Les rapports du Bureau du vérificateur général du CanadaBVG parus dans le passé sont conservés dans Publications.gc.ca.

Canadian Club d'Ottawa 2003 Allocution - Allocution de Sheila Fraser, FCA, vérificatrice générale du Canada - Canadian Club d'Ottawa

Canadian Club d'Ottawa

Notes pour une allocution par Sheila Fraser, FCA, Vérificatrice générale du Canada, 9 décembre 2003, Ottawa (Ontario)


Introduction

Je vous remercie de m'avoir invitée à me joindre à vous pour le déjeuner.

Je suis très heureuse de m'adresser aux membres d'une organisation qui fait la promotion d'un Canada fort.

Et je suis particulièrement honorée d'avoir été invitée à vous parler alors que le Canadian Club of Ottawa célèbre son centième anniversaire.

C'est un réel plaisir que de m'adresser aux membres d'une organisation qui, depuis cent ans, se consacre à rendre le Canada plus fort.

Heureuse coïncidence, mon Bureau célèbre lui aussi un important anniversaire. Il y a cent vingt-cinq ans, le Canada nommait son premier vérificateur général indépendant.

Afin de vous donner une idée du genre de changement que cette nomination représentait, disons qu'auparavant une seule personne jouait à la fois les rôles de vérificateur général, de sous-ministre des Finances et de secrétaire du Conseil du Trésor. C'était une personne fort affairée il va sans dire.

Je vous rappelle qu'à l'époque, toutefois, le ministère des Finances ne comptait que 28 employés!

Comme les choses ont changé…

Au dire des historiens, les deux partis à la Chambre des communes poussèrent des acclamations lorsque Alexander Mackenzie introduisit le projet de loi créant notre Bureau.

Cette nomination est également remarquable du fait qu'elle est l'une des rares occasions dans l'histoire où le gouvernement au pouvoir et l'opposition s'entendaient sur une question!

Laissons de côté ces événements historiques et jetons un regard sur le présent.

L'année 2003 a été à la fois exigeante et stimulante pour le Bureau. Je veux partager avec vous quelques événements qui me viennent à l'esprit.

Même si je peux m'étendre longtemps sur le vaste éventail de nos travaux, je ne commenterai que quelques-unes de nos vérifications les plus mémorables.

Mais d'abord pour vous donner un bref aperçu du contexte, disons qu'avec un personnel de près 600 personnes et un budget de fonctionnement annuel de quelque 70 millions de dollars, mon Bureau vérifie la plupart des secteurs du gouvernement canadien.

Outre le gouvernement fédéral, avec ses quelque 70 ministères et organismes, nous vérifions environ 40 sociétés d'État (telles que la société Radio-Canada, VIA Rail et Financement agricole Canada), environ 10 établissements publics et quelque 60 autres entités dont certaines donnent lieu à des vérifications spéciales.

Nous vérifions aussi les gouvernements des trois territoires et deux organisations des Nations Unies.

Ainsi, en 2003, nous avons effectué la vérification comptable des états financiers sommaires du gouvernement fédéral dans son ensemble et celle de plus de 100 ministères et organismes.

Nous avons mené quelque huit examens spéciaux de sociétés d'État et évalué les rapports sur le rendement de trois organismes de service fédéraux, notamment l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

Qui plus est, nous avons effectué quelque 30 vérifications d'optimisation des ressources de ministères et organismes, examiné des questions aussi diversifiées que la sécurité à la frontière, le logement des Premières nations et l'innocuité des pesticides.

Nos vérifications de l'optimisation des ressources visent à déterminer si les programmes sont assurés avec économie et efficience. Elles permettent aussi d'établir si des mécanismes sont en place pour en mesurer l'efficacité.

Essentiellement, nous nous demandons si les contribuables en reçoivent suffisamment en contrepartie des impôts qu'ils versent.

En acceptant votre invitation, je comptais commenter mon rapport de novembre, qui renferme les constatations de certaines nouvelles vérifications d'optimisation des ressources.

Comme vous le savez tous, ce rapport devait être déposé au Parlement le 25 novembre. Toutefois, comme le Parlement a prorogé ses travaux avant que cela ne se produise, je ne peux parler de mes observations en public.

En tant que mandataire du Parlement, je veux, par mes rapports, aider les parlementaires à faire leur travail. Il est donc logique que les députés aient le droit de prendre connaissance de l'information qu'ils contiennent avant quiconque.

Cela ne se produira pas avant 2004, alors que la Chambre sera convoquée de nouveau. D'ici là, le président de la Chambre tient le Rapport en lieu sûr. Restez à l'affût!

Contexte actuel

Avant de vous quitter, j'aimerais glisser quelques mots sur le contexte actuel.

L'une des tâches les plus importantes de mon Bureau est de faire en sorte que le rôle du Parlement soit respecté. La reddition de comptes est donc un secteur de grand intérêt à mes yeux.

Un autre secteur d'intérêt qui préoccupe mon Bureau depuis longtemps, c'est la promotion d'une fonction publique efficace. Nos vérifications aident à répondre à des questions essentielles telles que :

Aussi suis-je très inquiète lorsque j'entends parler d'une érosion de la confiance des citoyens dans les institutions publiques et leurs dirigeants.

J'assistais récemment à une réunion au cours de laquelle Darrel Bricker d'Ipsos Reid parlait de la « nouvelle mentalité canadienne ». Il a appelé celle-ci la « recherche de la certitude ».

Ses recherches montrent que les Canadiens sont plus instruits que jamais. Ils ont davantage accès à l'information. De plus, ils manifestent un vif intérêt pour les questions politiques.

Les Canadiens valorisent aussi beaucoup la crédibilité. Plus que jamais ils attendent davantage des chefs de file et des institutions du secteur public et du secteur privé.

Bref, ils veulent des gens crédibles à la tête d'organisations crédibles.

Pourtant, les Canadiens sont moins enclins à faire confiance aux institutions publiques et prennent une part moins active à la politique traditionnelle.

La confiance n'est plus gratuite; il faut la gagner.

Alors, comment y parvient-on?

En disant la vérité, en respectant ses engagements et en étant ouvert et transparent.

Pour paraphraser Stephen Owen, ancien ombudsman de la Colombie-Britannique et maintenant député et ministre du Cabinet, rien ne désarçonne plus que l'ouverture et rien ne soulève plus de doutes que le secret.

Toujours dans les termes mêmes de M. Owen, j'ajouterais : « Ne serait-ce qu'en assurant une surveillance indépendante et publique, vous désamorcez les critiques. Vous exposez également les problèmes au grand jour et ils peuvent être réglés, et cela donne confiance aux citoyens. »

Je ne saurais dire mieux.

La question de la reddition de comptes et de la transparence compte plus que jamais et dans les secteurs tant public que privé.

Qu'ils soient actionnaires ou contribuables, les gens veulent qu'il y ait en place des systèmes pour protéger leurs intérêts. Ils veulent croire qu'ils peuvent faire confiance aux dirigeants qui gèrent les dollars qu'ils ont durement gagnés.

Ils veulent une bonne gouvernance.

Il arrive que nos travaux de vérification révèlent que la gouvernance et la reddition des comptes laissent à désirer. Ils permettent en quelque sorte de sonner l'alarme.

Et, si le message est entendu, le gouvernement prend des mesures pour corriger la situation. Cela s'est certainement produit en 2003 à quelques occasions dignes de mention.

Le Registre des armes à feu

Revenons en arrière, en janvier dernier. Nous étions alors sous l'effet d'un rapport qui avait été publié en décembre 2002. Je suis certaine que vous vous rappelez la couverture médiatique entourant les coûts de la mise en œuvre du Programme des armes à feu, également connu sous le nom de Registre des armes à feu.

Ce qui a vraiment retenu l'attention du public, c'est l'ampleur marquée avec laquelle les coûts ont monté en flèche, apparemment dans une flambée incontrôlable. Sans compter que notre rapport mettait en lumière quelque chose d'encore plus troublant.

Comme les faits l'ont montré, le ministère de la Justice n'avait pas fourni au Parlement suffisamment d'information pour lui permettre d'examiner le programme minutieusement. Par conséquent, le Parlement n'était pas en mesure de demander au gouvernement de rendre compte d'un programme coûteux.

Essentiellement, notre vérification a mis en lumière le droit du Parlement d'obtenir une information de qualité de façon à ce qu'il puisse s'acquitter de ses responsabilités. Et je suis fière d'affirmer que notre travail a donné des résultats positifs.

Cette année, le Parlement et ses comités ont accordé une attention accrue au processus d'examen du Budget.

Commissariat à la protection de la vie privée

La réaction à la vérification du Registre des armes à feu commençait à s'estomper lorsque le Comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires — un nouveau comité de la Chambre — nous a demandé d'effectuer une vérification du Commissariat à la protection de la vie privée.

À ce stade-ci, j'aimerais mentionner que nous sommes libres de choisir nos sujets de vérification. Pour déterminer ces sujets, nous nous fondons sur notre évaluation du risque qui menace l'administration publique. Nous étions d'avis que les questions que le Comité a portées à notre attention justifiaient une vérification.

Comme beaucoup d'entre vous le savent, le Commissaire à la protection de la vie privée est l'un des cinq mandataires du Parlement. Je suis une autre mandataire et mes collègues — la Commissaire aux langues officielles, le Commissaire à l'information, le Directeur général des élections sont les trois autres.

Je me réjouis à l'idée que certains d'entre eux sont ici aujourd'hui. Nous avons en commun une situation unique dans le régime politique canadien et un ferme engagement envers le Parlement.

Nous avons beaucoup d'estime pour chacun de nos collègues et attachons une grande importance aux mandats qui nous sont confiés.

Et, bien sûr, chacun de nous cinq jouit d'une grande indépendance par rapport au gouvernement. Toutefois, comme notre vérification du Commissariat aura tôt fait de le montrer, nous sommes tous absolument comptables de la façon dont nous menons nos activités.

Je suis sûre que je n'ai pas à décrire le résultat de cette vérification précise de façon très détaillée.

Honnêtement, nos constatations nous ont attristés.

Disons-le carrément, l'ancien Commissaire à la protection de la vie privée ne s'est pas acquitté de ses responsabilités d'administrateur général pour ce qui est d'assurer la conduite en règle du Commissariat.

L'ancien Commissaire et certains de ses cadres supérieurs ont fermé les yeux sur des cas de violation de la loi, des politiques, des lignes directrices et des principes fondamentaux de gestion. Certains en ont donc tiré des avantages personnels.

Tout aussi inquiétants sont les témoignages d'employés qui ont été maltraités. Outre les irrégularités en matière de dotation, notre vérification a révélé un climat de travail malsain. Peu d'employés ont signalé les cas d'abus ou d'actes fautifs, car ils craignaient des représailles.

Je vous pose maintenant la question suivante. Est-ce là le moyen de donner confiance aux Canadiens envers nos institutions publiques?

Je connais déjà votre réponse. C'est assurément non.

Il est clair alors qu'il doit y avoir une surveillance et un suivi plus vigilants des ministères et organismes gouvernementaux — petits et grands.

Les mandataires du Parlement et autres fonctionnaires à des postes de chefs de file doivent être tenus de rendre compte de la gestion prudente des employés et des fonds qui leur sont confiés.

Je suis heureuse de signaler que le Commissaire intérimaire, M. Bob Marleau, a travaillé très fort au cours des derniers mois à prendre des mesures correctives, à rebâtir le Commissariat et à en restaurer la crédibilité.

Le Commissariat à la protection de la vie privée a un rôle important à jouer, soit aider le Parlement à protéger et à préserver les droits en matière de protection des renseignements personnels des Canadiens.

Qui vérifie les vérificateurs?

Quant à mon Bureau, je crois que nous devrions donner l'exemple pour ce qui est de la reddition de comptes et de la transparence.

Nous soumettons régulièrement nos rapports sur les plans et les priorités ainsi que nos rapports sur le rendement au Comité permanent des comptes publics pour qu'il les étudie. De plus, nous témoignons devant lui pour répondre aux questions éventuelles des membres sur nos dépenses ou nos pratiques de gestion.

En outre, nos états financiers sont vérifiés tous les ans par un cabinet de l'extérieur, et cette information est incluse dans notre rapport sur le rendement.

Toute cette information se trouve sur notre site Web. Toutes mes dépenses de voyage et d'accueil s'y trouvent aussi.

Mais malgré tout cela, vous vous demandez peut-être si des vérificateurs externes revoient notre travail en profondeur?

En bref, la réponse est oui.

Plus précisément, vous devez savoir que notre Bureau effectue deux types de vérification que j'ai mentionnés plus tôt. Le premier type, le plus connu, est la vérification comptable, désignée aussi sous le nom de vérification d'attestation, et le deuxième est la vérification d'optimisation des ressources, appelée également vérification du rendement (contrôle de gestion).

Il y a quelques années, nous avons fait effectuer un examen externe du système de gestion de la qualité de nos pratiques d'attestation dont nous avons publié les résultats sur notre site Web.

De plus, nous ajoutons encore une autre dimension à l'évaluation de nos pratiques par des vérificateurs externes, ce qui est, à mon avis, assez révolutionnaire.

Nous serons bientôt le premier bureau national de contrôle à faire l'objet d'un examen de notre pratique de vérification d'optimisation des ressources par une équipe internationale de pairs.

Ces pairs sont les bureaux nationaux de contrôle de la France, de la Norvège et des Pays-Bas, qui procéderont à cet examen sous la férule du Royaume-Uni.

L'examen est presque terminé. Nous attendons le rapport au début de 2004. Ce rapport ainsi que la lettre à la direction seront rendus publics.

Nous n'avons pas à faire l'objet de ce type d'examen rigoureux — mais nous choisissons de le faire — parce que cette façon de mettre à l'épreuve nos normes professionnelles améliore notre pratique et permet aux Canadiens de garder confiance dans notre travail.

Conclusion

Pour terminer, si je jette un regard sur l'année 2003, je continue d'avoir confiance dans la fonction publique du Canada, malgré les problèmes que j'ai constatés.

Je crois que le Canada est privilégié de pouvoir compter sur une fonction publique composée d'hommes et de femmes d'une telle envergure.

La vaste majorité d'entre eux respectent des normes d'éthique élevées et prennent très au sérieux la nécessité de gérer avec prudence les fonds publics pour répondre aux besoins des Canadiens.

Lorsque je voyage d'un océan à l'autre, cela me fait plaisir quand des Canadiens me disent qu'ils apprécient le travail du Bureau et son existence même, lesquels incarnent et favorisent les valeurs de responsabilité, de transparence et de protection de l'intérêt public.

Même si notre travail nous oblige à jeter un regard critique, je crois qu'en fin de compte nous avons un rôle constructif à jouer pour maintenir la confiance des Canadiens dans le gouvernement, ce qui permet ainsi d'établir des institutions publiques plus solides, un meilleur pays et une société démocratique plus saine.

Mon personnel et moi-même sommes très fiers de nous inscrire dans une longue tradition de loyaux services rendus au Parlement et aux Canadiens. Nous sommes fiers de jouer un rôle aussi unique et important, faire du Canada un pays où il plus agréable de vivre pour tous.

Merci.