Leçons tirées de 30 ans de problématiques et de circonstances favorables liées aux changements climatiques au Canada

Leçons tirées de 30 ans de problématiques et de circonstances favourables liées aux changements climatiques au Canada

Leçons tirées de 30 ans de problématiques et de circonstances favourables liées aux changements climatiques au Canada

La ou le commissaire à l’environnement et au développement durable et la vérificatrice générale ou le vérificateur général du Canada présentent des rapports au Parlement du Canada sur la lutte contre les changements climatiques depuis 1998. Toutefois, les rapports d’audit ont commencé à mentionner les changements climatiques dès 1985. Les thèmes abordés comprennent la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’atténuation des effets de phénomènes météorologiques extrêmes, l’adaptation aux changements climatiques, l’élimination progressive des subventions aux combustibles fossiles et l’établissement d’infrastructures durables et de technologies énergétiques propres. Environnement et Changement climatique Canada et Ressources naturelles Canada sont le plus souvent visés par nos audits sur ces thèmes, mais Agriculture et Agroalimentaire Canada, Transports Canada, Santé Canada et le ministère des Finances Canada, entre autres, ont aussi fait l’objet d’audits.

Une série de huit leçons ressortent des constatations de ces nombreux audits. Ces leçons, de même que l’étude de divers exemples d’autres pays et administrations, font émerger des possibilités pour le Canada de traduire ses engagements climatiques en résultats durables.

Leçon numéro 1 : Un leadership et une coordination plus efficaces sont nécessaires pour faire progresser les engagements envers la lutte contre les changements climatiques

Problématique

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Pour s’attaquer à la crise climatique, il faut pouvoir compter sur le leadership et les efforts coordonnés d’un grand nombre de parties prenantes du secteur public, non seulement les organisations fédérales, mais aussi les gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux.

Compétences et intérêts des provinces et des territoires — Certaines responsabilités relatives aux changements climatiques relèvent de la compétence des provinces et des territoires. Or, les intérêts régionaux divergents influent souvent sur les mesures climatiques. Par exemple, l’Alberta, la Saskatchewan et Terre‑Neuve‑et‑Labrador produisent 97 % du pétrole brut au Canada. En outre, l’Alberta et la Colombie‑Britannique produisent 97 % du gaz naturel et des liquides de gaz naturel. Les objectifs climatiques établis par le Canada ne peuvent pas être atteints sans que le secteur pétrolier et gazier ne soit pris en compte, mais le débat sur l’exploitation des combustibles fossiles entraîne des risques de clivages partisans et régionaux. Les spécialistes avec lesquels nous nous sommes entretenus nous ont dit que le Canada se devait de dépolariser les discussions sur les changements climatiques afin de recentrer le débat sur les moyens à prendre pour réduire les émissions, au lieu de discuter de la question de savoir si le pays devrait réduire considérablement ses émissions.

Coordination des responsabilités fédérales — Plusieurs organisations fédérales se sont vu confier des responsabilités de plus en plus nombreuses liées aux changements climatiques, ce qui suscite des complications à l’échelle nationale. Cela risque de donner lieu à une stratégie qui n’est pas coordonnée entre les entités publiques et d’entraver ainsi tout progrès dans la lutte contre les changements climatiques. Des mandats et des responsabilités potentiellement divergents peuvent aboutir à des politiques et à des décisions qui peuvent paraître contradictoires, comme en témoignent les mesures prises par le gouvernement à l’égard du projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain (voir la pièce 5.5) et du programme côtier et infracôtier du Fonds de réduction des émissions (voir la pièce 5.6).

Pièce 5.5 — Le financement du projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain (TMX) est un exemple d’incohérence de politiques qui ne cadre pas avec les engagements pris dans la lutte contre les changements climatiques

Le gouvernement fédéral a octroyé un financement direct et important à des infrastructures liées aux combustibles fossiles tout en essayant de donner l’image d’un chef de file mondial de la lutte contre les changements climatiques.

Chronologie montrant les événements et les investissements liés au projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain
Pièce 5.5 — version textuelle

Cette chronologie montre les événements et les investissements liés au projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain.

Dans l’ensemble, le projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain (TMX) illustre l’incohérence des politiques et ne cadre pas avec les engagements pris dans la lutte contre les changements climatiques. Le gouvernement fédéral a octroyé un financement direct et important à des infrastructures liées aux combustibles fossiles tout en essayant de donner l’image d’un chef de file mondial de la lutte contre les changements climatiques.

En décembre 2013, la compagnie Kinder Morgan, une société américaine d’infrastructure et de transport de combustibles fossiles, présente une demande pour construire le TMX, au coût estimatif de 5,4 milliards de dollars.

En novembre 2016, le gouvernement fédéral approuve le projet TMX, en dépit de l’opposition de certaines Premières Nations, de groupes environnementaux et de plusieurs municipalités de la Colombie-Britannique.

En octobre 2017, la Cour d’appel fédérale commence à étudier la cause visant à contester l’approbation du projet TMX par l’Office national de l’Énergie.

En avril 2018, Kinder Morgan suspend les activités reliées au TMX en raison de la hausse des coûts, des retards dans les travaux de construction et de l’incertitude relativement aux processus réglementaires.

En mai 2018, le gouvernement fédéral accepte d’acheter le TMX au coût de 4,5 milliards de dollars.

En août 2018, la Cour d’appel fédérale invalide l’approbation du projet TMX par le gouvernement et ordonne la tenue de consultations additionnelles et la réalisation d’études d’impact sur l’environnement avant d’approuver le projet.

En juin 2019, après s’être acquitté de ses obligations de tenir des consultations et de réaliser des études d’impact sur l’environnement, le gouvernement fédéral approuve de nouveau le projet TMX, une journée après avoir déclaré au Parlement qu’il y avait une urgence climatique.

En février 2020, les coûts de construction du projet TMX sont estimés, selon le directeur parlementaire du budget, à 12,6 milliards de dollars. La Cour d’appel fédérale estime raisonnable la décision du gouvernement fédéral d’approuver de nouveau le projet en juin 2019.

Pièce 5.6 — Le Fonds de réduction des émissions est un exemple de programme qui vise à soutenir le secteur de l’énergie tout en réduisant les émissions

À l’automne 2020, le gouvernement du Canada a lancé le Programme côtier et infracôtier du Fonds de réduction des émissions dans le cadre du Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID‑19. Le gouvernement voyait le programme comme une façon d’aider le secteur de l’énergie à composer avec la baisse des prix du pétrole pendant la pandémie de COVID‑19. Le programme visait à fournir une aide financière aux entreprises en difficulté dans ce secteur tout en appuyant leurs efforts de réduction des émissions. Il a offert jusqu’à 675 millions de dollars pour aider les compagnies pétrolières et gazières côtières (c’est‑à‑dire terrestres) à préserver des emplois, à attirer des investissements, à accroître la concurrence mondiale et à accélérer le déploiement d’équipement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, particulièrement les émissions de méthane.

Dans le cadre de notre audit de 2021, nous avons constaté que Ressources naturelles Canada n’avait pas conçu le Programme côtier et infracôtier du Fonds de réduction des émissions de façon à assurer des réductions crédibles et durables des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur pétrolier et gazier ou à garantir l’optimisation des dépenses.

Les constatations d’audit du commissaire à l’environnement et au développement durable sur le Fonds de réduction des émissions du Canada se trouvent sur le site Web du Bureau du vérificateur général du Canada.

Environnement et Changement climatique Canada est le ministère fédéral responsable au premier chef de la lutte contre les changements climatiques. Toutefois, comme il n’est pas un organisme central fédéral, il n’est pas habilité à exiger que d’autres organisations fédérales prennent des mesures pour lutter contre les changements climatiques dans le cadre de leurs mandats respectifs.

Plusieurs de nos audits portant sur les changements climatiques ont souligné l’importance de la coordination des efforts entre les ministères et organismes fédéraux et tous les pouvoirs publics. Par exemple, en 2018, la plupart des vérificateurs généraux des provinces et des territoires, de concert avec le vérificateur général du Canada, ont déployé des efforts concertés pour faire rapport sur les activités de lutte contre les changements climatiques menées au sein de leur administration. Ces efforts ont abouti à un rapport sommaire collaboratif, déposé au Parlement, qui a fait ressortir le peu de coordination qui existait au sein du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et territoriaux et entre eux. Les constatations ont également montré que la coordination entre les gouvernements provinciaux et territoriaux et les gouvernements municipaux était aussi limitée. Le rapport sommaire avait conclu qu’en raison de cette coordination limitée, les mesures prises en réponse aux changements climatiques avaient été ponctuelles dans l’ensemble du pays. Ce manque de coordination risquait aussi de laisser passer des possibilités ou des enjeux importants ou de mener à l’élaboration de politiques redondantes ou contradictoires.

Le ministère des Finances Canada est chargé d’analyser les mesures fiscales en lien avec l’engagement pris par le Canada à la réunion du groupe des 20G20 de 2009 d’éliminer progressivement et de rationaliser les subventions inefficaces aux combustibles fossiles, et de conseiller le ministre des Finances à ce sujet. Nos rapports de 2017 et de 2019 ont révélé que les évaluations canadiennes réalisées pour recenser les subventions fiscales inefficaces aux combustibles fossiles n’étaient pas exhaustives et que le Ministère n’avait pas clairement défini ce qui constituait une mesure fiscale inefficace. Dans nos rapports, nous avions recommandé au ministère des Finances Canada d’établir des critères bien définis pour déterminer si une subvention fiscale aux combustibles fossiles était inefficace et d’effectuer une analyse de toutes les mesures fiscales visant ce secteur, afin de favoriser l’élimination progressive et la rationalisation des subventions inefficaces aux combustibles fossiles.

Circonstances favorables

Lors de notre examen, nous avons relevé diverses possibilités de renforcer le leadership dans la lutte contre les changements climatiques.

Centraliser les responsabilités au sein de l’administration fédérale — En France, le Conseil des ministres, soit l’équivalent du Cabinet au Canada, a placé les responsabilités en matière de changements climatiques au cœur de l’action gouvernementale, au lieu de confier ces responsabilités à un ministère en particulier qui a des compétences plus limitées. Nous avons appris, lors de nos entretiens avec des spécialistes, que des efforts avaient été déployés récemment pour inscrire le dossier des changements climatiques au cœur des politiques du gouvernement canadien, notamment au moyen des lettres de mandat adressées aux ministres. Toutefois, nous avons aussi entendu qu’un renforcement de la collaboration et du leadership des organismes centraux, comme le Bureau du Conseil privé et le ministère des Finances Canada, pourrait faire avancer davantage ce dossier important.

Tenir compte des besoins des provinces et des territoires — Les spécialistes que nous avons consultés ont souligné que le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques avait réussi à favoriser la coordination des efforts fédéraux et provinciaux, puisqu’il avait été élaboré dans le respect des besoins diversifiés de chaque province, territoire et organisation fédérale. Les spécialistes ont aussi indiqué que le système de tarification du carbone était un exemple d’une occasion où le gouvernement fédéral avait été en mesure d’établir une politique climatique qui pourrait être appliquée au niveau provincial, compte tenu de la souplesse accordée aux provinces pour gérer leurs propres systèmes, dans la mesure où elles respectent les critères du modèle fédéral (voir la pièce 5.7). Les spécialistes que nous avons interrogés ont indiqué que l’arrêt rendu récemment par la Cour suprême du Canada confirmant la constitutionnalité de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre apportait une certaine certitude quant aux pouvoirs et aux responsabilités de l’État fédéral.

Pièce 5.7 – Le Canada a imposé des critères minimaux à respecter pour la tarification du carbone dans toutes les provinces et tous les territoires

La tarification du carbone est généralement reconnue comme l’un des outils les plus efficaces et efficients pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elle suscite des innovations et des investissements favorisant les faibles émissions de carbone, tout en encourageant les ménages et les entreprises à réduire leurs émissions. Selon un rapport du Groupe de la Banque mondiale, 61 initiatives de tarification du carbone ont été ou seront mises en œuvre. Prises collectivement, ces initiatives s’appliqueraient à environ 22 % des émissions mondiales. En 2019, tous les territoires et toutes les provinces du Canada avaient des systèmes de tarification du carbone; certaines provinces géraient leurs propres systèmes alors que d’autres appliquaient le système fédéral.

La tarification du carbone est l’un des piliers du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. En octobre 2016, le gouvernement fédéral a publié son modèle sur la tarification de la pollution par le carbone, qui vise à garantir que la tarification couvre un large éventail de sources d’émissions et qu’elle devient de plus en plus rigoureuse avec le temps. Le modèle donne aux provinces et aux territoires la flexibilité voulue pour instaurer leurs propres systèmes de tarification, pourvu que ces derniers respectent certains critères. Le gouvernement fédéral a terminé son examen des critères du modèle et a confirmé une augmentation annuelle du tarif du carbone de 15 $ par tonne à compter de 2023, jusqu’à ce qu’il atteigne 170 $ par tonne en 2030. Le gouvernement fédéral a aussi mis en œuvre un filet de sécurité fédéral sur la tarification du carbone, qui s’applique uniquement aux administrations qui en ont fait la demande ou dont le système de tarification ne répond pas aux critères du modèle fédéral. Le 25 mars 2021, la Cour suprême du Canada a rendu un arrêt confirmant la constitutionnalité de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.

En 2022, le commissaire à l’environnement et au développement durable présentera au Parlement les résultats d’un audit de performance portant sur le système fédéral de tarification du carbone.

Mettre fin à la polarisation du débat sur l’action climatique — Certains pays, comme le Royaume‑Uni, ont réussi à dépolariser certains aspects du débat sur les changements climatiques. Le Royaume‑Uni a un organisme indépendant sur le climat (le Climate Change Committee), établi dans le cadre de la loi sur les changements climatiques du pays, qui conseille le gouvernement sur les cibles de réduction des émissions. Ce comité présente aussi des rapports au Parlement du Royaume‑Uni sur les progrès réalisés en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre et sur les mesures prises pour se préparer et s’adapter aux effets des changements climatiques. L’adoption d’une loi et l’établissement d’un organisme consultatif indépendant se sont révélés utiles pour renforcer le consensus, tenir le gouvernement comptable des mesures prises et garantir que la lutte contre les changements climatiques reste prioritaire lorsque divers projets politiques se font concurrence et que les gouvernements changent périodiquement.

En 2021, le Parlement du Canada a adopté la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, qui inscrit dans la loi la cible de carboneutralité du Canada à l’horizon 2050. Il reste maintenant à voir si cette loi et le nouveau Groupe consultatif sur la carboneutralité, un groupe de spécialistes indépendant chargé de fournir des avis au ministre de l’Environnement et du Changement climatique sur les façons les plus efficientes et efficaces d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050, contribueront à mettre fin à la polarisation des débats sur les changements climatiques.

Questions à considérer par les parlementaires

Leçon numéro 2 : L’économie canadienne reste tributaire de secteurs qui rejettent de grandes quantités d’émissions

Problématique

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Le Canada dispose d’abondantes ressources énergétiques, notamment du pétrole brut, du charbon, du gaz naturel et de l’uranium. Il a aussi les plus hautes marées du monde, et de l’espace pour des barrages hydroélectriques, des parcs éoliens et des centrales solaires. Le secteur de l’énergie est un élément essentiel des activités de production et de consommation de l’économie canadienne. Selon le Cahier d’information sur l’énergie 2020‑2021 de Ressources naturelles Canada, l’industrie pétrolière et gazière représentait directement plus de 5,3 % du produit intérieur brut canadien en 2019, et ce chiffre s’élevait à 7,8 % si l’on tenait compte des contributions indirectes. L’industrie employait directement près de 176 500 personnes et indirectement 422 500 personnes en 2019. Elle emploie aussi 10 000 travailleuses et travailleurs autochtones. L’industrie contribue aussi fortement au commerce international : elle représentait 23 % des exportations canadiennes et 8 % des importations en 2019. Cependant, cette industrie est aussi le plus grand émetteur de gaz à effet de serre du pays (voir la pièce 5.8), représentant 26 % du total des émissions canadiennes en 2019.

Pièce 5.8 — La production pétrolière et gazière représente la plus grande part des émissions de gaz à effet de serre du Canada par secteur de l’économie (2019)

Graphique à barres montrant les secteurs de l’économie ayant contribué aux émissions de gaz à effet de serre du Canada en 2019

Source : D’après des données sur les émissions tirées du Rapport d’inventaire national de 2021 du Canada

Pièce 5.8 — version textuelle

Le graphique à barres montre les différents secteurs de l’économie ayant contribué aux émissions de gaz à effet de serre du Canada en 2019 et la quantité d’émissions que ces secteurs ont émises en mégatonnes d’équivalents en dioxyde de carbone.

En 2019, le Canada a émis 730 mégatonnes d’équivalents en dioxyde de carbone. Sur ce total :

  • le secteur du pétrole et du gaz a émis 191 mégatonnes, ce qui représente la plus grande part des émissions;
  • le secteur des transports a émis 186 mégatonnes;
  • le secteur des bâtiments a émis 91 mégatonnes;
  • le secteur de l’industrie lourde a émis 77 mégatonnes;
  • le secteur de l’agriculture a émis 73 mégatonnes;
  • le secteur de l’électricité a émis 61 mégatonnes;
  • le secteur des déchets et autres a émis 51 mégatonnes.

Clivages régionaux — Même en tenant compte des réductions considérables des émissions de sables bitumineux par baril, la production pétrolière et gazière du Canada, qui est en pleine expansion, reste l’un des principaux obstacles à l’atteinte des cibles climatiques du pays. En raison de ces pressions contradictoires, les politiques climatiques ambitieuses se heurtent non seulement aux climatosceptiques, mais aussi à la résistance de divers intérêts industriels puissants et aux inquiétudes des électeurs qui craignent une augmentation des coûts de l’énergie et des pertes économiques en raison de la transition à des sources d’énergie plus propres. Les changements climatiques constituent un dossier régional polarisant au Canada, en partie parce que les provinces et les territoires ont des économies et des priorités très différentes.

Même si le Canada rejette environ 1,6 % des émissions mondiales, il fait partie des 10 plus grands émetteurs de la planète et constitue l’un des plus grands émetteurs par habitant (voir la pièce 5.9). Le Canada est aussi le 4e plus grand producteur et exportateur de pétrole au monde : environ 53 % de la production de pétrole en 2019 [disponible en anglais seulement] ont été exportés et consommés ailleurs. La Régie de l’énergie du Canada prévoit que la production canadienne de combustibles fossiles continuera de croître en raison des exportations de pétrole et de gaz, et ce, même si la consommation intérieure diminue.

Pièce 5.9 — Les quantités de gaz à effet de serre totales et par habitant découlant de l’ensemble des secteurs économiques varient grandement entre les provinces et les territoires (2019)

Graphique à barres montrant les quantités de gaz à effet de serre totales et par habitant découlant de l’ensemble des secteurs économiques des provinces et des territoires du Canada en 2019

Source : D’après des données sur les émissions tirées du Rapport d’inventaire national de 2021 du Canada. Les calculs des émissions par habitant ont été obtenus par le Bureau du vérificateur général du Canada en se basant sur le Rapport d’inventaire national de 2021 du Canada et les données sur la population de 2019 de Statistique Canada.

Pièce 5.9 — version textuelle

Ce graphique illustre les quantités de gaz à effet de serre totales et par habitant découlant de l’ensemble des secteurs économiques des provinces et des territoires du Canada en 2019. Les quantités totales d’émissions sont exprimées en mégatonnes d’équivalents en dioxyde de carbone et les quantités d’émissions par habitant sont exprimées en tonnes d’équivalents en dioxyde de carbone par habitant.

En 2019, le Canada a émis 730 mégatonnes. À l’échelle mondiale, 52 400 mégatonnes ont été émises. La moyenne d’émissions par habitant au Canada était de 19,31 tonnes. La moyenne globale par habitant était de 4,72 tonnes.

Voici les quantités totales et par habitant d’émissions provenant des provinces et des territoires, classées par ordre décroissant d’émissions par habitant :

  • La Saskatchewan a émis 75 mégatonnes, ce qui représente 63,75 tonnes par habitant.
  • L’Alberta a émis 276 mégatonnes, ce qui représente 62,94 tonnes par habitant. L’Alberta a enregistré la quantité d’émissions totales la plus élevée de toutes les provinces et de tous les territoires.
  • Les Territoires du Nord-Ouest ont émis 1,4 mégatonne, ce qui représente 30,98 tonnes par habitant.
  • Terre-Neuve-et-Labrador a émis 11 mégatonnes, ce qui représente 21,00 tonnes par habitant.
  • Le Nunavut a émis 0,73 mégatonne, ce qui représente 18,90 tonnes par habitant.
  • Le Manitoba a émis 23 mégatonnes, ce qui représente 16,74 tonnes par habitant.
  • Le Yukon a émis 0,69 mégatonne, ce qui représente 16,57 tonnes par habitant.
  • La Nouvelle‑Écosse a émis 16 mégatonnes, ce qui représente 16,39 tonnes par habitant.
  • Le Nouveau-Brunswick a émis 12 mégatonnes, ce qui représente 15,37 tonnes par habitant.
  • La Colombie‑Britannique a émis 66 mégatonnes, ce qui représente 12,86 tonnes par habitant.
  • L’Île-du-Prince-Édouard a émis 1,8 mégatonne, ce qui représente 11,34 tonnes par habitant.
  • L’Ontario a émis 163 mégatonnes, ce qui représente 11,14 tonnes par habitant.
  • Le Québec a émis 84 mégatonnes, ce qui représente 9,83 tonnes par habitant.

En ce sens, les émissions de gaz à effet de serre du Canada sont beaucoup plus élevées que la quantité qui est comptabilisée aux termes de l’Accord de Paris parce que cet accord ne tient compte que des émissions qui sont rejetées sur le territoire d’un pays et non pas des exportations, qui sont attribuées aux pays consommateurs. Peu importe la méthode de comptabilisation, le Canada continue de contribuer grandement à l’accumulation dangereuse de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

Un moyen pour les pays de répartir plus équitablement le fardeau de la réduction des émissions est de procéder à un ajustement à la frontière pour le carbone, c’est‑à‑dire de veiller à ce que les biens importés soient assujettis aux mêmes coûts pour les émissions que les biens produits à l’échelle nationale. En 2021, le gouvernement du Canada a lancé une consultation afin d’examiner la possibilité de s’associer à d’autres pays pour instaurer un mécanisme d’ajustements à la frontière pour le carbone.

Circonstances favorables

Les gouvernements qui comptent beaucoup sur les combustibles fossiles comme sources de revenus risquent de ne pas être financièrement viables à long terme s’ils ne s’adaptent pas de manière appropriée à l’élimination progressive de ces combustibles. Lors de nos entretiens, des spécialistes nous ont dit que le gouvernement du Canada devra s’adapter à la décarbonisation et qu’il doit prendre conscience de l’évolution de la base des revenus qui accompagnera la transition vers une économie à faibles émissions. En raison de l’abandon d’activités émettrices, une transition économique multipliera les risques d’abandon d’actifs — par exemple, du pétrole et du gaz qui ne seront jamais extraits ou du matériel qui ne servira pas pendant tout son cycle de vie — et le nombre de travailleuses et de travailleurs qui pourraient avoir besoin de l’aide de l’État pour faire face aux répercussions sociales et économiques. De plus, il sera primordial de diversifier l’activité économique pour délaisser une économie responsable d’une grande quantité d’émissions. À mesure que l’assiette fiscale fondée sur les combustibles fossiles s’amenuisera, les gouvernements devront trouver de nouvelles sources de revenus.

Nous avons recensé plusieurs possibilités de relever les défis liés à une telle transition économique.

Financement à long terme — Certains pays exportateurs de pétrole ont réussi à amorcer la transition de leur économie. Par exemple, la Norvège gère ses richesses pétrolières par l’intermédiaire d’un fonds, le Government Pension Fund Global, qui a été créé pour protéger l’économie contre les fluctuations des revenus pétroliers. Ce fonds sert de réserve financière et de régime d’épargne à long terme, de manière à permettre aux générations actuelles et futures de profiter des richesses pétrolières nationales. Par ailleurs, le fonds investit dans les technologies des énergies renouvelables et il a été décidé en 2019 qu’il se départirait de toute participation dans des sociétés dont les activités ne sont pas durables.

Diversification des sources de production d’énergie — L’audit mené en 2017 par la commissaire à l’environnement et au développement durable de l’époque sur le financement des technologies énergétiques propres a permis d’examiner des projets de démonstration de ces technologies financés par trois fonds. L’audit a permis de constater que le gouvernement avait appliqué un processus rigoureux et objectif pour évaluer, approuver et surveiller les projets. Toutefois, l’audit avait recommandé que le gouvernement documente avec précision son évaluation des projets et ses décisions d’approbation et qu’il publie des rapports sur les réductions des émissions réalisées grâce à l’ensemble des projets de démonstration pertinents qu’il finance.

Plusieurs autres pays tributaires des combustibles fossiles ont aussi amorcé une transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Des pays comme les Émirats arabes unis, le cinquième plus grand producteur pétrolier de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), se sont engagés à diversifier leur économie en délaissant le pétrole et le gaz naturel, et à produire une plus grande proportion d’électricité à partir de sources renouvelables. Le Canada a pris des mesures pour diversifier son économie en investissant dans le secteur des technologies propres. Ainsi, en 2020, le Canada a publié la Stratégie canadienne pour l’hydrogène (voir la pièce 5.10).

Pièce 5.10 — Le Canada entend ajouter l’hydrogène comme source d’énergie pour faire sa transition vers une économie sans carbone

L’hydrogène est reconnu comme une solution attrayante pour atteindre la carboneutralité par la décarbonisation des secteurs plus difficiles à décarboniser, comme ceux du chauffage et de la production d’énergie, et comme un élément ayant la possibilité de réduire la dépendance du Canada à l’égard des combustibles à teneur élevée en carbone. L’hydrogène est une source d’énergie sans carbone. Ainsi, lorsqu’il brûle, l’hydrogène n’émet que de l’eau et de la chaleur : il n’émet aucun gaz à effet de serre ni d’autres polluants. Toutefois, l’extraction de l’hydrogène pourrait exiger une grande quantité d’énergie et, selon la source d’énergie, pourrait entraîner des émissions.

De plus en plus de pays, y compris le Japon et l’Allemagne, ont publié des stratégies et des visions pour une économie fondée sur l’hydrogène. Au Canada, l’Alberta, la Colombie‑Britannique, l’Ontario et le Québec ont aussi fait des annonces sur l’hydrogène.

En décembre 2020, Ressources naturelles Canada a publié la Stratégie canadienne pour l’hydrogène. Le document de politique décrit les contours d’une économie axée sur les combustibles à base d’hydrogène au Canada. La Stratégie souligne que l’hydrogène propre a le potentiel de fournir jusqu’à 30 % de l’énergie d’utilisation finale du Canada d’ici 2050, annulant jusqu’à 190 mégatonnes d’équivalent en dioxyde de carbone, notamment grâce à son déploiement dans les secteurs des transports, du chauffage et des applications industrielles. Elle clame également que le Canada pourrait élargir son marché extérieur, car les exportations d’hydrogène pourraient atteindre 50 milliards de dollars d’ici 2050.

En 2022, le commissaire à l’environnement et au développement durable présentera au Parlement les résultats d’un audit de performance portant sur le rôle de l’hydrogène dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Protection des travailleuses et travailleurs et des collectivités — Pour faire une transition économique et réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles, il faut assurer la protection des collectivités et des travailleuses et travailleurs qui pourraient être touchés par la politique climatique. De nombreux pays, dont le Canada, ont commencé à traiter de la question des collectivités et des travailleuses et travailleurs vulnérables grâce à des initiatives de « transition juste » (voir la pièce 5.11). L’Union européenne a établi le « mécanisme pour une transition juste », qui vise à injecter environ 183 milliards de dollars entre 2021 et 2027 dans les régions à forte intensité de carbone et à production élevée de combustibles fossiles qui sont les plus touchées par la transition énergétique. Le programme allemand Energiewende (transition énergétique) est axé sur la mission consistant à créer un régime énergétique à faibles émissions de carbone tout en fermant progressivement les centrales nucléaires d’ici 2022 et les centrales alimentées au charbon d’ici 2038. Lors de l’élimination progressive du charbon, l’Allemagne prévoit le versement d’indemnisations aux exploitants de centrales alimentées au charbon ainsi que des programmes d’aide économique aux régions houillères d’une valeur de 40 milliards d’euros (59 milliards de dollars canadiens).

Pièce 5.11 — Le gouvernement appuie une transition juste pour les travailleuses et travailleurs du charbon

En 2016, le gouvernement du Canada s’est engagé à éliminer progressivement la production traditionnelle d’électricité alimentée au charbon d’ici 2030 afin de contribuer à l’atteinte de ses cibles de réduction des émissions. Cependant, l’élimination progressive du charbon pourrait aussi entraîner des pertes d’emploi, une réduction de la sécurité du revenu et des répercussions sociales. Elle touchera ultimement près de 50 collectivités et environ 3 900 travailleuses et travailleurs du charbon, principalement en Alberta, mais aussi en Saskatchewan, au Nouveau‑Brunswick et en Nouvelle‑Écosse. La situation des mines de charbon et des centrales alimentées au charbon varie au sein de ces provinces : certaines sont déjà fermées et les autres devraient fermer d’ici 2030.

Le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques reconnaît l’importance de venir en aide aux travailleuses et travailleurs et aux collectivités dans le cadre d’une transition juste et équitable vers une économie à faibles émissions de carbone. Pour relever les solutions possibles à l’appui d’une transition juste, le gouvernement a mis sur pied le Groupe de travail sur la transition équitable pour les collectivités et les travailleurs des centrales au charbon canadiennes en 2018. Les principales recommandations du Groupe de travail comprennent :

  • la priorisation des projets d’infrastructure dans les collectivités touchées;
  • le financement de centres de transition locaux dans les collectivités touchées;
  • l’affectation de fonds à la reconversion économique et au recyclage des compétences.

Le gouvernement a commencé à affecter des fonds provenant de l’enveloppe de 35 millions de dollars de l’Initiative canadienne de transition pour l’industrie du charbon en 2018 et il affecte maintenant 150 millions de dollars provenant d’un fonds similaire qui finance des projets d’infrastructure et de diversification économique. L’Agence de promotion économique du Canada atlantique et Développement économique Canada pour les Prairies (établi en 2021 lorsque Diversification de l’économie de l’Ouest Canada a divisé ses opérations entre l’Agence de promotion économique du Pacifique et Développement économique Canada pour les Prairies) dirigent ces fonds vers les collectivités touchées. Ressources naturelles Canada et Emploi et Développement social Canada travaillent à la création d’un soutien fédéral pour une transition équitable vers une économie à faibles émissions de carbone.

En 2022, le commissaire à l’environnement et au développement durable présentera au Parlement les résultats d’un audit de performance portant sur une transition équitable pour les travailleuses et travailleurs du charbon du Canada.

Stratégie énergétique nationale — Pour réussir une transition économique vigoureuse qui a l’ampleur et le rythme requis, il faudra établir un plan à long terme coordonné par le gouvernement fédéral, avec la participation dynamique des provinces et des territoires. Une stratégie énergétique nationale pourrait aider à unifier les intérêts diversifiés du Canada en matière d’énergie et à définir la voie à suivre par les gouvernements et l’industrie. La stratégie devrait cadrer avec les cibles climatiques établies et répondre aux divers besoins énergétiques des régions de l’ensemble du pays. Elle devrait aussi intégrer les éléments nécessaires pour protéger les travailleuses et travailleurs et les collectivités contre les effets d’une transition industrielle.

Le livre blanc sur l’énergie du Royaume‑Uni est le plan national en 10 points du pays qui décrit comment le Royaume‑Uni s’y prendra pour nettoyer son système énergétique afin d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Les secteurs d’intérêt de la stratégie comprennent la réduction de la consommation d’énergie dans les immeubles, l’industrie et les transports. Le plan présente aussi des engagements dans les domaines du financement écologique et de l’innovation. La stratégie est axée sur l’énergie éolienne, nucléaire et hydrogène ainsi que sur le captage, l’utilisation et le stockage du carbone en vue de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. En outre, le plan établit des objectifs ambitieux pour l’industrie du transport, notamment accélérer la transition vers des navires et des avions écologiques et cesser la vente de nouvelles voitures et camionnettes à essence et au diesel d’ici 2030.

Questions à considérer par les parlementaires

Leçon numéro 3 : Des mesures d’adaptation doivent être priorisées pour éviter les effets les plus graves des changements climatiques

Problématique

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Les changements climatiques augmentent la fréquence et l’ampleur des phénomènes météorologiques extrêmes, comme les sécheresses, les inondations, les canicules, les feux de forêt et les tempêtes, et occasionnent des changements plus progressifs comme la fonte du pergélisol et la montée du niveau des océans (voir la pièce 5.12). Les coûts des catastrophes liées aux événements météorologiques extrêmes au Canada ont augmenté au cours des dix dernières années et représentent aujourd’hui de 5 % à 6 % de la croissance annuelle du produit intérieur brut. Les coûts de chaque catastrophe ont aussi bondi, puisqu’on enregistre une augmentation de 1 250 % depuis les années 1970. Par exemple, les feux de forêt qui ont dévasté Fort McMurray (Alberta) et ses environs en 2016 ont entraîné l’évacuation de plus de 80 000 personnes et des pertes économiques de 11 milliards de dollars. La fumée des feux de forêt [disponible en anglais seulement] serait à l’origine de centaines, voire de milliers de décès prématurés chaque année au Canada et aurait des effets sur la santé qui coûtent des milliards de dollars par an à l’économie canadienne. Les pertes matérielles [disponible en anglais seulement] constituent une autre préoccupation puisque, selon les estimations, 10 % des ménages canadiens seraient exposés à des risques très élevés d’inondation.

Pièce 5.12 — Les défaillances des infrastructures causées par les changements climatiques peuvent poser de vrais risques pour la population canadienne

Les changements climatiques ont déjà des répercussions sur l’infrastructure canadienne, surtout dans le Nord et dans les régions côtières qui sont particulièrement vulnérables. Les défaillances des infrastructures causées par les changements climatiques menacent la santé et la sécurité des populations, peuvent interrompre la prestation de services essentiels, perturber l’activité économique et entraîner des coûts élevés de restauration et de remplacement. Pour mieux s’adapter aux changements climatiques, le gouvernement a promis de consacrer des milliards de dollars à des projets d’infrastructure dont la planification intègre des considérations relatives aux changements climatiques. Une conception et une remise en état en bonne et due forme aideront la population canadienne à résister aux effets des changements climatiques, protégeront la santé et la sécurité publiques et permettront de réaliser des économies à long terme.

Infrastructure Canada a lancé l’Optique des changements climatiques en 2018 afin d’encourager la prise en compte des risques climatiques et des émissions de gaz à effet de serre dans la conception et la planification de nouvelles infrastructures. Cet outil comprend une évaluation de l’atténuation des émissions de gaz à effets de serre, laquelle fournit une estimation de l’incidence prévue en matière d’émissions des projets d’infrastructure financés par le gouvernement fédéral dans le cadre du programme d’infrastructure Investir dans le Canada, du Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes et du Défi des villes intelligentes. L’Optique prévoit aussi une évaluation de la résilience aux changements climatiques qui appuie une stratégie de gestion des risques liés aux effets possibles des futurs changements climatiques.

Une Optique des changements climatiques révisée, qui intègre directement les considérations climatiques, est actuellement appliquée au Programme sur les bâtiments communautaires verts et inclusifs. Ce programme quinquennal de 1,5 milliard de dollars soutient les travaux de construction, de rénovation, de réparation ou de modernisation visant à améliorer l’accessibilité et l’empreinte écologique des bâtiments communautaires publics dans les collectivités mal desservies et ayant des besoins élevés.

En 2022, le commissaire à l’environnement et au développement durable présentera au Parlement les résultats d’un audit de performance portant sur l’évolution et l’application de l’Optique des changements climatiques d’Infrastructure Canada.

En raison des gaz à effet de serre qui se sont accumulés de façon permanente dans l’atmosphère jusqu’ici, les effets des changements climatiques sont pratiquement irréversibles, et ce, même si les émissions chutaient de façon marquée. Il est toutefois possible de réduire certaines vulnérabilités face aux changements climatiques en prenant des mesures d’adaptation. Les audits sur le climat réalisés par le commissaire à l’environnement et au développement durable ont, à maintes reprises, constaté des déficiences dans les plans d’adaptation aux changements climatiques du gouvernement fédéral. Les rapports de 2010 et de 2017 ont permis de constater qu’aucune mesure concrète n’avait été prise pour s’adapter aux effets d’un climat en évolution. En 2018, un rapport sommaire présenté de concert avec les vérificateurs généraux de la plupart des provinces avait relevé des déficiences similaires dans les efforts d’adaptation aux changements climatiques déployés d’un bout à l’autre du pays. Selon les constatations de ce rapport sommaire, la plupart des gouvernements canadiens n’avaient pas évalué les risques en présence, ni les mesures qu’ils devaient prendre pour s’adapter à un climat en évolution.

Circonstances favorables

L’efficacité de la mise en œuvre de mesures d’adaptation est tributaire des politiques et d’une coopération entre tous les ordres de gouvernement. Elle peut être améliorée grâce à des réponses intégrées qui établissent des liens entre les mesures d’atténuation et d’adaptation et d’autres objectifs sociaux. Ainsi, des solutions climatiques naturelles qui captent le gaz carbonique ou contribuent à prévenir les inondations peuvent, de manière simultanée, favoriser l’atténuation des effets des changements climatiques, l’adaptation et la résolution de la crise de la perte de biodiversité.

Action fédérale — Par l’entremise du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, le gouvernement fédéral s’est engagé à prendre plusieurs mesures pour accroître la résilience aux changements climatiques, dont les suivantes :

Dans ses audits, le commissaire a recommandé au gouvernement de définir un plan d’action fédéral pour l’adaptation aux changements climatiques ainsi que des directives communes pour évaluer les risques climatiques, et de mener des activités de sensibilisation aux risques et possibilités liés aux changements climatiques dans l’ensemble de l’administration fédérale afin d’éclairer les plans d’adaptation. Dans le plan Un environnement sain et une économie saine publié en 2020, le gouvernement s’est engagé à définir sa première stratégie nationale d’adaptation. Cette stratégie permettrait d’établir une vision commune de la résilience face aux changements climatiques au Canada, de déterminer les principales priorités en vue d’une collaboration accrue et de mettre en place un cadre pour mesurer les progrès à l’échelle nationale.

Actions infranationales — Les besoins en matière d’adaptation varieront d’une province et d’un territoire à l’autre. Les municipalités, les collectivités autochtones, les entreprises et les groupes de l’industrie ainsi que les organisations non gouvernementales locales connaissent de près le problème et sont donc bien placés pour proposer des solutions d’adaptation propres aux circonstances. Le gouvernement fédéral et ses homologues provinciaux et territoriaux peuvent tirer profit de ces connaissances de la réalité locale et fournir des forums pour la planification et la mise en œuvre des mesures pour favoriser la mise en commun de l’expérience et de l’expertise.

Le rapport sommaire collaboratif sur les changements climatiques présenté en 2018 par la plupart des vérificateurs généraux du Canada avait permis de constater que dans l’ensemble des provinces et des territoires, seule la Nouvelle‑Écosse avait entrepris une vaste évaluation des risques climatiques à l’échelle de l’administration provinciale. Dans la plupart des autres provinces et territoires, des évaluations des risques avaient été réalisées pour des collectivités, des secteurs ou des ministères en particulier. La Nouvelle‑Écosse a aussi été la première province à exiger des plans d’action contre les changements climatiques à l’échelle locale, lorsqu’elle a exigé l’établissement de plans d’action municipaux contre les changements climatiques au plus tard en 2014.

Les municipalités prennent aussi des mesures. Par exemple, en 2012, Vancouver a adopté une stratégie d’adaptation aux changements climatiques pour recenser et prioriser les vulnérabilités et guider l’élaboration de politiques et de programmes de renforcement de la résilience. Des collectivités autochtones passent aussi à l’action pour se préparer à faire face aux effets des changements climatiques. Ainsi, la Première Nation des Tsleil‑Waututh, en Colombie‑Britannique, a lancé un projet communautaire de planification de la résilience aux changements climatiques. Ce projet prévoit des évaluations de la menace et de la vulnérabilité, et l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d’action de 10 ans sur les changements climatiques.

Mise en œuvre précoce des mesures d’adaptation — Comparativement aux coûts élevés du nettoyage des catastrophes après coup, investir tôt dans les mesures d’adaptation permet d’éviter des pertes et de générer des avantages économiques, sociaux et environnementaux importants, notamment en réduisant les risques, en augmentant la productivité et en favorisant l’innovation. Un rapport de 2019 a révélé qu’un investissement mondial de 1,8 billion de dollars dans des systèmes d’alerte précoce, des infrastructures résilientes au climat, des méthodes améliorées de production des cultures pour l’agriculture en zone aride, des mesures de protection des marécages à l’échelle mondiale et des ressources en eau plus résilientes de 2020 à 2030 pourrait générer 7,1 billions de dollars en avantages nets totaux.

Questions à considérer par les parlementaires

Leçon numéro 4 : Le Canada risque de prendre du retard par rapport à d’autres pays dans les investissements en faveur d’un avenir résilient face aux changements climatiques

Problématique

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Les risques liés aux changements climatiques pour l’économie ont aussi des effets considérables sur le système financier. Par exemple, les dommages causés par des inondations, des ouragans, des sécheresses et des feux de forêt font augmenter les coûts pour les propriétaires de maisons et d’entreprises, et donc pour les compagnies d’assurance. En outre, les effets chroniques, comme le dégel du pergélisol et la montée du niveau des océans, auront des effets économiques à long terme. La nécessité de s’adapter aux effets des changements climatiques et de passer à une économie mondiale à faibles émissions de carbone fait aussi grimper les coûts. Les décisions financières prises au Canada doivent tenir compte des changements climatiques si l’on veut atténuer les risques qu’ils posent pour la population canadienne. Toutefois, nous avons appris, lors de nos entretiens avec des spécialistes, que le Canada n’avait pas joué un rôle prépondérant dans les discussions sur la finance durable à l’échelle internationale. Il risque donc d’être laissé pour compte alors que des pays dotés d’économies très différentes définissent les priorités.

Atténuation des risques pour le système financier — Les investisseurs et les autorités peuvent mieux atténuer les risques que font peser les changements climatiques sur les systèmes financiers lorsqu’ils connaissent l’exposition aux risques et savent comment ceux‑ci peuvent être gérés. En 2015, le Conseil de stabilité financière, un organisme international, a créé le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques. Ce groupe était chargé d’élaborer un ensemble uniforme d’informations à fournir à titre volontaire relativement aux risques financiers associés aux changements climatiques, à l’intention des sociétés qui communiquent de l’information aux investisseurs, aux prêteurs, aux compagnies d’assurance et à d’autres parties prenantes. Le Groupe de travail, qui se compose de 32 membres issus de différents pays du groupe des 20G20, recommande que les sociétés publient des informations financières liées au climat (voir la pièce 5.13). Toutefois, cette pratique n’est pas universelle. Peu de sociétés révèlent les répercussions des changements climatiques sur leurs actifs, et il y a des incohérences entre les industries et les régions pour ce qui est des modes de présentation des risques liés au climat.

Pièce 5.13 — Des normes sur la présentation d’informations financières liées au climat sont encore en cours d’élaboration au Canada et à l’échelle mondiale

Pour faire la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, il faudra investir des sommes considérables en vue de décarboniser certains secteurs industriels et d’en développer d’autres.

La présentation d’informations financières liées au climat aide les investisseurs à prendre des décisions éclairées afin de réaffecter leur capacité d’investissement vers des secteurs industriels et des parties prenantes du marché qui s’emploient à effectuer la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Ce type d’informations financières fournit des renseignements sur l’incidence que les changements climatiques ont sur un projet, une entreprise ou le rendement d’un fonds de placement et l’effet des activités de ces entités sur le climat. Les informations financières liées au climat décrivent et quantifient la manière dont les entités identifient, évaluent et gèrent les risques et les possibilités liés au climat.

Les investisseurs et d’autres utilisateurs des rapports financiers indiquent que les incohérences dans les méthodes de présentation des informations financières sur le climat et l’absence de rapports comparables sont des obstacles majeurs à la prise en compte des risques et des possibilités liés au climat dans leurs décisions relatives aux investissements, aux prêts et à la souscription d’assurance. Par ailleurs, des éléments probants laissent entendre que l’absence de renseignements cohérents empêche aussi les investisseurs et d’autres parties prenantes du domaine d’intégrer les questions relatives au climat dans leurs processus d’évaluation et de répartition des actifs.

En 2015, le Conseil de stabilité financière s’est vu demander par les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales des pays du G20 d’étudier comment le secteur financier pouvait tenir compte des questions relatives au climat. Le Conseil a déterminé que l’absence d’informations était un problème important et a créé le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques [disponible en anglais seulement] pour s’attaquer à ce problème. En 2017, le Groupe de travail a publié ses recommandations, qui appellent à la transparence afin de renforcer la gestion des risques climatiques.

Lors de ses consultations sur la présentation de rapports sur le développement durable en septembre 2020, l’International Financial Reporting Standards Foundation a indiqué ce qui suit [traduction] : « Un processus ascendant de coopération entre les initiatives régionales ou les organismes de normalisation qui existent déjà ne suffirait pas à lui seul à atteindre l’objectif de création d’un ensemble de normes même élémentaire. Pour définir de telles normes, il faudrait une initiative mondiale et il serait essentiel que cette initiative mondiale collabore avec les initiatives régionales pour assurer la cohérence et la comparabilité à l’échelle internationale ». En 2021, la fondation a proposé un nouveau conseil des normes internationales d’information sur la durabilité. Ce conseil s’attachera à définir un nouvel ensemble de normes sur la durabilité qui se fondent sur des référentiels déjà en vigueur, notamment en se basant sur les recommandations du Groupe de travail.

À l’heure actuelle, les lois canadiennes exigent la présentation de certaines informations liées au climat dans les rapports déposés auprès des autorités de réglementation par un émetteur, seulement si ces informations sont jugées significatives, comme pour tout autre type de risque. Toutefois, il n’y a pas de cadre normalisé pour régir la présentation de ce type d’informations afin d’en assurer la comparabilité et la transparence.

En 2022, le commissaire à l’environnement et au développement durable présentera au Parlement les résultats d’une étude portant sur la présentation d’informations financières liées au climat.

Financement international de la lutte contre les changements climatiques — Les pays développés continuent de consommer une part disproportionnée des ressources naturelles mondiales. Dans le secteur des combustibles fossiles tout particulièrement, cela a contribué à l’accumulation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Alors que les pays développés en ont profité économiquement, les pays en développement, surtout ceux qui sont vulnérables à la montée du niveau des océans, à la désertification et aux inondations, ont subi de manière disproportionnée un grand nombre des effets négatifs. De plus, on prévoit que les changements climatiques feront augmenter la pauvreté en raison de leurs effets sur l’agriculture, les ressources en eau et la santé. Les pays en développement sont beaucoup plus vulnérables que les pays développés. Par exemple, les régions en développement ont tendance à être plus chaudes que les régions développées et doivent faire face à la grande variabilité des précipitations. Ces régions dépendent aussi grandement de l’agriculture, qui est le secteur de l’économie le plus sensible au climat, et elles ont accès à des soins de santé inadéquats et à des services publics de piètre qualité. Leurs faibles revenus conjugués à ces vulnérabilités rendent l’adaptation aux changements climatiques particulièrement difficile pour ces régions.

Pour s’adapter aux changements climatiques et favoriser la transition mondiale vers des sources d’énergie à faibles émissions, les pays développés devront offrir un soutien financier accru aux pays en développement, surtout aux pays vulnérables. La Convention‑cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, le Protocole de Kyoto et l’Accord de Paris demandent tous le versement d’une telle aide financière et reconnaissent les différentes capacités de lutte contre les changements climatiques. Les pays développés se sont engagés à verser conjointement 100 milliards de dollars américains par année jusqu’en 2020 à partir de sources diverses, publiques et privées, bilatérales et multilatérales, et autres. Le Canada s’est engagé à verser 2,65 milliards de dollars sur 5 ans (2016‑2021) en financement relatif au climat et à relever cette aide à 5,3 milliards de dollars pour les 5 années suivantes. Toutefois, l’Organisation de coopération et de développement économiques signale que l’aide versée en réalité n’a pas été à la hauteur de ces engagements : 79,6 milliards de dollars américains ont été versés en 2019 au lieu des 100 milliards de dollars américains promis.

Circonstances favorables

Lors de notre examen, nous avons relevé diverses possibilités dans le domaine du financement de la lutte contre les changements climatiques.

Présenter de l’information sur les risques climatiques — Dans le budget de 2021, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il intégrerait les informations sur le climat aux autres informations à fournir courantes dans un grand nombre de secteurs de l’économie canadienne. Il exigerait notamment que les grandes sociétés d’État du Canada (les entités qui ont plus de 1 milliard de dollars en actifs) présentent des informations sur leurs risques financiers relatifs aux changements climatiques à compter de 2022. Les sociétés d’État plus petites seront tenues de commencer à présenter ce type d’informations en 2024. En outre, en vertu de la nouvelle Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, le ministre des Finances rendra compte chaque année des mesures prises par le gouvernement pour gérer les possibilités et les risques financiers liés aux changements climatiques.

En 2018, la Commission européenne a publié un plan d’action sur le financement de la croissance durable afin d’établir un cadre réglementaire à l’appui des objectifs de l’Accord de Paris. Le plan vise notamment à exiger que les investisseurs présentent des informations sur les risques climatiques et à améliorer les méthodes et les pratiques de présentation des risques d’entreprise.

Intégrer le développement durable à la finance — Le Canada a fait des progrès en matière de finance durable au cours des dernières années. En avril 2018, la ministre de l’Environnement et du Changement climatique et le ministre des Finances ont nommé un Groupe d’experts sur la finance durable. Ce groupe a présenté un rapport, intitulé Mobiliser la finance pour une croissance durable, qui contient 15 recommandations, dont les suivantes :

En 2019, la Banque du Canada s’est jointe au Réseau pour le verdissement du système financier, un forum mondial de banques centrales et de superviseurs du système financier qui définit et préconise les meilleures pratiques concernant la gestion des risques climatiques dans le secteur financier et qui effectue des analyses sur la finance verte.

Aider les pays en développement — En 2014, la commissaire de l’époque a examiné l’aide financière internationale pour la lutte contre les changements climatiques, dans le cadre de l’initiative de financement accéléré du Canada. Nous avons constaté qu’Environnement et Changement climatique Canada (qui se nommait alors Environnement Canada) avait élaboré un site Web interactif pour fournir des informations détaillées sur les projets financés par les fonds canadiens dans le cadre de l’initiative. Toutefois, nous avons aussi constaté que le Ministère pourrait accroître la cohérence et l’utilité de ses rapports publics en y incluant des renseignements sur l’état des dépenses liées aux projets et sur les flux de fonds vers le Canada. Le Ministère pourrait également collaborer avec ses partenaires fédéraux et internationaux pour mieux prédire et évaluer les résultats, y compris en ce qui touche la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cette collaboration et cette coordination restent particulièrement importantes dans le cadre des efforts mondiaux visant à réduire les émissions et à s’adapter à un climat en évolution.

Questions à considérer par les parlementaires

Leçon numéro 5 : Il est primordial d’accroître la sensibilisation du public à la problématique des changements climatiques pour progresser

Problématique

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Les scientifiques et le gouvernement du Canada reconnaissent que les changements climatiques posent une grave menace pour la planète. Même si la population canadienne est devenue plus sensibilisée aux défis posés par les changements climatiques au cours des dernières années, un sondage mené en 2020 [disponible en anglais seulement] a démontré que seulement 75 % de la population estimaient que les activités humaines contribuaient aux changements climatiques. Le sondage a aussi fait ressortir que 60 % pensaient que le gouvernement manquerait à ses devoirs envers tous les citoyens et citoyennes s’il ne prenait pas de mesures pour lutter contre les changements climatiques. Ces chiffres sont en deçà de la moyenne mondiale qui se situe à 68 %. Étant donné que des actions collectives et l’appui de la population sont importants pour faire évoluer les politiques et les comportements, une sensibilisation insuffisante du public à l’égard des changements climatiques risque d’entraver les progrès réalisés par le Canada pour lutter contre les changements climatiques.

Circonstances favorables

Lors de notre examen, nous avons relevé diverses possibilités de mieux sensibiliser la population aux changements climatiques.

Communication des objectifs politiques — La Convention‑cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et l’Accord de Paris appellent les gouvernements à donner à l’ensemble des parties prenantes et des groupes importants l’éducation et les moyens d’agir et de s’investir en faveur de politiques et d’actions liées aux changements climatiques. Un public informé est mieux outillé pour évaluer les projets de politique du gouvernement sur les changements climatiques et prendre des décisions sur les biens qu’il consomme. Mener des actions de sensibilisation sur certains projets de politique, comme la tarification du carbone, peut aider à susciter un vaste appui et à réfuter toute désinformation sur les coûts pour les consommateurs.

Le gouvernement a pris certaines mesures pour sensibiliser le public à la problématique des changements climatiques. Par exemple, un des objectifs présentés dans l’évaluation nationale Le Canada dans un climat en changement : faire progresser nos connaissances pour agir, publiée en 2019 par Ressources naturelles Canada, prévoit qu’il faut « accroître la sensibilisation de la pertinence des changements climatiques auprès des Canadiens et la nécessité de mesures opportunes ». Au début de l’année, le gouvernement a rendu public un investissement de 3 millions de dollars pour sensibiliser 300 000 enfants sur ce qu’ils peuvent faire pour aider le Canada à atteindre sa cible de carboneutralité d’ici 2050. Toutefois, il faut du temps pour sensibiliser le public et en voir les résultats, c’est‑à‑dire un changement dans les comportements.

Renforcement de la transparence — Le gouvernement peut sensibiliser le public en faisant preuve de plus de transparence dans l’information qu’il communique sur la progression en faveur des engagements climatiques et sur les mesures stratégiques qu’il prévoit prendre. Une plus grande transparence peut favoriser la reddition de comptes du gouvernement et aussi contribuer à renforcer la confiance de la population. Le commissaire à l’environnement et au développement durable a examiné la transparence dans le cadre de bon nombre de ses audits sur le climat. Par exemple, en 2009, il a constaté un manque de transparence dans les modèles et les rapports sur les changements climatiques. En 2014, la commissaire de l’époque a indiqué que les rapports sur les changements climatiques pouvaient être améliorés en décrivant les principales hypothèses adoptées, en précisant l’incertitude liée à ces estimations, et en décrivant de façon plus appropriée et systématique les émissions attribuables aux forêts au Canada. En outre, en 2019, la commissaire de l’époque a constaté que les énoncés sur le progrès à l’égard des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre n’étaient pas justes.

Les changements climatiques dans le discours public — Les actions concertées menées par le gouvernement pour sensibiliser la population et contrer la désinformation peuvent contribuer à établir un dialogue public plus éclairé. Renforcer la sensibilisation aux faits liés aux changements climatiques et aux fondements des politiques climatiques peut aider à réduire la polarisation politique qui naît de la diffusion d’informations erronées. Cela peut aussi poser les bases de l’évolution des comportements que chaque citoyenne canadienne et chaque citoyen canadien peuvent adopter pour lutter contre les changements climatiques.

Les gouvernements peuvent profiter d’une stratégie de communication qui définit des objectifs clairs pour assurer l’efficacité et l’équité. La stratégie peut associer des partenaires et des parties prenantes pour assurer la cohérence tout en tenant compte de la diversité régionale. Les gouvernements peuvent utiliser les médias sociaux, en plus des modes de communication traditionnels, pour communiquer avec un plus grand nombre de Canadiennes et de Canadiens. Établir des partenariats avec d’autres parties prenantes, notamment les collectivités autochtones, les organisations de confiance, les entreprises et les dirigeantes et dirigeants au niveau local, peut aider les gouvernements à mieux sensibiliser la population à la crise climatique et à renforcer la confiance et la crédibilité à l’égard des mesures politiques mises en œuvre pour lutter contre la crise climatique.

Questions à considérer par les parlementaires

Leçon numéro 6 : Les cibles climatiques n’ont pas été appuyées par des plans solides ou des actions

Problématique

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Pour réaliser les objectifs établis dans l’Accord de Paris en vue de limiter le réchauffement de la planète, il faudra une action transformatrice de toute urgence. Il est certes nécessaire de définir des cibles ambitieuses de réduction des émissions, mais les pays doivent aussi veiller à mettre en œuvre des politiques et des mesures qui leur permettront d’atteindre leurs objectifs.

Des cibles, mais pas de suivis — Depuis 1990, le Canada a promis à maintes reprises, à l’échelle nationale et internationale, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de s’adapter aux effets des changements climatiques et de favoriser les technologies énergétiques propres. Cependant, comme l’a déjà signalé le commissaire à l’environnement et au développement durable dans des rapports antérieurs sur le climat, le Canada n’a jamais réussi à atteindre ses cibles climatiques, y compris les cibles de réduction des émissions qui avaient été fixées précisément pour donner suite au Protocole de Kyoto.

En 2017, la commissaire à l’environnement et au développement durable de l’époque avait indiqué que les plans antérieurs n’avaient pas réussi à produire des résultats concrets et que le gouvernement devait entreprendre la difficile tâche de traduire le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques en actes tangibles et mesurables. La cible initiale du Canada aux termes de l’Accord de Paris prévoyait une réduction de 30 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030 et, dans le cadre de l’Accord de Copenhague, le Canada s’était engagé à réduire les émissions de 17 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2020. En dépit de ces engagements, les émissions nationales totales ont diminué de seulement 1,1 % de 2005 à 2019. Les politiques et les mesures nécessaires pour atteindre les cibles sont loin d’avoir été mises en œuvre en temps utile.

Circonstances favorables

En 2017, la commissaire à l’environnement et au développement durable a recommandé au gouvernement d’élaborer une stratégie intégrée pour évaluer et surveiller la contribution des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à l’atteinte de la cible canadienne de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixée pour 2030, et de publier des rapports sur les résultats obtenus. En 2021, le gouvernement du Canada a annoncé un nouvel objectif, à savoir réduire les émissions de 40 % à 45 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030, assorti d’une cible visant à atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Ces nouveaux objectifs témoignent d’une ambition renforcée, mais le gouvernement doit aussi veiller à mettre réellement en oeuvre ces objectifs grâce à ses plans et actions. De nouvelles politiques et lois offrent certaines possibilités de relever ce défi.

Réalisation des nouveaux objectifs fixés — La mise en œuvre complète des mesures et des actions présentées dans le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, le plan Un environnement sain et une économie saine et le Budget de 2021 devrait permettre de réduire de 36 % les émissions par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. Même si la mise en œuvre des plans climatiques du Canada actuellement en vigueur permettra peut‑être d’atteindre l’objectif initial fixé pour 2030 de réduire les émissions de 30 % par rapport aux niveaux de 2005, le Canada s’est aujourd’hui donné un nouvel objectif, plus ambitieux, soit de réduire les émissions de 40 % à 45 %. Par conséquent, le gouvernement devra revoir les plans, politiques et actions qui sont nécessaires pour atteindre ce nouvel objectif. À plus long terme, le Canada doit aussi harmoniser son objectif de carboneutralité à l’horizon 2050 avec sa nouvelle cible pour 2030 et définir des jalons intermédiaires quinquennaux jusqu’en 2050. Peu importe le moment où le Canada établira un nouveau plan en fonction de ses nouveaux objectifs, l’accent devrait être mis cette fois‑ci (contrairement aux plans antérieurs) sur la réalisation des objectifs et non seulement sur l’établissement du plan lui‑même. Des plans efficaces sont essentiels, mais c’est le résultat obtenu qui compte. Certains pays (comme le Costa Rica et le Kenya) ont fait preuve de leadership en veillant à ce que leurs plans et les politiques connexes soient conformes aux objectifs de l’Accord de Paris.

Récentes modifications législatives — La nouvelle cible du Canada pour 2030 donne au gouvernement l’occasion de mieux faire cadrer ses politiques et actions avec ses objectifs. En 2021, le Parlement a adopté la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, qui inscrit dans la loi l’objectif de carboneutralité du Canada à l’horizon 2050 et exige qu’une série de cibles nationales de réduction des émissions soit fixée à des jalons quinquennaux pour atteindre cet objectif à compter de 2030. La Loi stipule aussi que le ministre de l’Environnement et du Changement climatique doit établir un plan de réduction des émissions pour 2030. Conformément à la loi, le plan de réduction des émissions pour 2030 doit inclure un objectif intermédiaire de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2026. Chaque cible de réduction des émissions établie aux termes de la Loi doit être plus ambitieuse que la précédente. Par ailleurs, le mandat du commissaire a été élargi par la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité. Aux termes de cette loi, le commissaire est tenu d’examiner la mise en œuvre des mesures prises pour atténuer les changements climatiques et de faire rapport à ce sujet. Le rapport peut inclure des recommandations sur les façons d’améliorer l’efficacité de la mise en œuvre de ces mesures.

Questions à considérer par les parlementaires

Leçon numéro 7 : Une plus grande collaboration est requise entre toutes les parties prenantes pour trouver des solutions aux changements climatiques

Problématique

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Les gouvernements ne peuvent pas à eux seuls atteindre les objectifs climatiques fixés. Sans actions de grande ampleur menées en collaboration, le Canada ne pourra jamais atteindre son objectif de réduction des émissions. Lors de la 21e session de la Conférence des Parties à Paris, en 2015, les participants ont convenu de mobiliser une action climatique de la part des partenaires non gouvernementaux, notamment de la société civile, du secteur privé, des institutions financières, des communautés locales et des peuples autochtones.

Par ailleurs, il est essentiel, pour assurer une réponse rigoureuse et inclusive à la crise climatique, de veiller à ce que des intérêts diversifiés et concurrentiels soient représentés et pris en compte dans les solutions climatiques. Or, la plupart des possibilités de collaboration entre les partenaires gouvernementaux et non gouvernementaux n’ont pas encore été exploitées.

Circonstances favorables

Nous avons relevé des exemples, ici et à l’étranger, de mesures prises pour associer un plus grand nombre de collectivités autochtones et de parties prenantes aux actions climatiques.

Exemples à l’échelle internationale — Dans le monde, les organisations non gouvernementales créent un élan en faveur de l’action climatique et les gouvernements trouvent de meilleures façons de collaborer avec ces organisations. Par exemple, la Coalition pour le climat et l’air pur est un partenariat volontaire de 73 États (dont le Canada), de 19 organisations intergouvernementales et de 59 organisations non gouvernementales qui vise à réduire les émissions de polluants puissants de courte durée de vie ayant un effet sur le climat, comme le méthane.

Diverses parties prenantes du secteur privé ont joint leurs efforts pour diriger la lutte contre les changements climatiques. Par exemple, We Mean Business Coalition regroupe désormais plus de 2 000 entreprises qui se sont engagées en faveur d’une action climatique; ces entreprises représentent une capitalisation boursière de 24,8 billions de dollars à l’échelle mondiale. Le Canada peut suivre l’exemple de ces leaders du secteur privé pour trouver des moyens de susciter et de renforcer la collaboration.

Exemples au Canada — En plus de favoriser l’atteinte des objectifs de réduction des émissions, les organisations non gouvernementales peuvent mettre en œuvre les politiques établies et ainsi susciter des ambitions climatiques encore plus importantes. Bon nombre de parties prenantes canadiennes, y compris les collectivités autochtones, le secteur privé et des organisations sans but lucratif, font déjà preuve de leadership :

Questions à considérer par les parlementaires

Leçon numéro 8 : Les changements climatiques constituent une crise intergénérationnelle, et il reste peu de temps pour la résoudre

Problématique

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Les gouvernements ont souvent des difficultés à régler les problèmes à long terme. Les gouvernements en place, et ceux qui veulent former un gouvernement, planifient souvent en fonction des prochaines élections plutôt qu’en fonction d’enjeux à long terme. Les cycles de planification interne des gouvernements favorisent des réflexions à court terme au détriment d’une planification à long terme. L’inaction face aux changements climatiques par le passé a créé la crise d’aujourd’hui. Entre‑temps, l’inaction qui persiste pèse injustement sur les générations futures qui devront faire face aux répercussions encore plus marquées des gaz à effet de serre à longue durée déjà rejetés dans l’atmosphère.

Circonstances favorables

Nous avons relevé des exemples de mesures prises par d’autres pays pour s’attaquer au volet intergénérationnel de la lutte contre les changements climatiques. La Hongrie et le Pays de Galles ont créé des organismes gouvernementaux pour protéger les futures générations et court‑circuiter les intérêts politiques à court terme. Des tribunaux, particulièrement dans les pays de l’Union européenne, notamment aux Pays‑Bas, en France et en Allemagne, ont récemment rendu des décisions historiques qui obligent les gouvernements à renforcer leurs actions en faveur du climat.

Le Parlement du Canada, par l’entremise de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité et de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, a intégré les mesures de lutte contre les changements climatiques dans sa législation au cours des dernières années. Toutefois, en sa qualité de gardien de nos institutions démocratiques et de notre avenir collectif, le Parlement doit intensifier ses efforts pour lutter contre les changements climatiques afin de compenser des décennies d’occasions ratées et de faux pas.

Questions à considérer par les parlementaires

Conclusion

La nécessité d’agir pour faire face aux changements climatiques n’a jamais été aussi urgente. La lutte contre les changements climatiques prend de l’ampleur dans le monde. Le Canada s’est fixé des cibles ambitieuses de réduction des émissions : de 40 % à 45 %, par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030 et la carboneutralité à l’horizon 2050. Toutefois, comme l’ont montré les rapports précédents du commissaire à l’environnement et au développement durable et du vérificateur général du Canada, le Canada n’a jamais réussi à atteindre ses objectifs de réduction d’émissions. Au cours des 30 dernières années, le Canada, qui était chef de file dans la lutte contre les changements climatiques, est passé à la traîne d’autres pays développés malgré les efforts qu’il a récemment déployés.

Le Canada peut tirer les leçons des résultats qu’il obtient depuis trente ans et prendre les mesures suivantes :

Grâce à des mesures vigoureuses et concertées de la part des parlementaires et de la population canadienne, le Canada pourra laisser derrière lui ses piètres résultats en matière de lutte contre les changements climatiques et honorer ses obligations internationales. En tirant parti de la dynamique à l’échelle internationale et nationale, notamment des récentes lois, des nouveaux plans ambitieux et du financement accru en faveur de la lutte contre les changements climatiques, le Canada peut bâtir un avenir carboneutre plus propre pour les générations de demain.

Équipe de rapport

Directrice principale : Kimberley Leach
Directrice : Elsa Da Costa

Vanessa Alboiu
Kate Kooka
Julia Sweatman