourager les Canadiens à épargner pour financer leurs études postsecondaires et de faire connaître le Programme canadien pour l’épargne-études, qui aide les familles à épargner pour les études postsecondaires de leurs enfants.

2.5 Agence du revenu du Canada — En 2005, le gouvernement fédéral a donné à l’Agence du revenu du Canada le mandat de recouvrer les prêts étudiants en défaut de paiementDéfinition ii, au nom d’Emploi et Développement social Canada. L’Agence recommande aussi au Ministère la radiation des prêts étudiants qu’elle juge irrécouvrables.

2.6 Agence de la consommation en matière financière du Canada — Dans le cadre de ses responsabilités, l’Agence a pour mandat de collaborer avec les parties prenantes (par exemple les administrateurs d’aide financière dans les établissements d’enseignement postsecondaire) et de soutenir des initiatives dans le but de renforcer la littératie financière des Canadiens, y compris celle des étudiants.

Objet de l’audit

2.7 Cet audit visait à déterminer si Emploi et Développement social Canada et l’Agence du revenu du Canada avaient géré l’aide financière aux étudiants de niveau postsecondaire ainsi que les risques pour le Trésor public de façon efficiente, tout en favorisant l’accès des étudiants aux collèges et aux universités. Cet audit visait aussi à déterminer si l’Agence de la consommation en matière financière du Canada avait collaboré avec les parties prenantes pour renforcer la littératie financière des étudiants.

2.8 Cet audit est important parce que la valeur des prêts étudiants non remboursés au gouvernement fédéral est considérable et que, selon l’actuaire en chef du Canada, cette valeur devrait augmenter. Le non-remboursement des prêts représente un coût et pourrait constituer un fardeau pour les contribuables.

2.9 La section intitulée À propos de l’audit, à la fin du présent rapport, donne des précisions sur l’objectif, l’étendue, la méthode et les critères de l’audit.

Constatations, recommandations et réponses

Message général

2.10 Dans l’ensemble, nous avons constaté qu’Emploi et Développement social Canada avait besoin de mieux gérer certains volets de l’aide financière aux étudiants. Pour l’exercice 2018-2019, le montant total du non-remboursement des prêts étudiants s’élevait à un demi-milliard de dollars. De plus, le Ministère aurait dû effectuer une évaluation plus exhaustive de l’aide financière aux étudiants afin de cerner pleinement les effets de cette aide ainsi que les interactions entre ses programmes.

2.11 Le Ministère n’a pas pris suffisamment de mesures pour s’assurer que les emprunteurs comprennent leurs obligations financières. En outre, le Ministère n’a pas validé adéquatement l’admissibilité des emprunteurs au Programme d’aide au remboursement.

2.12 Nous avons aussi constaté que, bien qu’elle soit chargée de recouvrer les prêts étudiants en défaut de paiement, l’Agence du revenu du Canada n’avait pas tous les outils nécessaires pour s’acquitter efficacement de cette fonction. Au 31 mars 2019, le montant des prêts étudiants non remboursés en défaut de paiement s’élevait à 2,4 milliards de dollars.

L’aide financière accordée aux étudiants

2.13 Le gouvernement fédéral offre trois types d’aide financière aux étudiants :

2.14 Le Programme canadien de prêts aux étudiants octroie des prêts aux étudiants de niveau postsecondaire selon plusieurs critères, dont le revenu et la situation familiale. Les emprunteurs doivent commencer à rembourser le principal de leur prêt et les intérêts six mois après la fin de leurs études à temps plein.

2.15 Le Programme canadien de prêts aux étudiants offre aussi le Programme d’aide au remboursement. Dans le cadre de ce programme, le gouvernement assume, pour une période renouvelable de six mois, le paiement des intérêts et, dans certains cas, du principal pour les emprunteurs admissibles. Pour pouvoir participer à ce programme, l’emprunteur qui affirme ne pas pouvoir acquitter la pleine mensualité de son prêt étudiant doit déclarer ses revenus et sa situation familiale. À partir de ces informations, le Ministère calcule une mensualité de remboursement réduite.

2.16 Au premier stade du Programme d’aide au remboursement, le gouvernement assume seulement l’intérêt qui n’est pas inclus dans la mensualité réduite. Le second stade survient après 60 mois de participation de l’emprunteur au programme, ou 10 ans après la fin de ses études, selon la première éventualité. Au second stade du programme, le gouvernement assume aussi le principal qui n’est pas inclus dans la mensualité réduite.

2.17 Le Programme canadien pour l’épargne-études constitue un autre type d’aide financière aux étudiants. Ce programme a été mis sur pied en 1998 afin d’encourager les familles à épargner en vue de financer les études postsecondaires de leurs enfants. Ce programme comprend le Bon d’études canadien et la Subvention canadienne pour l’épargne-études (voir la pièce 2.1). Le gouvernement a investi 1,1 milliard de dollars dans le Programme canadien pour l’épargne-études en 2018.

Pièce 2.1 — Admissibilité au Programme canadien pour l’épargne-études et montants versés par le gouvernement

Admissibilité au Programme canadien pour l’épargne-études et montants versés par le gouvernement
Paramètre Bon d’études canadien Subvention canadienne pour l’épargne-études
De base Supplémentaire

Admissibilité — âge de l’enfant

De 0 à 15 ans

De 0 à 17 ans

De 0 à 17 ans

Admissibilité — revenu familialNote *

Seuils — de 1 à 3 enfants

Revenu familial inférieur à 47 631 $

Pas de critère de revenu

Faible revenu : inférieur à 47 631 $

Revenu moyen : entre 47 631 $ et 95 259 $

Seuils —4 enfants et plus

Le seuil de 47 631 $ augmente de 6 100 $ par enfant additionnel

Pas de critère de revenu

Pas de variation des seuils selon le nombre d’enfants

Montant versé par le gouvernement fédéral

500 $ pour la première année d’admissibilité

100 $ par an par la suite

20 % de la première tranche de 2 500 $ de cotisations au régime enregistré d’épargne-études de l’enfant

20 % (faible revenu) ou 10 % (revenu moyen) de la première tranche de 500 $ de cotisations

Montant maximum annuel versé par le gouvernement fédéral

Montant fixe (500 $ pour la première année ou 100 $ pour les années suivantes)

500 $

100 $ (faible revenu)

50 $ (revenu moyen)

Montant maximum à vie versé par le gouvernement fédéral

2 000 $

7 200 $

Nombre de bénéficiaires (2018)

690 559

2,92 millions

Montant versé par le gouvernement fédéral (2018)

172 millions de dollars

961 millions de dollars

Source : Emploi et Développement social Canada

Certains volets de l’aide financière aux étudiants nécessitaient des améliorations

2.18 Nous avons constaté qu’Emploi et Développement social Canada avait besoin de mieux gérer certains volets de l’aide financière aux étudiants de niveau postsecondaire ainsi que les risques pour le Trésor public. Étant donné que l’admissibilité des demandeurs au Programme d’aide au remboursement n’avait pas été validée adéquatement, il y avait un risque que des étudiants non admissibles aient participé au programme. Par ailleurs, l’Agence du revenu du Canada n’avait pas les outils nécessaires pour optimiser le recouvrement des prêts étudiants en défaut de paiement. Au cours de l’exercice 2018-2019, le montant du non-remboursement des prêts étudiants s’élevait à un demi-milliard de dollars. Enfin, le Ministère n’avait pas encore mis d’outils de littératie financière à la disposition des étudiants, comme l’avait suggéré l’Agence de la consommation en matière financière du Canada.

2.19 L’analyse à l’appui de cette constatation porte sur :

2.20 Cette constatation est importante parce que la gestion inefficiente des programmes d’aide financière aux étudiants peut avoir de lourdes conséquences pour le Trésor public.

2.21 Nos recommandations relativement au secteur examiné sont présentées aux paragraphes 2.26, 2.32, 2.35, 2.40 et 2.48.

Le non-remboursement des prêts étudiants

2.22 Nous avons constaté qu’Emploi et Développement social Canada ne validait pas adéquatement, par l’entremise de son fournisseur de services du secteur privé, l’exactitude des demandes d’admission au Programme d’aide au remboursement. Le Ministère avait demandé au fournisseur de services d’utiliser un échantillon des demandes aux fins de vérification du revenu. Étant donné que le fournisseur n’avait pas d’information fiscale de l’Agence du revenu du Canada, il vérifiait le revenu déclaré à partir des talons de chèque de paye fournis par les demandeurs et ne vérifiait pas la situation familiale. Il ne pouvait donc pas déterminer de façon efficiente si l’information donnée par les demandeurs était exacte. En 2017, le Ministère a mené une vérification spéciale qui a révélé que 58 % des participants au programme d’aide au remboursement avaient un revenu supérieur à celui qu’ils avaient déclaré au moment de leur demande d’admission au programme. Le Ministère a aussi déterminé que 14 % de ces cas présentaient une différence assez significative pour résulter en une prestation moins élevée dans le cadre du Programme d’aide au remboursement. Selon nous, les résultats de cette vérification renforcent le besoin d’un processus de validation plus rigoureux.

2.23 Emploi et Développement social Canada avait en sa possession depuis 2015 un rapport montrant que le Programme d’aide au remboursement présentait un problème d’intégrité relativement à la vérification de l’admissibilité des demandeurs. Malgré tout, nous avons constaté que le Ministère n’avait toujours pas conclu d’entente avec l’Agence du revenu du Canada lui permettant de valider l’information contenue dans les demandes d’admission au programme à l’aide de l’information fiscale dont dispose l’Agence. Selon un rapport du Ministère, le partage des informations fiscales de l’Agence ne serait pleinement efficace aux fins de vérification que si tous les participants au programme produisaient une déclaration d’impôt. En 2017, le Ministère a noté que 22 % des bénéficiaires du programme n’avaient pas produit de déclaration d’impôt; leur revenu ne pouvait donc pas être vérifié. Au cours de l’audit, le Ministère a reconnu que la pratique des provinces consistant à utiliser les déclarations d’impôt pour vérifier le revenu des étudiants qui présentent une demande d’aide financière était une bonne pratique. L’Ontario exige d’ailleurs que les étudiants produisent une déclaration d’impôt pour être admissibles à de nombreux programmes liés aux prêts étudiants.

2.24 Au 31 juillet 2018, plus de 200000 emprunteurs ayant déclaré éprouver des difficultés à rembourser leur prêt étudiant participaient au Programme d’aide au remboursement. La valeur totale des emprunts de ces étudiants s’élevait à presque 3,6 milliards de dollars (voir la pièce 2.2). Nous avons observé que 40492 personnes participant au programme déclaraient avoir arrêté leurs études postsecondaires à temps plein, être sans emploi ou sans revenu, et ne recevoir aucun type d’aide gouvernementale. À notre avis, le nombre important de personnes ayant déclaré vivre sans revenu aurait dû pousser le Ministère à prendre des mesures appropriées pour protéger l’intégrité du programme, compte tenu du problème d’intégrité que le Ministère avait cerné.

Pièce 2.2 — Les sommes présentant un risque de non-remboursement dans le cadre du Programme d’aide au remboursement étaient importantes

Deux graphiques; l’un qui montre le nombre d’emprunteurs en période de remboursement de prêts, et l’autre qui montre la valeur correspondante des prêts directs

Remarque : En date du 31 juillet 2018

Source : Emploi et Développement social Canada

Pièce 2.2 — version textuelle

Ces deux graphiques montrent le nombre d’emprunteurs en période de remboursement de prêts et la valeur correspondante des prêts directs.

Les données du graphique sont en date du 31 juillet 2018.

Au cours de la période de remboursement de prêts, 868 041 emprunteurs participaient au Programme canadien de prêts aux étudiants, et la valeur correspondante des prêts directs était de 9,77 milliards de dollars.

Au cours de la période de remboursement de prêts, il y avait 209 428 participants au Programme d’aide au remboursement, et la valeur correspondante des prêts directs était de 3,589 milliards de dollars.

Aucun remboursement n’a été effectué par 181 417 participants au Programme d’aide au remboursement, et la valeur correspondante des prêts directs était de 2,872 milliards de dollars.

Aucun revenu n’a été déclaré par 40 492 participants au Programme d’aide au remboursement et aucun remboursement n’a été effectué, et la valeur correspondante des prêts directs était de 655 millions de dollars.

Source : Emploi et Développement social Canada

2.25 Au fil des ans, le gouvernement a facilité l’accès au Programme d’aide au remboursement en modifiant les critères d’admissibilité de ce dernier. Par exemple, le budget fédéral de 2016 a annoncé une hausse du seuil de revenu sous lequel aucun remboursement n’était exigé, pour le faire passer à 25000 $. Nous avons observé qu’au 31 juillet 2018, 87 % des emprunteurs participant au programme n’effectuaient aucun remboursement. La valeur de ces emprunts se chiffrait à 2,9 milliards de dollars. À notre avis, il s’agit d’une somme importante qui est exposée à un risque de non-remboursement, particulièrement compte tenu du problème d’intégrité (en lien avec le programme) que le Ministère avait cerné.

2.26 Recommandation — Pour maximiser le remboursement des prêts étudiants, Emploi et Développement social Canada devrait s’assurer qu’il y a une validation adéquate et systématique des demandes d’admission au Programme d’aide au remboursement.

Réponse d’Emploi et Développement social Canada — Recommandation acceptée. L’objectif du Programme d’aide au remboursement est d’offrir un soutien aux personnes qui ont des difficultés d’emploi ou qui font face à des changements soudains de leur revenu ou de leur composition familiale (par exemple perte d’emploi ou nouveau-né). C’est pourquoi l’admissibilité est fondée sur le revenu du mois précédent et la composition de la famille. Le Bureau du vérificateur général du Canada mentionne l’utilisation par les provinces des données fiscales annuelles de l’Agence du revenu du Canada pour l’aide financière aux étudiants, mais les renseignements sur le revenu annuel ne permettraient pas de cerner les difficultés financières soudaines qui touchent les demandeurs du programme.

Emploi et Développement social Canada dispose d’un processus systématique de vérification du revenu fondé sur un échantillonnage. Le Ministère reconnaît que la vérification du Programme d’aide au remboursement comporte des problèmes, en particulier pour les demandeurs qui déclarent un revenu nul pour la période mensuelle précédente (soit environ 20 % de ces personnes) et en ce qui concerne la composition de la famille. Des travaux sont en cours pour améliorer la vérification à l’aide des données de l’Agence du revenu du Canada. Le Ministère a mobilisé des partenaires afin de trouver des méthodes de vérification plus robustes à l’égard du programme. Une entente d’échange de renseignements, qui devrait être en vigueur au printemps 2021, permettra de vérifier les données sur le revenu et la composition de la famille par rapport aux données fiscales de l’Agence du revenu du Canada pendant le processus de demande, tout en maintenant les pratiques d’échantillonnage systématique actuelles.

L’amélioration de l’information transmise au Parlement

2.27 Nous avons constaté que beaucoup d’information était fournie au Parlement sur le Programme canadien de prêts aux étudiants. Par exemple, dans son rapport annuel au Parlement, Emploi et Développement social Canada a publié un taux de défautDéfinition iii de 9 % sur les prêts étudiants pour l’année de prêt 2015-2016. Même si le Ministère a utilisé ce taux comme principal indicateur de rendement du portefeuille de prêts, nous avons constaté que d’autres indicateurs seraient aussi utiles pour aider les parlementaires et les autres lecteurs à mieux comprendre le rendement du programme. Par exemple, le taux de non-remboursement serait utile. Il pourrait inclure le montant total des radiations, ainsi que les dispenses d’intérêts et les renonciations au principal (dans le cadre du Programme d’aide au remboursement), divisé par la valeur des prêts qui auraient dû être remboursés au plus tard cette année-là. En utilisant cette méthode, nous avons calculé que le taux de non-remboursement serait de 14 % pour l’année de prêt 2015-2016.

2.28 La pièce 2.3 montre que le montant total lié au non-remboursement de prêts directs aux étudiants s’est chiffré à un peu plus de 500 millions de dollars au cours de l’exercice 2018-2019. La première ligne du tableau indique des radiations de dettes d’études s’élevant à 160 millions de dollars (montant jugé irrécouvrable par l’Agence du revenu du Canada). Les deuxième et troisième lignes présentent le montant total des dispenses d’intérêtsDéfinition iv (244 millions de dollars) et des renonciations au principal (100 millions de dollars) dans le cadre du Programme d’aide au remboursement, qui avait été conçu pour les emprunteurs ayant déclaré des difficultés financières.

Pièce 2.3 — Le montant total lié au non-remboursement de prêts directs aux étudiants s’est hissé à environ 2,3 milliards de dollars sur 5 ans

Le montant total lié au non-remboursement de prêts directs aux étudiants s’est hissé à environ 2,3 milliards de dollars sur 5 ans
Types de non-remboursement Montants en millions de dollars par exercice Total
2014-2015 2015-2016 2016-2017 2017-2018 2018-2019
Radiations de dettes d’études en défaut de paiement 286 171 173 199 160 989
Dispenses d’intérêts dans le cadre du Programme d’aide au remboursement 148 159 176 210 244 937
Renonciations au principal dans le cadre du Programme d’aide au remboursement 41 33 67 86 100 327
Montant total du non-remboursement 475 363 416 495 504 2 253

Remarque : Ce montant n’inclut pas les montants liés au programme Exonération de remboursement du prêt d’études pour les médecins de famille et le personnel infirmier, qui offre une exonération du remboursement des prêts d’études aux médecins de famille et au personnel infirmier travaillant dans des collectivités rurales ou éloignées désignées, ni les renonciations liées aux décès et aux invalidités permanentes.

Source : Nos calculs sont fondés sur des données d’Emploi et Développement social Canada.

2.29 L’Agence du revenu du Canada a commencé à assumer la responsabilité de recouvrer les prêts en défaut de paiement, au nom d’Emploi et Développement social Canada, à la suite d’un décret de 2005. Lorsque l’Agence épuise tous les mécanismes raisonnables de recouvrement d’une dette, le Ministère entame une procédure officielle de radiation de la dette. Un comité de hauts fonctionnaires examine la liste des propositions de radiation de dettes d’études et recommande la radiation des dettes de plus de 25 000 $. Toutes les radiations de dettes liées aux prêts directs aux étudiants doivent être approuvées par le Conseil du Trésor. De plus, le Parlement approuve le montant des radiations chaque année.

2.30 La Loi fédérale sur l’aide financière aux étudiants limite les mesures qui peuvent être prises à l’endroit d’un emprunteur qui n’a pas reconnu sa dette d’études pendant une période de six ans (par exemple en effectuant un paiement). Le gouvernement peut alors radier cette dette d’études. La période de six ans s’établit généralement à partir de la date à laquelle la créance devient exigible et est réinitialisée chaque fois que l’emprunteur reconnaît sa dette.

2.31 Contrairement aux radiations de dettes d’études, les dispenses d’intérêts et les montants des renonciations au principal dans le cadre du Programme d’aide au remboursement ne sont pas soumis chaque année à l’approbation d’un comité de hauts fonctionnaires, du Conseil du Trésor ou du Parlement. Cela s’explique par le fait que, même si les radiations représentent une perte non intentionnelle pour le gouvernement, les coûts liés au Programme d’aide au remboursement (soit les dispenses d’intérêts et les renonciations au principal) ont été approuvés par le gouverneur en conseilDéfinition v selon la Loi fédérale sur l’aide financière aux étudiants.

2.32 Recommandation — Emploi et Développement social Canada devrait établir des indicateurs de rendement qui intègrent le plein effet du Programme d’aide au remboursement sur le non-remboursement des prêts étudiants.

Réponse d’Emploi et Développement social Canada — Recommandation acceptée. Le Ministère rend compte au Parlement de toutes les dépenses de programme, par l’entremise des Comptes publics, ce qui comprend les radiations (découlant principalement du défaut de remboursement des prêts étudiants) et le coût du Programme d’aide au remboursement. De plus, ces mêmes renseignements sont détaillés davantage dans le rapport annuel du Programme canadien de prêts aux étudiants. En outre, chaque année, le Bureau de l’actuaire en chef prépare une prévision sur 25 ans de tous les coûts et revenus du programme. Le rapport est publié chaque année et déposé au Parlement tous les trois ans.

Les radiations représentent une perte pour le Trésor public, que le Ministère s’efforce constamment de réduire. Emploi et Développement social Canada estime que le taux de défaut sur trois ans déclaré au Parlement est un indicateur de rendement approprié pour faire état de cette perte et en effectuer le suivi. Par ailleurs, le Programme d’aide au remboursement constitue un avantage du programme pour les Canadiens, et les dépenses de programme sont fondées sur les paramètres approuvés par le Parlement.

Compte tenu des objectifs divergents du programme en ce qui a trait à la réduction des pertes au titre des radiations de prêts et à l’augmentation de la participation des Canadiens admissibles au programme, un indicateur combiné de rendement ne donnerait pas un portrait exact du coût des remboursements. Toutefois, à l’automne 2020, le Ministère collaborera avec le Bureau de l’actuaire en chef pour l’élaboration d’un indicateur approprié, mais distinct, pour le programme.

Le manque de moyens à la disposition de l’Agence du revenu du Canada pour recouvrer les prêts étudiants

2.33 L’Agence du revenu du Canada est chargée du recouvrement des prêts étudiants en défaut de paiement, mais Emploi et Développement social Canada reste propriétaire de la dette. Au 31 mars 2019, la valeur des prêts en défaut de paiement s’élevait à 2,4 milliards de dollars. L’Agence a recouvré en moyenne 200 millions de dollars par année entre les exercices 2013-2014 et 2018-2019. Les outils disponibles pour recouvrer les prêts étudiants sont plus limités que ceux dont dispose l’Agence en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu.

2.34 Nous avons constaté qu’Emploi et Développement social Canada n’avait pas communiqué les dettes d’études en défaut de paiement aux agences d’évaluation du crédit, même si le Ministère avait l’autorisation des emprunteurs pour le faire et avait reconnu que cette communication constituerait un moyen d’inciter les emprunteurs à rembourser leur prêt plus rapidement. Cette façon de faire ne cadrait pas avec la pratique du Ministère pour les prêts étudiants en souffranceDéfinition vi, qui sont signalés aux agences d’évaluation du crédit par l’entremise du fournisseur de services.

2.35 Recommandation — Emploi et Développement social Canada devrait communiquer aux agences d’évaluation du crédit les dettes d’études en défaut de paiement afin d’inciter les emprunteurs à rembourser leur dette d’études avec plus de diligence.

Réponse d’Emploi et Développement social Canada — Recommandation acceptée. À l’heure actuelle, conformément aux dispositions du contrat avec le gouvernement du Canada, le fournisseur de services rend compte régulièrement aux agences d’évaluation du crédit sur les prêts qu’elles administrent. Ces rapports sont produits avant qu’un emprunteur soit en défaut de paiement et demeurent dans son dossier de crédit pendant environ six ans. Par contre, une fois que le prêt est en défaut et qu’il est transféré à l’Agence du revenu du Canada aux fins de recouvrement, aucun autre rapport n’est produit. Dans le cadre des améliorations continues apportées au programme, Emploi et Développement social Canada élaborera d’ici l’automne 2022 un processus de production de rapports à l’agence d’évaluation du crédit sur les prêts en recouvrement.

Le contrat que le Ministère a conclu avec le fournisseur de services a été géré adéquatement. Ce contrat était entré en vigueur en 2006, et le Programme d’aide au remboursement a été instauré trois ans plus tard, soit en 2009. Même si le contrat comportait des cibles de rendement pour les défauts de paiement avant même la création du programme, le Ministère s’est assuré que le fournisseur de services utilise des mesures ciblées pour réduire le taux de défaut. Un nouveau contrat en vigueur actuellement prévoit des processus pour revoir les cibles relatives aux défauts de paiement afin d’obtenir l’assurance que les cibles incitatives s’harmonisent au contexte actuel. Ces cibles seront réexaminées en continu afin d’illustrer l’amélioration des taux de défaut. Elles seront suffisamment rigoureuses et tiendront compte des changements au programme ou aux politiques.

Le manque d’outils d’éducation financière pour les étudiants

2.36 Nous avons constaté qu’Emploi et Développement social Canada n’offrait pas suffisamment d’outils pour aider les étudiants à comprendre leurs obligations financières dans le cadre du Programme canadien de prêts aux étudiants. Depuis au moins 2010, le gouvernement du Canada et ses partenaires provinciaux constatent, dans le cadre de leurs travaux de recherche, que les étudiants emprunteurs connaissent mal le Programme canadien de prêts aux étudiants. Selon des études provinciales, de nombreux demandeurs ne lisent pas leur entente et se rendent plutôt directement à la section du consentement. En 2016, le Ministère a mené un sondage sur la satisfaction des clients, qui donne d’autres exemples de la compréhension limitée du programme par les emprunteurs, notamment les suivants :

2.37 L’Agence de la consommation en matière financière du Canada a été créée en 2001. En 2007, elle a reçu le mandat de promouvoir la littératie financière. À titre d’organisme d’éducation, l’Agence a effectué des recherches et a mené des activités d’éducation pour renforcer la littératie financière des Canadiens. Elle a mis au point des ressources et des outils pour aider les étudiants à établir un budget (y compris des conseils en planification budgétaire) ou pour expliquer des concepts liés aux prêts étudiants (par exemple le coût des études et l’endettement). Cette information pourrait aider à corriger les lacunes dans la littératie financière des étudiants. Nous avons constaté que l’Agence avait communiqué avec une partie prenante clé, soit Emploi et Développement social Canada, dans le but d’améliorer la littératie financière des étudiants. L’Agence a insisté à de nombreuses reprises auprès du Ministère pour que celui-ci incorpore cette information au portail du Centre de service national de prêts aux étudiants. Cependant, au moment de l’audit, le Ministère ne l’avait pas fait (par l’entremise du fournisseur de services du secteur privé).

2.38 En 2014, Emploi et Développement social Canada a préparé un énoncé des travaux pour le fournisseur de services, qui précisait que les étudiants devaient bénéficier d’un soutien tout au long du processus de prêt afin de prendre de bonnes décisions financières. Il était prévu au départ que ce soutien aux étudiants commence en avril 2018, mais la date de mise en œuvre a été repoussée une première fois à mars 2019. Le Ministère nous a ensuite signalé qu’il prévoyait une mise en œuvre progressive jusqu’en 2021.

2.39 De plus, certaines parties prenantes ont recommandé que les étudiants reçoivent une formation obligatoire avant de signer une entente de prêt et au moment d’abandonner ou de terminer leurs études. Cette pratique est en vigueur aux États-Unis, où tous les bénéficiaires de prêts directs de l’aide fédérale aux étudiants doivent recevoir une formation sur le processus de prêt et de remboursement ainsi que sur la gestion de leurs dépenses. À notre avis, il serait approprié de mener des consultations approfondies sur ce sujet afin de mieux comprendre comment un tel programme pourrait fonctionner au Canada.

2.40 Recommandation — Emploi et Développement social Canada, en collaboration avec l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, devrait, le plus rapidement possible :

Réponse d’Emploi et Développement social Canada — Recommandation acceptée. Grâce à sa collaboration avec l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, le Ministère a établi en 2017 un plan global de littératie financière dans le cadre de sa transition vers un modèle de prestation de services électroniques, et poursuit la mise en œuvre du plan pluriannuel visant à améliorer les outils de littératie financière sur le portail Web du Centre de service national de prêts aux étudiants. En novembre 2019, un service virtuel de conseiller en remboursement a été lancé, qui fournit aux emprunteurs les renseignements nécessaires sur leur prêt d’études, y compris les options de remboursement susceptibles de les aider.

Le Ministère continuera de collaborer avec l’Agence de la consommation en matière financière du Canada pour mettre en œuvre d’autres outils de littératie financière dans le cadre de ce plan. D’ici l’automne 2021, Emploi et Développement social Canada consultera également les responsables de programmes provinciaux et territoriaux d’aide financière aux étudiants ainsi que des intervenants externes au sujet des coûts et des avantages de la formation obligatoire pour en déterminer la faisabilité et la valeur.

Réponse de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada — Recommandation acceptée. L’Agence de la consommation en matière financière du Canada appuiera Emploi et Développement social Canada en donnant accès à du matériel éducatif à inclure sur le portail Web. L’Agence fournira également au Ministère des conseils concernant la formation obligatoire pour les étudiants qui reçoivent des prêts directs du Programme canadien de prêts aux étudiants.

Les problèmes liés aux contrats avec le fournisseur de services du secteur privé

2.41 En 2006, Emploi et Développement social Canada a octroyé un contrat à un fournisseur de services du secteur privé pour gérer le portefeuille complet des prêts étudiants et, en 2016, le Ministère a accordé un autre contrat au même fournisseur de services. On s’attend à ce que ce fournisseur continue de fournir des services au moins jusqu’en 2027. Le Ministère peut aussi exercer des options de prolongation de contrat jusqu’en 2034. Compte tenu de la durée de ces contrats, il s’avère particulièrement important d’en assurer une bonne gestion.

2.42 Nous avons constaté que le Ministère n’avait pas géré adéquatement les contrats avec le fournisseur de services du secteur privé. Ainsi :

2.43 Nous avons constaté que le Ministère ne s’était pas assuré que le fournisseur de services avait pleinement livré un des projets requis dans le cadre du deuxième contrat, soit le projet de vision électronique pour la gestion des prêts aux étudiants. Ce projet comprenait une amélioration des fonctionnalités pour les comptes des étudiants sur le portail et un remplacement de certaines fonctionnalités du système d’information du Ministère. La mise en œuvre du projet était requise pour avril 2018, mais a été reportée à 2021.

2.44 Nous avons calculé qu’environ la moitié du montant des incitatifs versés au fournisseur de services dans le cadre du premier contrat était liée à l’atteinte d’un taux de défaut prédéterminé. Le Programme d’aide au remboursement a contribué à l’atteinte de ce taux puisqu’il a automatiquement réduit le taux de défaut des prêts. Par conséquent, le fournisseur de services n’a pas eu à encourager davantage les étudiants à rembourser leur prêt. Nous avons calculé que le Ministère avait payé au moins 98 % des incitatifs liés au taux de défaut au fournisseur de services pour les exercices 2015-2016 à 2017-2018 sans que celui-ci ait à montrer une amélioration. Ceci est dû au fait que les taux de défaut atteints au cours d’une année donnée étaient parfois déjà meilleurs que la cible à atteindre l’année suivante. Les incitatifs liés aux taux de défaut qui ont été versés au fournisseur de services représentaient environ 68 millions de dollars dans le cadre d’un contrat de 12 ans dont la valeur était d’un peu moins de 900 millions de dollars. À notre avis, il est important que tout incitatif versé à un fournisseur de services soit associé à des améliorations de rendement importantes.

L’évaluation non exhaustive des programmes d’aide financière aux étudiants

2.45 Selon Emploi et Développement social Canada, le Programme canadien pour l’épargne-études et le Programme canadien de prêts aux étudiants avaient pour objectif commun de favoriser l’accès aux études postsecondaires et l’obtention d’un diplôme. Le gouvernement a investi 1,1 milliard de dollars dans le Programme canadien pour l’épargne-études en 2018, et le Programme canadien de prêts aux étudiants a fourni des prêts directs d’une valeur totale de 2,6 milliards de dollars au cours de l’année de prêt 2016-2017.

2.46 En ce qui concerne le Programme canadien de prêts aux étudiants, nous avons constaté que certains facteurs n’avaient pas encore été évalués de manière adéquate. Par exemple, même si les participants au Programme d’aide au remboursement avaient entrepris des études postsecondaires, la moitié d’entre eux avaient déclaré, à la fin de 2018-2019, qu’ils éprouvaient encore des difficultés financières au moins quatre ans après leur premier recours au programme. Les emprunteurs ont indiqué que ces difficultés financières les empêchaient de rembourser leur prêt étudiant comme prévu. À notre avis, il est essentiel de bien comprendre les véritables causes du non-remboursement des prêts étudiants pour trouver et mettre en œuvre des solutions appropriées.

2.47 En ce qui concerne le Programme canadien pour l’épargne-études, Emploi et Développement social Canada a effectué des évaluations du programme en 2003, en 2009 et en 2015. Toutefois, à notre avis, il faudrait réaliser davantage de recherches et d’analyses sur plusieurs enjeux afin d’accroître les effets et l’efficience du programme dans son ensemble. Par exemple :

2.48 Recommandation — Emploi et Développement social Canada devrait envisager de réaliser une évaluation exhaustive des deux programmes fédéraux d’aide financière aux étudiants. Cela lui permettrait notamment :

Réponse d’Emploi et Développement social Canada — Recommandation acceptée. Le Ministère s’est engagé à produire des analyses, des rapports et des évaluations sur les programmes fédéraux d’aide financière aux étudiants.

Emploi et Développement social Canada examine continuellement les nouvelles possibilités d’étudier les répercussions du programme d’aide financière aux étudiants. Par exemple, un projet de recherche utilisera des données d’enquête et des données administratives nouvellement couplées de Statistique Canada pour évaluer les interactions entre le Programme canadien de prêts aux étudiants et le Programme canadien pour l’épargne-études, ainsi que les répercussions de ce dernier sur les résultats des études postsecondaires.

Jusqu’à maintenant, les données requises pour étudier l’incidence complète du Programme canadien pour l’épargne-études sur la participation aux études postsecondaires n’étaient pas disponibles, étant donné que la première cohorte complète de jeunes qui étaient admissibles à toutes les composantes du programme n’avait atteint sa maturité qu’en 2017. Emploi et Développement social Canada prévoit mener dès le printemps 2020 un examen approfondi du Programme canadien pour l’épargne-études pour évaluer les interactions entre ce dernier et le Programme canadien de prêts aux étudiants, ainsi que la contribution unique du Programme canadien pour l’épargne-études en ce qui a trait à la participation aux études postsecondaires et à l’achèvement de celles-ci.

Le Ministère intégrera les questions pertinentes relatives au non-remboursement des prêts étudiants dans une évaluation future du programme, qui devrait être amorcée au printemps 2022.

Conclusion

2.49 Nous avons conclu qu’Emploi et Développement social Canada n’avait pas géré certains volets de l’aide financière aux études postsecondaires et les risques pour le Trésor public de façon efficiente, tout en favorisant l’accès des étudiants aux collèges et aux universités. L’Agence du revenu du Canada n’avait pas les outils nécessaires pour optimiser le recouvrement des prêts étudiants en défaut de paiement. Enfin, Emploi et Développement social Canada n’avait pas encore mis les outils de littératie financière à la disposition des étudiants, comme l’avait suggéré l’Agence de la consommation en matière financière du Canada.

À propos de l’audit

Le présent rapport de certification indépendant sur l’aide financière aux étudiants a été préparé par le Bureau du vérificateur général du Canada. Notre responsabilité était de donner de l’information, une assurance et des avis objectifs au Parlement en vue de l’aider à examiner soigneusement la gestion que fait le gouvernement des ressources et des programmes et d’exprimer une conclusion quant à la conformité des programmes d’aide financière aux étudiants, dans tous leurs aspects importants, aux critères applicables.

Tous les travaux effectués dans le cadre du présent audit ont été réalisés à un niveau d’assurance raisonnable conformément à la Norme canadienne de missions de certification (NCMC) 3001 — Missions d’appréciation directe de Comptables professionnels agréés du Canada (CPA Canada), qui est présentée dans le Manuel de CPA Canada — Certification.

Le Bureau du vérificateur général du Canada applique la Norme canadienne de contrôle qualité 1 et, en conséquence, maintient un système de contrôle qualité exhaustif qui comprend des politiques et des procédures documentées en ce qui concerne la conformité aux règles de déontologie, aux normes professionnelles et aux exigences légales et réglementaires applicables.

Lors de la réalisation de nos travaux d’audit, nous nous sommes conformés aux règles sur l’indépendance et aux autres règles de déontologie des codes de conduite pertinents applicables à l’exercice de l’expertise comptable au Canada, qui reposent sur les principes fondamentaux d’intégrité, d’objectivité, de compétence professionnelle et de diligence, de confidentialité et de conduite professionnelle.

Conformément à notre processus d’audit, nous avons obtenu ce qui suit de la direction des entités :

Objectif de l’audit

L’objectif de l’audit consistait à déterminer si, dans le cadre de leurs responsabilités respectives, Emploi et Développement social Canada et l’Agence du revenu du Canada avaient géré l’aide financière aux études postsecondaires ainsi que les risques pour le Trésor public de façon efficiente, tout en favorisant l’accès des étudiants aux collèges et aux universités. Cet audit visait aussi à déterminer si l’Agence de la consommation en matière financière du Canada avait collaboré avec les parties prenantes pour renforcer la littératie financière des étudiants.

Étendue et méthode

L’audit sur l’aide financière aux étudiantes et étudiants visait Emploi et Développement social Canada, l’Agence du revenu du Canada et l’Agence de la consommation en matière financière du Canada.

Au cours de l’audit, nous nous sommes entretenus avec des représentants d’Emploi et Développement social Canada, de l’Agence du revenu du Canada et de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada. Nous avons aussi eu des entretiens avec des représentants de certains gouvernements provinciaux et des parties prenantes. Nous avons visité le Bureau des services fiscaux de l’Agence du revenu du Canada à Belleville, en Ontario, où s’effectue la majeure partie du recouvrement des prêts étudiants. Nous avons aussi visité les installations du fournisseur de services du secteur privé, qui offre les services pour le Centre de service national de prêts aux étudiants. Enfin, nous avons examiné et analysé des documents fournis par les trois entités visées par l’audit.

Nous n’avons pas examiné le volet non remboursable du Programme canadien de prêts aux étudiants (les bourses canadiennes pour étudiants), les crédits d’impôt liés à l’éducation postsecondaire, les frais de scolarité, la qualité des services aux étudiants fournis par le fournisseur de services du secteur privé ni la gestion des régimes enregistrés d’épargne-études.

Critères

Pour déterminer si, dans le cadre de leurs responsabilités respectives, Emploi et Développement social Canada et l’Agence du revenu du Canada avaient géré l’aide financière aux études postsecondaires ainsi que les risques pour le Trésor public de façon efficiente, tout en favorisant l’accès des étudiants aux collèges et aux universités, et si l’Agence de la consommation en matière financière du Canada avait collaboré avec les parties prenantes pour renforcer la littératie financière des étudiants, nous avons utilisé les critères suivants :

Critères
Critères Sources

Emploi et Développement social Canada effectue une analyse rigoureuse de l’incidence du Programme canadien pour l’épargne-études sur l’accès à l’éducation postsecondaire et l’utilisation du Programme canadien de prêts aux étudiants.

  • Emploi et Développement social Canada, Rapport d’évaluation sommative sur le Programme canadien pour l’épargne-études, 2015
  • Emploi et Développement social Canada, Rapport sur les résultats ministériels 2017-2018
  • Loi canadienne sur l’épargne-études

L’Agence de la consommation en matière financière du Canada collabore avec les parties prenantes pour renforcer la littératie financière des étudiants, et Emploi et Développement social Canada informe les étudiants de leurs obligations futures relatives aux prêts qu’ils pourraient recevoir dans le cadre du Programme canadien de prêts aux étudiants.

Emploi et Développement social Canada administre le Programme canadien de prêts aux étudiants de manière efficiente et maximise le remboursement des prêts étudiants.

  • Conseil du Trésor, Directive sur la gestion des fonds publics et des comptes débiteurs
  • Conseil du Trésor, Politique sur les marchés
  • Conseil du Trésor, Politique sur les services

Emploi et Développement social Canada et l’Agence du revenu du Canada effectuent des analyses des activités de recouvrement des prêts étudiants et ajustent leurs processus en conséquence, afin de maximiser le recouvrement financier pour le gouvernement fédéral.

Période visée par l’audit

L’audit a porté sur la période allant du 31 mars 2017 au 31 mars 2019. Il s’agit de la période à laquelle s’applique la conclusion de l’audit. Toutefois, afin de mieux comprendre l’objet considéré de l’audit, nous avons aussi examiné certains dossiers antérieurs à cette période.

Date du rapport

Nous avons fini de rassembler les éléments probants suffisants et appropriés à partir desquels nous avons fondé notre conclusion le 20 décembre 2019, à Ottawa, au Canada.

Équipe d’audit

Directeur principal : Philippe Le Goff
Directeur : Mathieu Lequain

André Léonard
Rose Pelletier
Stephen Spence

Tableau des recommandations

Le tableau qui suit regroupe les recommandations et les réponses apparaissant dans le présent rapport. Le numéro qui précède chaque recommandation correspond au numéro du paragraphe de la recommandation dans le rapport. Les chiffres entre parenthèses correspondent au numéro des paragraphes où le sujet de la recommandation est abordé.

L’aide financière accordée aux étudiants

Tableau des recommandations
Recommandation Réponse

2.26 Pour maximiser le remboursement des prêts étudiants, Emploi et Développement social Canada devrait s’assurer qu’il y a une validation adéquate et systématique des demandes d’admission au Programme d’aide au remboursement. (2.22 à 2.25)

Réponse d’Emploi et Développement social Canada — Recommandation acceptée. L’objectif du Programme d’aide au remboursement est d’offrir un soutien aux personnes qui ont des difficultés d’emploi ou qui font face à des changements soudains de leur revenu ou de leur composition familiale (par exemple perte d’emploi ou nouveau-né). C’est pourquoi l’admissibilité est fondée sur le revenu du mois précédent et la composition de la famille. Le Bureau du vérificateur général du Canada mentionne l’utilisation par les provinces des données fiscales annuelles de l’Agence du revenu du Canada pour l’aide financière aux étudiants, mais les renseignements sur le revenu annuel ne permettraient pas de cerner les difficultés financières soudaines qui touchent les demandeurs du programme.

Emploi et Développement social Canada dispose d’un processus systématique de vérification du revenu fondé sur un échantillonnage. Le Ministère reconnaît que la vérification du Programme d’aide au remboursement comporte des problèmes, en particulier pour les demandeurs qui déclarent un revenu nul pour la période mensuelle précédente (soit environ 20 % de ces personnes) et en ce qui concerne la composition de la famille. Des travaux sont en cours pour améliorer la vérification à l’aide des données de l’Agence du revenu du Canada. Le Ministère a mobilisé des partenaires afin de trouver des méthodes de vérification plus robustes à l’égard du programme. Une entente d’échange de renseignements, qui devrait être en vigueur au printemps 2021, permettra de vérifier les données sur le revenu et la composition de la famille par rapport aux données fiscales de l’Agence du revenu du Canada pendant le processus de demande, tout en maintenant les pratiques d’échantillonnage systématique actuelles.

2.32 Emploi et Développement social Canada devrait établir des indicateurs de rendement qui intègrent le plein effet du Programme d’aide au remboursement sur le non-remboursement des prêts étudiants. (2.27 à 2.31)

Réponse d’Emploi et Développement social Canada — Recommandation acceptée. Le Ministère rend compte au Parlement de toutes les dépenses de programme, par l’entremise des Comptes publics, ce qui comprend les radiations (découlant principalement du défaut de remboursement des prêts étudiants) et le coût du Programme d’aide au remboursement. De plus, ces mêmes renseignements sont détaillés davantage dans le rapport annuel du Programme canadien de prêts aux étudiants. En outre, chaque année, le Bureau de l’actuaire en chef prépare une prévision sur 25 ans de tous les coûts et revenus du programme. Le rapport est publié chaque année et déposé au Parlement tous les trois ans.

Les radiations représentent une perte pour le Trésor public, que le Ministère s’efforce constamment de réduire. Emploi et Développement social Canada estime que le taux de défaut sur trois ans déclaré au Parlement est un indicateur de rendement approprié pour faire état de cette perte et en effectuer le suivi. Par ailleurs, le Programme d’aide au remboursement constitue un avantage du programme pour les Canadiens, et les dépenses de programme sont fondées sur les paramètres approuvés par le Parlement.

Compte tenu des objectifs divergents du programme en ce qui a trait à la réduction des pertes au titre des radiations de prêts et à l’augmentation de la participation des Canadiens admissibles au programme, un indicateur combiné de rendement ne donnerait pas un portrait exact du coût des remboursements. Toutefois, à l’automne 2020, le Ministère collaborera avec le Bureau de l’actuaire en chef pour l’élaboration d’un indicateur approprié, mais distinct, pour le programme.

2.35 Emploi et Développement social Canada devrait communiquer aux agences d’évaluation du crédit les dettes d’études en défaut de paiement afin d’inciter les emprunteurs à rembourser leur dette d’études avec plus de diligence. (2.33 à 2.34)

Réponse d’Emploi et Développement social Canada — Recommandation acceptée. À l’heure actuelle, conformément aux dispositions du contrat avec le gouvernement du Canada, le fournisseur de services rend compte régulièrement aux agences d’évaluation du crédit sur les prêts qu’elles administrent. Ces rapports sont produits avant qu’un emprunteur soit en défaut de paiement et demeurent dans son dossier de crédit pendant environ six ans. Par contre, une fois que le prêt est en défaut et qu’il est transféré à l’Agence du revenu du Canada aux fins de recouvrement, aucun autre rapport n’est produit. Dans le cadre des améliorations continues apportées au programme, Emploi et Développement social Canada élaborera d’ici l’automne 2022 un processus de production de rapports à l’agence d’évaluation du crédit sur les prêts en recouvrement.

Le contrat que le Ministère a conclu avec le fournisseur de services a été géré adéquatement. Ce contrat était entré en vigueur en 2006, et le Programme d’aide au remboursement a été instauré trois ans plus tard, soit en 2009. Même si le contrat comportait des cibles de rendement pour les défauts de paiement avant même la création du programme, le Ministère s’est assuré que le fournisseur de services utilise des mesures ciblées pour réduire le taux de défaut. Un nouveau contrat en vigueur actuellement prévoit des processus pour revoir les cibles relatives aux défauts de paiement afin d’obtenir l’assurance que les cibles incitatives s’harmonisent au contexte actuel. Ces cibles seront réexaminées en continu afin d’illustrer l’amélioration des taux de défaut. Elles seront suffisamment rigoureuses et tiendront compte des changements au programme ou aux politiques.

2.40 Emploi et Développement social Canada, en collaboration avec l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, devrait, le plus rapidement possible :

  • rendre disponible sur le portail du Centre de service national de prêts aux étudiants toute l’information financière nécessaire aux bénéficiaires de prêts dans le cadre du Programme canadien de prêts aux étudiants;
  • consulter les parties prenantes sur les coûts et les avantages d’offrir une formation obligatoire aux demandeurs de prêts étudiants avant que les prêts ne soient accordés, ainsi qu’aux bénéficiaires de prêts étudiants qui abandonnent ou terminent leurs études.

(2.36 à 2.39)

Réponse d’Emploi et Développement social Canada — Recommandation acceptée. Grâce à sa collaboration avec l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, le Ministère a établi en 2017 un plan global de littératie financière dans le cadre de sa transition vers un modèle de prestation de services électroniques, et poursuit la mise en œuvre du plan pluriannuel visant à améliorer les outils de littératie financière sur le portail Web du Centre de service national de prêts aux étudiants. En novembre 2019, un service virtuel de conseiller en remboursement a été lancé, qui fournit aux emprunteurs les renseignements nécessaires sur leur prêt d’études, y compris les options de remboursement susceptibles de les aider.

Le Ministère continuera de collaborer avec l’Agence de la consommation en matière financière du Canada pour mettre en œuvre d’autres outils de littératie financière dans le cadre de ce plan. D’ici l’automne 2021, Emploi et Développement social Canada consultera également les responsables de programmes provinciaux et territoriaux d’aide financière aux étudiants ainsi que des intervenants externes au sujet des coûts et des avantages de la formation obligatoire pour en déterminer la faisabilité et la valeur.

Réponse de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada — Recommandation acceptée. L’Agence de la consommation en matière financière du Canada appuiera Emploi et Développement social Canada en donnant accès à du matériel éducatif à inclure sur le portail Web. L’Agence fournira également au Ministère des conseils concernant la formation obligatoire pour les étudiants qui reçoivent des prêts directs du Programme canadien de prêts aux étudiants.

2.48 Emploi et Développement social Canada devrait envisager de réaliser une évaluation exhaustive des deux programmes fédéraux d’aide financière aux étudiants. Cela lui permettrait notamment :

  • d’examiner plus en profondeur les motifs du non-remboursement d’un prêt étudiant afin de trouver des solutions appropriées;
  • d’analyser l’effet du Programme canadien pour l’épargne-études sur la participation aux études postsecondaires et l’obtention d’un diplôme, ainsi que sur le Programme canadien de prêts aux étudiants;
  • de connaître les raisons sous-tendant la faible participation au Programme canadien pour l’épargne-études.

(2.45 à 2.47)

Réponse d’Emploi et Développement social Canada — Recommandation acceptée. Le Ministère s’est engagé à produire des analyses, des rapports et des évaluations sur les programmes fédéraux d’aide financière aux étudiants.

Emploi et Développement social Canada examine continuellement les nouvelles possibilités d’étudier les répercussions du programme d’aide financière aux étudiants. Par exemple, un projet de recherche utilisera des données d’enquête et des données administratives nouvellement couplées de Statistique Canada pour évaluer les interactions entre le Programme canadien de prêts aux étudiants et le Programme canadien pour l’épargne-études, ainsi que les répercussions de ce dernier sur les résultats des études postsecondaires.

Jusqu’à maintenant, les données requises pour étudier l’incidence complète du Programme canadien pour l’épargne-études sur la participation aux études postsecondaires n’étaient pas disponibles, étant donné que la première cohorte complète de jeunes qui étaient admissibles à toutes les composantes du programme n’avait atteint sa maturité qu’en 2017. Emploi et Développement social Canada prévoit mener dès le printemps 2020 un examen approfondi du Programme canadien pour l’épargne-études pour évaluer les interactions entre ce dernier et le Programme canadien de prêts aux étudiants, ainsi que la contribution unique du Programme canadien pour l’épargne-études en ce qui a trait à la participation aux études postsecondaires et à l’achèvement de celles-ci.

Le Ministère intégrera les questions pertinentes relatives au non-remboursement des prêts étudiants dans une évaluation future du programme, qui devrait être amorcée au printemps 2022.