L’évaluation des nouveaux modes de prestation de services
Document de discussion
Introduction
Objet et étendue
Questions préliminaires
Évaluation des nouveaux modes de prestation de services
1. Atteindre ses objectifs
2. Rendre des comptes au Parlement de façon appropriée
3. Être transparent
4. Protéger l’intérêt public
Conclusion
Références choisies — Pour en savoir davantage sur les nouveaux mécanismes de prestation des services
Introduction
Le gouvernement s’oriente de plus en plus vers l’adoption de nouveaux mécanismes de prestation de services. Ces mécanismes peuvent être définis comme étant des moyens d’offrir des services au public en dehors de la structure traditionnelle des ministères; nombre d’entre eux sont utilisés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du secteur public. Le Parlement a intérêt à être en mesure d’évaluer ces nouveaux modes de prestation de services de manière uniforme.
En réalité, les différents modes de prestation de services ne sont pas vraiment nouveaux : le gouvernement fédéral a depuis longtemps recours à des organismes et à des sociétés d’État plus autonomes plutôt qu’aux ministères pour la prestation de certains services, et de plus, il a transféré des programmes et des services à d’autres niveaux de gouvernement. La nouveauté reside toutefois dans le fait que le gouvernement a recours de plus en plus à de nouveaux modes pour mettre en oeuvre des programmes et offrir des services que les ministères assuraient autrefois.
La privatisation est utilisée pour transférer des services du secteur public au secteur privé, c’est le cas de la vente du système de navigation aérienne à Nav Canada. Les ententes de partenariat avec le secteur privé englobent des entreprises communautaires et des organismes non gouvernementaux (ONG). Les partenariats avec d’autres niveaux de gouvernement, comme ceux qui ont été conclus avec les gouvernements provinciaux pour la formation de la main-d’œuvre sont de plus en plus utilisés. Mentionnons également la création de nouveaux organismes de prestation de services, comme l’Agence canadienne d’inspection des aliments, qui regroupe les activités autrefois exercées par trois ministères, le projet d’établissement de l’Agence canadienne des parcs (projet de loi C-29 présenté au Parlement) et le projet de l’Agence canadienne des douanes et du Revenu.
Au sein du gouvernement fédéral, les nouveaux modes de prestation de services vont des organismes de services spéciaux (OSS) aux " guichets uniques " où plusieurs ministères offrent des services au public dans un même lieu. Le diagramme (Modes de prestation de services possibles) suivante illustre l’éventail des nouveaux modes de prestation de services possibles.
Objet et étendue
Le présent document a pour objet de fournir aux parlementaires des questions dont ils voudraient peut-être tenir compte pour l’évaluation des nouveaux modes de prestation de services. Ces questions découlent surtout de l’expérience des nouveaux modes de prestation de services et d’une revue de la documentation pertinente.
Le présent document porte sur les deux modes les plus courants :
- les organismes de services;
- les ententes de partenariat.
Le Parlement peut envisager les nouvelles initiatives de prestation de services aux étapes suivantes :
- Proposition — s’il faut légiférer, comme c’est le cas pour les organismes de services;
- Exploitation — la transition est passée et l’organisme est exploité depuis un certain nombre d’années.
À l’étape de la proposition, les principaux facteurs de succès dans le secteur public doivent être approfondis et bien articulés et tenir compte de toute opinion pertinente avant que les parlementaires en arrivent à l’étape importante de l’étude du projet de loi. Lorsque l’organisme est exploité et qu’il évalue et communique ses résultats, il doit indiquer dans quelle mesure il a atteint les objectifs.
Questions préliminaires
À l’étape de la proposition, les parlementaires voudront peut-être poser certaines questions fondamentales au sujet des nouveaux modes de prestation de services :
Justification du nouvel organisme de prestation de services
Le gouvernement devrait-il continuer à participer à l’activité en question? S’agit-il d’une fonction que seuls les gouvernements peuvent exécuter?
Si l’on tient compte des autres possibilités, comme la réglementation et les dépenses fiscales, le nouveau mode de prestation de services constitue-t-il le meilleur moyen de mettre en oeuvre le programme ou d’assurer le service?
Quels sont, en général, les avantages et les coûts qui, pour le gouvernement et les Canadiens, accompagnent le recours à un nouveau mode de prestation?
Évaluation des nouveaux modes de prestation de services
Lorsqu’on a décidé et convenu de recourir à un nouveau mode de prestation, on peut utiliser un certain nombre des facteurs généraux s’appliquant au secteur public pour en évaluer le succès. On s’attend qu’un organisme qui fonctionne bien 1) atteigne ses objectifs d’intérêt public, 2) rende des comptes, 3) soit transparent et 4) protège l’intérêt public.
- Atteindre ses objectifs. Le nouvel organisme devrait assurer de meilleurs services aux Canadiens, atteindre ses objectifs d’intérêt public sans incidences négatives indues, et ce de façon rentable Note de bas de page1.
- Rendre des comptes au Parlement. Lorsqu’il utilise des fonds publics et exerce des pouvoirs publics, le nouvel organisme doit veiller à prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre compte d’abord au ministre et, par son intermédiaire, au Parlement.
- Être transparent. Le nouvel organisme doit veiller à ce que l’information pertinente soit accessible au Parlement et au public.
- Protéger l’intérêt public. Le nouvel organisme doit servir l’intérêt public.
1. Atteindre ses objectifs
L’établissement d’un nouveau mode de prestation de services est habituellement lié au désir d’offrir un meilleur service à un coût abordable, auquel cas la conception de l’organisme doit refléter ces buts et faciliter leur atteinte. À la longue, l’organisme devrait atteindre ses objectifs et répondre à des attentes de rendement précises.
À l’étape de la proposition, on devrait aussi s’attendre à retrouver les éléments suivants :
Attentes de rendement claires
Les objectifs d’intérêt public du nouvel organisme et les attentes de rendement à son endroit sont-ils clairement énoncés, y compris les résultats escomptés, le moment où l’on escompte ces résultats et leur coût?
- L’organisme a-t-il formulé et rendu public un cadre stratégique pour orienter ses activités, y compris une vision, un énoncé de mission et des principes directeurs?
- Les objectifs généraux, qui expliquent le recours à des moyens du secteur public pour assurer le service, sont-ils clairement énoncés?
- Le moment où l’organisme doit atteindre des résultats précis dans la prestation des services et des programmes aux Canadiens est-il clair?
- A-t-on expliqué les mesures prévues pour assurer un meilleur service à un coût abordable? Par exemple :
- éliminer le chevauchement et le double emploi;
- adopter de nouvelles technologies;
- harmoniser les normes entre les gouvernements fédéral et provinciaux.
À l’étape de l’exploitation, on devrait s’attendre à constater ce qui suit :
Atteinte des objectifs et satisfaction par rapport aux attentes de rendement
Les objectifs sont-ils atteints de manière plus efficace?
- Le nouvel organisme a-t-il fourni de meilleurs services aux Canadiens?
- Le nouvel organisme a-t-il atteint ses objectifs d’intérêt public?
- A-t-on réduit les coûts? Ces réductions reposent-elles sur une bonne information qui établit et quantifie clairement les coûts principaux?
2. Rendre des comptes au Parlement de façon appropriée
Habituellement, les nouveaux organismes de services fonctionnent avec une autonomie et une souplesse plus grandes que celle de la structure traditionnelle du ministère. Par exemple, ils peuvent ne pas être soumis au régime de gestion des ressources humaines qui sont applicables aux ministères dans le reste de la fonction publique. Résultat : il faut établir avec particulièrement d’attention les mécanismes de reddition de comptes entre les ministres, le Parlement et les cadres supérieurs.
Pour que les mécanismes de reddition de comptes soient efficaces, il faut respecter un certain nombre d’exigences, qui peuvent être qualifiées de principes. Plus il est manifeste que ces principes sont appliqués, plus il est probable que les mécanismes de reddition de comptes sont efficaces. Les principes exposés ci-dessous englobent les caractéristiques des relations de responsabilisation qui semblent associées le plus souvent à la gestion axée sur les résultats, où les organismes apprennent continuellement de leur expérience.
Les propositions de nouveaux modes de prestation des services devraient refléter les principes suivants :
Rôles et responsabilités clairs
Les rôles et les responsabilités des parties en cause, y compris le ministre, sont-ils clairement définis? Le rôle du vérificateur général est-il clair?
- La relation du nouvel organisme avec le ministre, puis, par l’intermédiaire du ministre, avec le Parlement, est-elle claire?
- Dans le cas d’organismes de services :
- le rôle et le niveau décisionnel du conseil d’administration sont-ils clairement établis?
- les responsabilités du chef de la direction dans la gestion quotidienne sont-elles clairement énoncées
- existe-t-il des dispositions permettant de transmettre les volontés spécifiques du ministre au chef de la direction?
- Dans le cas d’ententes de partenariat, précise-t-on de façon adéquate les rôles et les responsabilités des parties en cause, et ceux-ci sont-ils clairs?
- Le rôle du vérificateur général est-il énoncé clairement?
Attentes et capacités équilibrées
La capacité d’effectuer le travail correspond-elle aux attentes?
- A-t-on des ressources et des pouvoirs suffisants (tant financiers qu’humains) ont-ils été accordés au nouvel organisme?
- Est-il probable que l’octroi aux organismes d’une plus grande souplesse en matière de gestion des ressources financières et humaines ou que l’acquisition d’une plus grande souplesse dans le cadre d’un partenariat améliore leur capacité de fournir les services et d’atteindre les objectifs?
- A-t-on suffisamment pris en considération la totalité des coûts de transition?
Mécanismes de rapport appropriés
A-t-on prévu des mécanismes de rapport appropriés pour que le nouvel organisme communique au Parlement de l’information sur les résultats qu’il a obtenus avec les fonds publics et les pouvoirs accordés?
- L’information que l’organisme est tenu de communiquer aux ministres et au Parlement dans des rapports annuels et dans des plans d’activités sur les attentes, les coûts et les résultats est-elle suffisante?
- Comment établira-t-on la crédibilité des rapports? Est-il nécessaire que le vérificateur général intervienne?
Processus d’examen et de redressement raisonnable
A-t-on instauré des mécanismes appropriés pour s’assurer que le nouveau mode de prestation reste le meilleur moyen d’obtenir les résultats souhaités?
- A-t-on prévu un processus approprié d’examen du nouveau mode de prestation, par exemple une disposition de temporisation?
À l’étape de l’exploitation, on s’attendrait à retrouver les éléments suivants :
Rapport crédible
Met-on rapidement à la disposition du Parlement des plans réalistes et des rapports de rendement crédibles au regard de ces plans?
- Les plans annuels décrivent-ils clairement ce qui doit être accompli par les organismes et au moyen des ententes de partenariat, à quel moment et à quel coût?
- Les rapports sur le rendement annuels fournissent-ils des éléments probants crédibles sur ce qui a été réellement accompli, et à quel coût?
Pour que la reddition de comptes au Parlement soit efficace, il faut aussi qu’il y ait en place des mécanismes appropriés pour assurer l’examen du rendement et apporter les mesures correctives nécessaires si le Parlement ou le gouvernement relève des problèmes et des faiblesses. On a décrit ces mécanismes comme le moyen de " boucler la boucle ". Ils comprennent l’examen minutieux des sommaires des plans d’activités et des rapports annuels des comités parlementaires.
3. Être transparent
Les nouveaux modes de prestation de services rompent avec la structure traditionnelle du ministère grâce à une plus grande autonomie et à une plus grande souplesse et ils supposent souvent de nouvelles ententes de partenariat et le désir de fonctionner davantage comme l’entreprise privée. Le Parlement et le public pourraient souhaiter que les nouveaux organismes soient transparents, ce qui permet d’améliorer la reddition de comptes et d’assurer une saine gestion publique. Les principes dont il a été question à la rubrique " Rendre des comptes " répondent à deux éléments principaux de la transparence :
- rôles et responsabilités clairs;
- communication d’information appropriée sur les plans et les réalisations.
De plus, on peut s’attendre à ce qui suit :
Transparence à l’égard du public sur des ententes conclues
Les ententes conclues avec ou par le nouvel organisme de prestation de services sont-elles suffisamment transparentes pour le Parlement et pour le public?
- Existe-t-il des procédures claires pour assurer la transparence des rapports et des ententes conclues? Les règles d’accès à l’information s’appliquent-elles?
- La transparence de l’organisme est-elle limitée par des questions particulières de confidentialité ou par l’intérêt de tierces parties?
4. Protéger l’intérêt public
Les nouveaux organismes, tout en recherchant un mode de fonctionnement plus souple, plus efficient et semblable à l’entreprise privée, doivent répondre aux objectifs d’intérêt public et être exploités dans le domaine public. À notre avis, l’intérêt public tient à trois aspects de la conception et l’exploitation des nouveaux organismes: une orientation appropriée sur les objectifs d’intérêt public, le maintien des valeurs de la fonction publique et un contrôle suffisant des fonds et des biens publics.
Répondre aux objectifs d’intérêt public
Le nouvel organisme met-il toujours l’accent sur les objectifs d’intérêt public?
- Pour le nouvel organisme, a-t-on tenu entièrement compte des objectifs d’intérêt public, notamment de l’exigence, pour l’ensemble du gouvernement, d’utiliser la plus grande souplesse que lui procure un mode de fonctionnement semblable à l’entreprise privée?
Valeurs de la fonction publique
Est-ce que le nouvel organisme respecte les valeurs de la fonction publique? Les utilisateurs de service reçoivent-ils un traitement juste et équitable?
- L’organisme administre-t-il les services publics d’une manière qui respecte l’impartialité, la justice et l’équité, compte tenu du fait qu’on le presse de fonctionner davantage comme l’entreprise privée?
- L’organisme respecte-t-il les lois et les règlements à l’égard des ministres et des services rendus au public?
- En agissant dans l’intérêt public, l’organisme répond-il à des normes élevées, notamment par l’offre d’un service professionnel, apolitique et fondé sur le mérite?
- Ces valeurs ont-elles été énoncées de façon claire et crédible par l’organisme de prestation de services?
Contrôle des fonds et des biens publics
L’organisme exerce-t-il un contrôle suffisant des fonds publics? Le gouvernement a-t-il optimisé ses ressources, reçu un juste prix lorsqu’il a cédé des éléments d’actif?
- A-t-on énoncé clairement et de façon crédible les changements apportés aux contrôles?
- Le nouvel organisme bénéficie-t-il d’une souplesse plus grande que les ministères quant à la gestion et au contrôle financiers? Les nouvelles mesures de contrôle sont-elles efficaces?
- Les fonds et les biens publics sont-ils protégés, y compris la vente de tout bien public?
Conclusion
Le présent document fait ressortir plusieurs questions qu’il faut prendre en considération dans le cas des nouveaux modes de prestation des services. Les facteurs abordés sont proposés aux parlementaires en tant que moyens d’évaluer les nouveaux modes de prestation de services.
Références choisies — Pour en savoir davantage sur les nouveaux mécanismes de prestation des services
Aucoin, Peter, 1995, The New Public Management: Canada in Comparative Perspective, Institute for Research on Public Policy; voir les chapitres 6 à 9.
Bureau du Conseil privé, 1996, Rapport du Groupe de travail sur les modèles de prestation de service.
Ford, Robin et David Zussman, 1997, La prestation de rechange des services : pour une gouvernance partagée au Canada, KPMG Centre for Government et Institut d’administration publique du Canada.
Lindquist, Evert et T. Sica, 1995, Canadian Governments and the Search for Alternative Program Delivery and Financing : A Preliminary Survey, KPMG Centre for Government et l’Institut d’administration publique du Canada.
Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, 1996, Le gouvernement fédéral en tant que " partenaire " : les six étapes d’une collaboration réussie.
Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, 1995, Cadre d’examen des différents modes d’exécution des programmes.
Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et le Bureau du vérificateur général du Canada, 1994, Rapport d’étape sur les organismes de services spéciaux : rapport final.
Seidle, Leslie, 1995, Rethinking the Delivery of Public Services to Citizens, Institute for Research on Public Policy; voir les chapitres 4, 6 et 7.
The Alternative Network, bimensuel sur les nouveaux modes de prestation, une initiative conjointe de l’Institut d’administration publique du Canada, du KPMG Centre for Government Foundation et du Centre for the Study of State and Market, Faculté de droit, Université de Toronto.
1 La rentabilité peut s'améliorer si le même service est fourni à un moindre coût ou si un meilleur service est fourni au même coût. Cependant, il est courant de s'attendre aux deux types d'améliorations de la part des nouveaux organismes. Retour à la référence 1