Automne 2015 — Rapports de la commissaire à l’environnement et au développement durable Le point de vue de la commissaire

Automne 2015 — Rapports de la commissaire à l’environnement et au développement durable Le point de vue de la commissaire

Message aux parlementaires

En ma qualité de commissaire à l’environnement et au développement durable du Canada, c’est avec plaisir que je félicite ce nouveau Parlement et lui souhaite la bienvenue. Je comprends qu’en tant que parlementaires, vous êtes appelés à faire face à de nombreuses priorités importantes et concurrentes, et je vous remercie de prendre le temps de lire ces mots.

Je souhaite attirer votre attention sur deux questions qui, selon moi, comptent parmi les plus pressantes de notre époque : il s’agit des changements climatiques et du développement durable. Le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, considère que ces questions forment les « deux côtés d’une même médaille ». C’est aussi mon avis.

Les changements climatiques

Parlons d’abord des changements climatiques.

En décembre 2015, lors de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques tenue à Paris, les pays représentés ont conclu un accord déterminant sur le climat. Cet accord vise à contenir la hausse des températures bien en deçà de deux degrés Celsius.

Cette conférence a été précédée par un intérêt croissant et des actions de la part des dirigeants partout dans le monde quant au besoin de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), y compris l’établissement de nouvelles cibles et l’élaboration de stratégies. Par exemple, la Chine a pour la toute première fois avancé un objectif en matière de changements climatiques lorsqu’elle s’est engagée à limiter ses émissions de GES d’ici 2030. Les États-Unis, pour leur part, ont convenu de réduire leurs émissions d’environ 27 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2025. L’Union européenne s’est fixée comme objectif de réduire ses émissions de 43 % par rapport aux niveaux de 1990 d’ici 2030.

Le Canada n’est pas demeuré en reste. Au Sommet sur les changements climatiques tenu à Québec en avril 2015, 11 premiers ministres canadiens représentant plus de 85 % de la population du pays ont émis une déclaration conjointe. Par cette déclaration, les premiers ministres se sont engagés à favoriser le passage à une économie plus sobre en carbone et à multiplier les initiatives d’adaptation pour accroître la résilience. Trois mois plus tard, au Sommet des Amériques sur le climat à Toronto, en Ontario, les dirigeants d’États, de provinces et d’administrations municipales des Amériques ont eux aussi exprimé leurs engagements relativement aux changements climatiques. En juillet 2015, les premiers ministres du Canada ont publié la Stratégie canadienne de l’énergie dans laquelle ils reconnaissent l’importance pour les gouvernements, dans la lutte aux changements climatiques, de changer d’approche quant aux manières d’utiliser et de produire l’énergie. Plusieurs provinces et territoires prennent également des mesures précises et ambitieuses pour réduire leurs propres émissions de GES.

Avant l’ouverture de la Conférence de Paris sur les changements climatiques, le Canada avait indiqué qu’il réduirait ses émissions de GES de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. Cette cible avait été précédée en 2009 par un engagement à réduire les émissions de GES de 17 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2020.

Entre 1998 et 2014, le commissaire à l’environnement et au développement durable, au nom du vérificateur général du Canada, a audité les mesures prises par le gouvernement fédéral pour atténuer les effets des changements climatiques au Canada. Nous avons constaté à maintes reprises que les cibles de réduction des émissions de GES n’étaient pas atteintes. En 2014, nous avons observé que le gouvernement fédéral n’avait toujours pas de plan pour arriver aux réductions plus grandes nécessaires au-delà de 2020, et qu’il ne faisait aucun effort de coordination en ce sens avec les provinces et les territoires. Pour véritablement réduire les émissions de GES, il sera important que le gouvernement fédéral engage activement ses partenaires, à tous les échelons, dans l’établissement et la réalisation des cibles futures du Canada. C’est un engagement qu’a pris le gouvernement qui vient d’être élu.

Le développement durable

Parlons maintenant de l’envers de la médaille, soit du développement durable. Quand on parle de développement durable, on parle en fait de ce que nous pouvons faire dans l’immédiat pour assurer le bien-être des générations d’aujourd’hui et de demain.

Le 25 septembre 2015, 193 dirigeants mondiaux ont adopté un document intitulé Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et les 17 objectifs de développement durable qui en découlent. Le Canada et d’autres pays ont convenu de « prendre les mesures audacieuses et porteuses de transformation qui s’imposent d’urgence pour engager le monde sur une voie durable ». Ces objectifs de développement durable, étalés sur 15 ans, sont « intégrés et indissociables, (ils) concilient les trois dimensions du développement durable : économique, sociale et environnementale ». Les 17 objectifs touchent donc une diversité de questions qui chevauchent ces trois sphères. Ils prévoient notamment la prise de mesures pour contrer les changements climatiques et leurs effets, gérer les ressources naturelles de manière durable, éliminer la pauvreté et la faim, et réaliser l’égalité des sexes.

Cependant, nos audits annuels des progrès accomplis par les ministères et organismes de l’administration fédérale dans la mise en œuvre de leurs propres stratégies de développement durable ont montré que ceux-ci ne tenaient systématiquement pas compte de la question de l’environnement dans leur processus décisionnel, et qu’ils ne démontraient pas d’engagement en faveur de la stratégie fédérale de développement durable du Canada. Le Cabinet a officiellement demandé aux ministères et aux organismes d’effectuer des évaluations environnementales stratégiques pour informer les ministres des effets sur l’environnement des propositions de politique, de projet et de programme qu’on leur demande d’approuver. Cependant, nous avons constaté que les ministères n’ont pas bien suivi cette directive du Cabinet. Il en résulte que les ministres n’avaient pas toujours l’information sur les effets positifs ou négatifs sur l’environnement des propositions qu’on leur soumettait.

L’intégration complète, dans la prochaine stratégie fédérale de développement durable du Canada, attendue au début de 2016, des intentions en développement durable d’ici 2030 et des cibles découlant de l’accord ressorti de la Conférence de Paris sur les changements climatiques, donnera une indication nette de l’engagement du Canada envers le développement durable et la lutte aux changements climatiques.

Le Canada a opté pour les deux côtés de la médaille : lutter contre les changements climatiques et leurs effets, et tendre au développement durable. Des mesures concrètes à cet égard placeront le Canada en bonne voie de répondre aux besoins des générations d’aujourd’hui et de demain. C’est avec intérêt que j’attends la prochaine occasion de présenter au Parlement un rapport sur les progrès accomplis par le gouvernement dans la réalisation de ces objectifs des plus importants.

La sécurité des pesticides

En plus des progrès accomplis par les ministères dans la mise en œuvre de leurs stratégies de développement durable, les rapports de l’automne 2015 de la commissaire à l’environnement et au développement durable renferment les constatations découlant de deux autres audits.

Notre premier audit a porté sur la sécurité des pesticides homologués pour utilisation au Canada. Cet audit répond à la recommandation formulée par le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts dans son rapport L’importance de la santé des abeilles pour une production alimentaire durable au Canada.

L’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire autorise les pesticides utilisés au Canada. On trouve actuellement sur le marché canadien quelque 7 000 produits antiparasitaires renfermant environ 600 ingrédients actifs.

L’Agence peut accorder une homologation conditionnelle quand elle estime qu’elle a besoin d’obtenir du fabricant plus de renseignements pour pouvoir confirmer son évaluation de la valeur du produit et de ses risques pour la santé humaine et l’environnement. Il est possible d’acheter et d’utiliser un pesticide qui est homologué sous conditions, et d’autres produits qui contiennent les mêmes ingrédients actifs peuvent aussi être mis en vente. Nous avons constaté que neuf produits antiparasitaires sont restés homologués sous conditions pendant plus de dix ans. Huit d’entre eux appartiennent à la classe des néonicotinoïdes. Ces produits continuent d’être largement utilisés au Canada en dépit des préoccupations répandues au sujet de leur dangerosité potentielle pour les abeilles, pour d’autres pollinisateurs et pour les écosystèmes en général.

L’Agence doit aussi réévaluer la sécurité des produits antiparasitaires homologués tous les 15 ans pour s’assurer que l’évaluation des risques pour la santé humaine et l’environnement tient compte des connaissances scientifiques les plus récentes. Quatre-vingt-quinze pour cent des réévaluations de l’Agence donnent lieu à de nouvelles mesures visant à protéger la santé humaine et l’environnement.

Pendant la période visée par notre examen, l’Agence avait effectué environ 14 réévaluations par année. À la fin de notre audit, il lui en restait à faire plus de six fois ce nombre. Sachant qu’avec chaque nouvelle année, l’Agence aura à entreprendre un nombre croissant de réévaluations, elle doit accélérer le rythme si elle veut éviter que les personnes et l’environnement soient exposés aux risques inacceptables que pose l’utilisation dangereuse de pesticides.

Dans le même ordre d’idées, je m’interroge sur le fait qu’il a fallu à l’Agence entre 4 et 11 ans pour retirer certains pesticides du marché alors qu’elle avait établi qu’ils posaient des risques inacceptables pour tous usages. L’absence de produits de rechange a souvent été invoquée pour expliquer cette lenteur à agir.

La surveillance des pipelines de compétence fédérale

Notre second audit a porté sur la surveillance des pipelines de compétence fédérale qui est exercée par l’Office national de l’énergie. L’Office réglemente environ 73 000 kilomètres de pipelines, soit plus de dix fois la distance à parcourir pour sillonner le pays d’un océan à l’autre. Le transport sécuritaire du pétrole et du gaz naturel revêt une importance critique pour les Canadiennes et les Canadiens, que ce soit sur le plan économique, social ou environnemental.

L’Office établit les exigences que doivent respecter les compagnies pour exploiter leurs pipelines de façon sécuritaire. Au terme de notre audit, nous avons conclu que l’Office n’avait pas surveillé de manière appropriée l’exécution de ces exigences, notamment la mise en œuvre des conditions d’approbation des pipelines, ni effectué de suivi adéquat des écarts de conformité des compagnies. Nous avons constaté que son système de gestion de l’information était désuet et inefficace. Nous avons aussi conclu que l’Office avait eu de la difficulté à recruter et à retenir des employés spécialisés dans des domaines comme l’intégrité des pipelines et la conformité réglementaire.

Le mandat de l’Office national de l’énergie est de réglementer les pipelines ainsi que la mise en valeur et le commerce de l’énergie, dans l’intérêt public canadien. De nos jours, l’intérêt public englobe les changements climatiques et leurs effets sur les collectivités, y compris les groupes autochtones. Étant donné cette réalité, le fait que la capacité des pipelines est appelée à presque doubler d’ici 2020, et l’entrée en vigueur de la Loi sur la sûreté des pipelines d’ici juin 2016, il est clair que l’Office doit faire davantage pour évoluer avec les changements qui surviennent dans le contexte dans lequel il opère.

Conclusion

Le rôle de commissaire à l’environnement et au développement durable a été créé il y a 20 ans par le Parlement du Canada, afin d’appuyer le vérificateur général du Canada en menant des audits sur l’environnement et le développement durable. Les audits qui ont suivi ont donné lieu à un imposant fonds de connaissances et d’expertise dans ces domaines. Les présents rapports de l’automne de 2015, tout comme ceux qui les ont précédés, apportent aux parlementaires une information objective pour tenir le gouvernement responsable.

Comme toujours, nous sommes à la disposition des comités parlementaires. L’attention que vous accordez à nos rapports renforce la reddition de comptes. Elle vous permet, comme parlementaire, d’appeler les cadres ministériels à se présenter devant vous pour répondre à vos questions au sujet de nos constatations et d’expliquer comment ils comptent mettre en œuvre vos directives et nos recommandations.

Dans les années qui viennent, je continuerai avec le même intérêt à vous communiquer de l’information indépendante que, je l’espère, vous trouverez utile pour exercer votre surveillance.

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