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Centre for Ethics and Public Affairs de l’Atlantique 2004 Allocution - Allocution de Sheila Fraser, FCA, vérificatrice générale du Canada - Canadian Club d'Ottawa

Centre for Ethics and Public Affairs de l’Atlantique

Notes pour une allocution de Sheila Fraser, FCA, Vérificatrice générale du Canada, le 5 mars 2004, Halifax (N.-É)


Introduction

Je suis très honorée d'avoir été invitée par le Centre for Ethics and Public Affairs de l'Atlantique à prendre part à ce fabuleux lancement.

Au nom du Bureau du vérificateur général du Canada, j'aimerais vous transmettre nos meilleurs vœux de succès.

Il ne fait aucun doute que le Centre contribuera de façon marquée à mieux faire comprendre des questions qui, en tant que Canadiens, nous préoccupent de plus en plus.

J'aimerais vous parler aujourd'hui de mon dernier rapport, qui a été déposé au Parlement il y a quelques semaines. Je suis certaine que vous avez tous beaucoup entendu parler de notre vérification du Programme de commandites…

Je compte vous parler brièvement de cette vérification là, mais compte tenu de l'orientation du Centre, j'aimerais surtout m'attarder sur un aspect du Rapport qui n'a pas reçu beaucoup d'attention — notre chapitre sur la reddition de comptes et l'éthique.

Mais, pour préparer le terrain, laissez-moi vous exposer l'évolution du contexte dans lequel nos travaux s'effectuent.

Il y a plusieurs mois, j'ai assisté à une réunion au cours de laquelle M. Darrell  Bricker, de la société Ipsos Reid, a évoqué la nouvelle mentalité canadienne. Il a dit que les Canadiens recherchent la certitude.

Ses recherches montrent que les Canadiens n'ont jamais été aussi instruits. Ils ont davantage accès à l'information. De plus, ils éprouvent beaucoup d'intérêt pour les questions politiques.

Les Canadiens accordent aussi énormément d'importance à la crédibilité. Ils attendent beaucoup des chefs de file et des institutions, tant du secteur public que du secteur privé. Bref, ils veulent des personnes et des organisations crédibles.

Les Canadiens sont toutefois moins enclins à faire confiance aux institutions publiques et ils participent moins au régime politique traditionnel. Ils n'accordent plus leur confiance automatiquement, il faut la mériter.

Sur quoi la confiance repose-t-elle? En fait, dire la vérité, tenir ses engagements et faire preuve de franchise et de transparence en sont des éléments essentiels. Et ce sont là les fondements d'un comportement soucieux de l'éthique.

Ce n'est pas tant le fait de commettre une faute ou une erreur de jugement qui mine la confiance. C'est plutôt le refus de reconnaître le problème, d'en assumer la responsabilité, et de le régler.

La reddition de comptes et la transparence ont plus d'importance que jamais. Les gens veulent des examens plus approfondis et une surveillance accrue des institutions. Ils veulent un respect plus rigoureux des valeurs et de l'éthique de la part de tous les leaders, ce que l'on appelle souvent le « ton donné par les dirigeants ».

Je parle ici essentiellement des éléments d'une bonne gouvernance.

C'est simple. Qu'ils soient actionnaires ou contribuables, les gens veulent que des systèmes protégeant leurs intérêts soient en place. Et ils ont de bonnes raisons.

Lorsque la gouvernance fait défaut dans le secteur privé, les investisseurs perdent confiance dans les dirigeants des sociétés. C'est mauvais pour l'économie.

Lorsque la gouvernance fait défaut dans le secteur public, cela peut entraîner le gaspillage de l'argent des contribuables, mettre en péril la santé et la sécurité des Canadiens, endommager notre environnement ou même menacer la sécurité nationale.

De telles lacunes en matière de gouvernance peuvent gravement ébranler la confiance du public envers le gouvernement, ce qui nuit à notre régime démocratique.

Dans leur quête de certitude, le Parlement et les Canadiens s'attendent de plus en plus à obtenir l'assurance que le gouvernement est bien géré et que les fonds publics sont dépensés judicieusement.

C'est ici que le Bureau du vérificateur général entre en scène. En tant que vérificateurs externes du gouvernement, nous donnons au Parlement l'information dont il a besoin pour obliger le gouvernement à rendre compte de la façon dont il utilise les fonds publics.

Grâce à un effectif de près de 600 personnes et à un budget annuel de fonctionnement de quelque 70 millions de dollars, nous vérifions presque tous les secteurs du gouvernement du Canada.

Cela comprend environ 70 ministères et organismes fédéraux, quelque 40 sociétés d'État (telles que la société Radio-Canada, VIA Rail et Financement agricole Canada), environ 10 établissements publics et quelque 60 autres entités. Nous effectuons en outre des examens spéciaux.

Pour que nos travaux soient efficaces et crédibles, nous devons être indépendants du gouvernement, tant sur le plan organisationnel qu'intellectuel. Cette indépendance comporte plusieurs mesures de protection.

D'abord, je suis une haute fonctionnaire du Parlement, nommée pour un mandat de 10 ans — et j'ai le droit d'engager mon propre personnel.

Deuxièmement, j'ai le droit de demander au gouvernement toute information dont j'ai besoin pour faire mon travail.

Et, troisièmement, je soumets mes rapports directement à la Chambre des communes par l'intermédiaire du président.

J'aimerais maintenant vous parler d'exemples précis de nos travaux, et plus particulièrement de notre dernier rapport.

Le Programme de commandites

Comme notre vérification du Programme de commandites a fait la une de nombreux journaux, je ne m'y attarderai pas trop longtemps. Laissez-moi simplement retracer les faits.

Mon Bureau a confirmé l'existence de graves problèmes au cœur de ce programme, problèmes qui se sont étalés sur une période de quatre ans. Entre-temps, le Programme a englouti 250 millions de dollars — l'argent des contribuables — et il semblerait que de fortes sommes ont été versées en frais et en commissions à des agences de communication.

Les règles ont été bafouées à toutes les étapes du processus pendant plus de quatre ans; on a trouvé peu de preuves de la valeur obtenue en contrepartie de l'argent dépensé.

Les règles pour l'attribution des contrats ne sont pas instaurées pour le simple plaisir. Elles sont essentielles au maintien des principes d'accessibilité, de libre concurrence, d'équité à l'égard des fournisseurs, de transparence et de nécessité de garantir la meilleure valeur — principes qui sont au cœur même de la politique sur les marchés du gouvernement.

Je dis bien ici que les règles ont été violées, non qu'elles ont été contournées. Dans plusieurs cas, les fonds destinés aux commandites ont été transférés à des sociétés d'État au moyen de méthodes fort douteuses.

Ces méthodes ont été conçues en apparence pour payer des commissions à des agences de communications, tout en occultant la source du financement et la vraie nature des opérations. On a fait preuve de peu de respect envers le Parlement et le processus de crédits parlementaires.

Nous avons observé qu'il y a eu violation des règles de bonne conduite des affaires publiques à deux niveaux : dans l'ensemble de la gestion du Programme et dans l'attitude de certaines personnes.

Je crains toutefois que l'accent mis sur les actes fautifs commis par certaines personnes ne nous écarte de problèmes plus généralisés qui nuisent à la gestion des programmes.

Même s'ils sont de toute évidence uniques, des cas tels que le Programme de commandites soulèvent d'importantes questions :

Je me sens très mal, toutefois, d'avoir à signaler des problèmes de ce genre. Je crains que l'on ne conclue, injustement, que ce sont là des situations répandues dans le secteur public et j'ai peur qu'elles n'ébranlent la confiance des Canadiens dans leurs institutions publiques fédérales.

D'après moi, des excès d'une telle ampleur sont vraiment l'exception qui confirme la règle.

Comme j'ai pu le constater, le Canada a beaucoup de chance d'avoir une fonction publique d'un tel calibre. La vaste majorité des fonctionnaires, hommes et femmes, est fidèle à des normes d'éthique élevées et prend très au sérieux la nécessité de bien gérer les fonds publics, et ce, afin de répondre aux besoins des Canadiens.

Contexte des travaux du gouvernement sur l'éthique et la reddition de comptes

Dans cet ordre d'idées, j'aimerais aborder le chapitre de notre dernier rapport qui porte sur la reddition de comptes et l'éthique.

Mais laissez-moi d'abord vous donner le contexte.

En 1995, le vérificateur général qui m'a précédée, Denis Desautels, a proposé que l'on adopte un cadre d'éthique au gouvernement. Celui-ci serait axé sur un énoncé de principes, le leadership, l'habilitation des fonctionnaires, la transparence dans la prise de décisions, une formation en éthique, un mécanisme permettant de discuter des préoccupations sur ce sujet et de les communiquer, ainsi qu'un processus continu pour faire de l'éthique un élément visible de la prise de décisions courantes.

Notre rapport a dû toucher une corde sensible, car diverses initiatives en matière de valeurs et d'éthique ont ensuite vu le jour au gouvernement fédéral.

Le premier événement important remonte à la publication, en 1996, du Rapport Tait, du nom du regretté John Tait — président du groupe d'étude sur les valeurs et l'éthique au gouvernement. Notre rapport et le Rapport Tait indiquaient l'émergence d'un nouveau consensus sur les valeurs et l'éthique.

De nos jours, nous possédons une expérience qui ne cesse de grandir sur la meilleure façon de promouvoir les valeurs et l'éthique au gouvernement. Certains ministères, par exemple, ont lancé d'importants programmes d'éthique qui ont un thème commun — la conviction que l'éthique est un élément essentiel d'un bon cadre de gouvernance qu'il ne faut jamais tenir pour acquis.

Toutefois, les ministères sont aussi réalistes. Leurs gestionnaires reconnaissent que les directives régissant les valeurs et l'éthique ne suffisent pas à garantir l'intégrité.

Nous ne pouvons garantir la saine gouvernance en nous fondant sur l'espoir que les gens seront toujours honnêtes. Les programmes en matière d'éthique que je viens de mentionner doivent donc trouver un équilibre entre une approche fondée sur les valeurs et l'éthique, d'une part, et sur de solides contrôles financiers et de gestion, d'autre part.

Si vous n'avez jamais entendu parler du Rapport Tait, vous n'êtes pas les seuls. En 2000, le Secrétariat du Conseil du Trésor a affirmé que la plupart des fonctionnaires n'en avaient jamais entendu parler non plus, ou qu'ils n'avaient jamais participé à des discussions sur le sujet.

De toute évidence, les recommandations du Rapport Tait n'avaient pas encore été entièrement mises en œuvre. En 2000, nous nous sommes appuyés sur ce rapport pour entamer une nouvelle étude sur les valeurs et l'éthique. Dans notre étude, publiée la même année, nous avons relevé plusieurs défis importants.

Depuis la publication de ce rapport, nous avons été témoins de graves problèmes dans l'administration publique. La gestion des subventions et des contributions à DRHC, le registre des armes à feu et le Commissariat à la protection de la vie privée en sont des exemples.

La confiance du public envers le gouvernement s'effrite lorsqu'on permet que de graves problèmes, tant perçus que réels, persistent dans de grands programmes, alors qu'ils auraient pu être prévenus ou corrigés.

À la longue, l'incidence de tels événements peut faire boule de neige, incitant ainsi les Canadiens à douter de l'intégrité du gouvernement dans son ensemble.

Conscient de ce fait, le gouvernement a, depuis deux ans, publié un certain nombre de documents qui comportent des principes et des directives visant à améliorer la reddition de comptes et l'éthique.

Ce sont ces directives que nous avons examinées dans notre nouvelle étude, et dont j'aimerais maintenant discuter.

La reddition de comptes et l'éthique au gouvernement

Ainsi, il y a maintenant un Guide du ministre et un Guide du sous-ministre, de même qu'un cadre de responsabilisation de gestion des sous-ministres.

Prises ensemble, ces directives soulèvent une importante question, essentielle au maintien de la confiance envers le gouvernement : Comment, et dans quelle mesure, les ministres, les sous-ministres et les hauts fonctionnaires doivent-ils être tenus responsables et comptables des actions du gouvernement au XXIe siècle?

Ces directives tentent de clarifier ce que sont la responsabilité, l'obligation de rendre compte et l'obligation de s'expliquer; mais elles ne disent rien sur la façon dont ces principes seront mis en œuvre.

En voici un bon exemple. Le Guide du ministre et le Guide du sous-ministre tentent, dans une certaine mesure, de distinguer entre l'obligation de rendre compte et l'obligation de s'expliquer.

Selon le Bureau du Conseil privé, la distinction entre ces deux expressions réside dans le fait que l'obligation de rendre compte comporte des conséquences personnelles en cas de fautes, tandis que l'obligation de s'expliquer indique seulement qu'il faut expliquer pourquoi quelque chose a mal fonctionné.

Bien que certains jugent cette distinction trop subtile, le Bureau du Conseil privé la présente comme étant utile. Soit dit en passant, les Britanniques ne font pas cette distinction lorsqu'ils parlent de l'obligation de rendre compte.

S'appuyant sur cette distinction, le Guide du ministre stipule que les ministres sont responsables devant le Parlement des actes commis dans leur portefeuille.

Ils ont également pour responsabilité de prendre des mesures pour corriger les erreurs et s'assurer que celles-ci ne se reproduiront plus. Le Guide stipule également que les ministres en poste doivent répondre des actes de leurs prédécesseurs.

Cela soulève toutefois une importante question sur la distinction entre « l'obligation de s'expliquer » et « l'obligation de rendre compte ».

Disons qu'une vérification met au jour des problèmes qui ont surgi sous le leadership d'un ancien ministre. Selon ces directives, le ministre actuel doit seulement expliquer les actes de son prédécesseur. La question de savoir qui doit en rendre compte n'est pas claire. En fait, on ne sait pas au juste si quelqu'un a cette responsabilité.

Les directives quant à la responsabilité des sous-ministres sont tout aussi vagues. D'un côté, elles disent que les sous-ministres ne doivent pas répondre devant le Parlement.

De l'autre, elles disent que les sous-ministres ont le devoir de donner aux comités parlementaires un compte rendu de leur gestion du ministère, à la lumière des responsabilités législatives que leur confère la Loi sur la gestion des finances publiques .

Par conséquent, la distinction entre l'obligation de s'expliquer et l'obligation de rendre compte demeure floue. Le gouvernement doit dissiper cette ambiguïté. Il doit clarifier si les sous-ministres doivent rendre compte au Parlement, à titre personnel, de l'exercice de leurs responsabilités législatives, ou s'ils doivent simplement fournir des explications au nom des ministres.

Code de valeurs et d'éthique

Une autre série de directives publiées par le gouvernement, qui est entrée en vigueur le 1er septembre 2003, met l'accent sur les valeurs et l'éthique devant guider la fonction publique dans son ensemble.

Le nouveau Code a des points forts, mais aussi des points faibles.

Parmi les points forts, on délègue aux sous-ministres la responsabilité de créer une tribune où les fonctionnaires peuvent soulever des questions au sujet du Code, et régler les problèmes qui surgissent en la matière. On y présente quatre séries de valeurs parfois contradictoires — les valeurs démocratiques, les valeurs professionnelles, les valeurs liés à l'éthique et les valeurs liées aux personnes — et on reconnaît qu'elles doivent être conciliées avec le souci de l'intérêt public.

De plus, on fait du respect du Code une condition d'emploi. Enfin, on y voit à ce que toute infraction au Code puisse être signalée en vertu de la politique du gouvernement sur la divulgation d'information interne.

Quant aux points faibles, on suppose qu'il existe une compréhension commune des expressions « intérêt public », « objectivité », « impartialité », « loyauté » et « intégrité ».

Le Code exige que les conflits entre les valeurs et l'éthique soient réglés dans l'intérêt public, mais il n'offre guère d'orientation sur la façon de déterminer ce qu'est l'intérêt public. Par ailleurs, il n'aide pas non plus à concilier des valeurs contradictoires ou à établir une échelle de priorités à leur égard.

Bref, le gouvernement aura beaucoup à faire pour « déchiffrer » ce code destiné aux fonctionnaires.

Intégrer les valeurs et l'éthique dans les activités courantes

Le Code pose également d'autres problèmes. Nous avions recommandé que le gouvernement veille à ce que toutes les entités fédérales mettent en place des initiatives visant à promouvoir les valeurs et l'éthique.

Au lieu de cela, le gouvernement a décidé de laisser aux ministères une grande latitude. Il n'y a pas de modèle sur la façon de mettre en œuvre une initiative visant à promouvoir les valeurs et l'éthique, ni d'échéances fixées, ni de ressources pour ce faire.

L'autre défi, maintenant qu'il y a un Code, est d'en intégrer les principes dans la prise de décisions. Le gouvernement sait que les hauts fonctionnaires doivent donner l'exemple.

Si les gestionnaires ne joignent pas le geste à la parole, les simples fonctionnaires ne croiront pas au Code . Le document ne suscitera que du cynisme, et minera tout ce que nous nous efforçons d'accomplir.

Dans notre nouvelle étude, nous formulons plusieurs recommandations pour faire en sorte que le Code de valeurs et d'éthique soit utile.

Les valeurs et l'éthique dans le cadre de l'approvisionnement

Parlons maintenant des valeurs et de l'éthique dans le cadre de l'approvisionnement.

Nous avons observé, chez les organismes chargés des approvisionnements importants, certains progrès pour ce qui est de mettre en œuvre des initiatives complètes liées aux valeurs et à l'éthique. Toutefois, ces progrès doivent se faire à un rythme plus rapide.

En octobre 2000, nous avons constaté que le ministère de la Défense nationale, de même que Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, avaient les programmes les plus complets à cet égard, et c'est toujours le cas.

En fait, nous croyons que leurs programmes pourraient servir de modèles.

Entre autres, ces deux ministères ont formulé une déclaration sur les valeurs et l'éthique; ils ont établi un bureau chargé du programme d'éthique, un conseil consultatif et un cours de formation; et ils ont nommé un haut fonctionnaire chargé de promouvoir les valeurs et l'éthique.

Cependant, ces ministères doivent encore réaliser de grands progrès. Ainsi, même si les fonctionnaires de Travaux publics sont tenus de suivre un processus en ce qui a trait à l'approvisionnement, ils n'ont pas à certifier qu'ils l'ont bel et bien suivi.

Ils certifient seulement que les conditions des contrats respectent les politiques, les règlements et les directives ministérielles. D'autres volets importants de l'approvisionnement, par exemple l'appel d'offres et l'évaluation des soumissions, ne sont pas visés par la certification.

Selon des preuves péremptoires, il est clair que ces volets devraient être couverts. De 1996 à 2001, Travaux publics a effectué plusieurs vérifications internes qui ont mis au jour des cas graves de non-conformité au processus d'approvisionnement.

Lors de notre étude, Travaux publics était en train de mettre au point un système d'assurance de la qualité visant à améliorer le processus d'attribution des contrats. Le Ministère compte adopter le système au cours du prochain exercice financier.

Toutefois, il n'était pas encore certain que les fonctionnaires seraient tenus de certifier qu'ils ont suivi les principales règles régissant l'approvisionnement.

J'ai de bonnes nouvelles à signaler. Environ 1 400  fonctionnaires chargés de l'approvisionnement, de la gestion du matériel et des biens immobiliers ont déjà reçu une formation liée aux valeurs et à l'éthique.

Un programme de perfectionnement professionnel et de certification pour ces fonctionnaires est en voie d'élaboration. Le Conseil du Trésor nous a dit que le matériel pédagogique devrait être prêt au printemps.

Valeurs et éthique dans les programmes de subventions et de contributions

J'aimerais aborder aussi les programmes de subventions et de contributions, qui sont gérés par des ministères tels que Développement des ressources humaines Canada, Industrie Canada et le Conseil du Trésor.

En réponse à des problèmes plus anciens, Développement des ressources humaines Canada a établi un processus de cycle de vie des projets permettant d'assurer le suivi du processus d'attribution des subventions et des contributions. Ce système améliore la reddition de comptes en obligeant les fonctionnaires à certifier qu'ils se sont conformés au processus tout entier.

Quant au respect des valeurs et de l'éthique, le Ministère avait pris beaucoup de mesures semblables à celles de Travaux publics et de la Défense nationale. Ces mesures avaient été abandonnées, mais sont en train d'être rétablies.

L'initiative d'Industrie Canada en matière de valeurs et d'éthique est encore en voie d'élaboration. Le Ministère prévoit rédiger un énoncé des valeurs et de l'éthique au cours du prochain exercice.

Quant au Conseil du Trésor, il n'a pas instauré, pour les responsables des programmes de subventions et contributions, le même type de programme de perfectionnement professionnel et de certification que pour les responsables de l'approvisionnement. Il favorise toutefois l'élaboration de programmes de formation pour les fonctionnaires œuvrant dans ce domaine.

En résumé, il y a eu des progrès pour ce qui est du respect des valeurs et de l'éthique dans les domaines de l'approvisionnement et de l'attribution des subventions et des contributions. Mais ceux-ci sont lents et manquent d'uniformité.

Il est temps de veiller à ce que les fonctionnaires des deux domaines rendent des comptes en matière de diligence raisonnable.

Nous avons recommandé que le gouvernement exige de tous les ministères et organismes concernés qu'ils élaborent des programmes d'assurance de la qualité. Ces programmes devraient comporter une certification aux étapes clés de la prise de décisions. C'est seulement ainsi que le public aura l'assurance que les règles sont suivies.

La nécessité d'un mécanisme solide et crédible pour traiter les actes fautifs

J'aimerais aborder, comme dernier sujet, les mécanismes internes permettant de traiter les actes fautifs en milieu de travail, dans la fonction publique.

Les études successives ont toutes démontré que les fonctionnaires veulent avoir des outils pour maintenir des valeurs et des normes d'éthique élevées.

Comme le disait John Tait, si des mécanismes de recours ne sont pas créés, tous ces discours concernant les valeurs et l'éthique resteront de simples paroles en l'air.

Il y a quelques années, la politique du Conseil du Trésor sur la divulgation interne est entrée en vigueur. Cette politique avait pour objectif d'aider les fonctionnaires à faire leur travail, c'est-à-dire servir l'intérêt public. Elle prévoit que les ministères désigneraient de hauts fonctionnaires chargés d'examiner les divulgations d'actes fautifs.

Le Bureau de l'intégrité de la fonction publique a également été créé dans le cadre de cette politique. C'est à lui que s'adressent les fonctionnaires qui estiment que leur propre ministère traiterait mal leur plainte ou qu'il leur imposerait des représailles, directement ou indirectement.

Tout cela est bien beau en théorie. En pratique toutefois, la politique ne reconnaît pas comme il se doit le contexte de la fonction publique. Lorsqu'ils dénoncent des actes fautifs, les fonctionnaires craignent encore des représailles — même s'ils les signalent à l'extérieur de leur ministère, au Bureau de l'intégrité de la fonction publique.

Selon l'enquête menée en 2002 par le Conseil du Trésor, plus d'un tiers des fonctionnaires craignent des représailles dans les cas de griefs, de droit d'appel ou de problèmes liés à la santé et à la sécurité. Le pourcentage était encore plus élevé dans le cas des agents des finances et de l'approvisionnement.

Le Bureau de l'intégrité de la fonction publique, ou le BIFP, peut grandement contribuer à accroître la confiance. Cependant, dans son premier rapport annuel publié l'automne dernier, ce bureau a conclu qu'il n'avait pas un appui suffisant ni la confiance des fonctionnaires.

Le BIFP croit qu'il pourrait jouer un rôle plus efficace si son mandat était inscrit dans la loi au lieu d'être fondé sur une directive stratégique.

Il est temps que le gouvernement du Canada instaure un mécanisme solide et crédible pour traiter les actes fautifs.

Le gouvernement a déclaré qu'il présenterait bientôt un projet de loi visant la dénonciation des actes fautifs. Nous espérons qu'il prendra sérieusement en considération les recommandations du Bureau de l'intégrité de la fonction publique, comme il s'est engagé à le faire.

Conclusion

Mesdames et Messieurs, j'ai parlé de la quête de certitude entreprise par les Canadiens. Mais à vrai dire, peut-on jamais être vraiment certain de quoi que ce soit? Je laisse aux théologiens et aux philosophes parmi nous le soin de réfléchir à cette question...

Je sais toutefois qu'en tant que vérificatrice générale du Canada, j'ai le devoir de faciliter quelque peu cette quête de certitude, du moins en ce qui concerne la reddition de comptes du gouvernement au Parlement et à tous les Canadiens.

Ces dernières années, le gouvernement s'est efforcé d'améliorer la reddition de comptes ainsi que les valeurs et l'éthique pour les ministres, les sous-ministres et les fonctionnaires.

C'est déjà bien, évidemment, mais le gouvernement doit faire davantage. Il doit trouver les raisons pour lesquelles il y a eu des problèmes dans des programmes importants, et il doit se poser des questions difficiles.

Le gouvernement doit voir :

Le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes a doublé le temps consacré aux réunions afin d'obtenir des réponses à certaines questions importantes soulevées par notre vérification du Programme de commandites.

Le gouvernement prend aussi très au sérieux les constatations de notre vérification. Il a lancé une enquête publique, nommé un conseiller spécial chargé de recouvrer les fonds et entamé un examen du cadre de gouvernance des sociétés d'État.

J'espère que l'enquête publique jettera de la lumière sur ces questions et cernera les causes profondes des problèmes que nous avons décelés. C'est de cette façon seulement que le gouvernement pourra garantir que les problèmes ne se reproduiront plus.

C'est alors seulement le gouvernement pourra restaurer la confiance chez les Canadiens et instaurer une plus grande certitude quant aux mérites du régime parlementaire.

Voici une dernière réflexion. Même si le rôle de mon Bureau consiste à jeter un regard critique, je crois qu'en définitive il contribue de façon positive à maintenir la confiance des Canadiens envers le gouvernement.

Nous le faisons, dans une large mesure, en incarnant et en favorisant les valeurs de reddition de comptes, de transparence et de protection de l'intérêt public.

Mon personnel et moi-même sommes extrêmement fiers de nous inscrire dans une longue tradition de loyaux services au Parlement et aux Canadiens, et de contribuer, grâce au rôle unique et important que nous jouons, à faire du Canada un meilleur pays pour nous tous.

Je vous remercie.