Rapports de mars 2021 de la vérificatrice générale du Canada

Déclaration d’ouverture au Comité permanent des comptes publics

Rapports de mars 2021 de la vérificatrice générale du Canada

Le 13 avril 2021

Karen Hogan, Comptable professionnelle agrééeCPA, Comptable agrééeCA
Vérificatrice générale du Canada

Madame la présidente, j’ai le plaisir de vous présenter nos rapports d’audit, qui ont été déposés à la Chambre des communes le 25 mars dernier. Je suis accompagnée de Carol McCalla, Philippe Le Goff, Chantal Richard, Jo Ann Schwartz et Nicholas Swales, les directeurs principaux qui étaient responsables des audits.

Les rapports présentés sont les premiers audits de mon bureau sur la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID‑19. Nous ferons d’autres audits sur ce sujet. J’ai aussi transmis au Parlement notre rapport sur le plan Investir dans le Canada.

Il ne fait aucun doute que la pandémie de COVID‑19 a déclenché une situation d’urgence à l’échelle mondiale. Les gouvernements ont dû se mobiliser pour répondre rapidement aux répercussions sociales, économiques et de santé publique de la pandémie. Le Canada n’a pas fait exception.

Nous avons constaté que le gouvernement n’était pas aussi prêt qu’il aurait pu l’être pour affronter une pandémie de cette envergure. Malgré cela, la fonction publique s’est mobilisée, elle a mis la priorité sur les besoins de la population canadienne et elle a livré rapidement soutien et services. Nous n’avons pas noté cette même mentalité axée sur le service et la coordination interministérielle pendant notre audit du plan Investir dans le Canada. C’est de cet audit que je vais vous parler en premier.

Le plan Investir dans le Canada est important parce que le gouvernement investit 188 milliards de dollars pour stimuler la croissance économique à long terme, renforcer la résilience des collectivités, encourager la transition vers une économie verte et améliorer l’inclusion sociale et les résultats socioéconomiques pour l’ensemble de la population canadienne.

Infrastructure Canada n’est pas en mesure de présenter un portrait complet des résultats atteints et des progrès réalisés en lien avec le plan Investir dans le Canada. Nous avons constaté que les rapports préparés par le Ministère excluent près de la moitié de l’investissement du gouvernement parce qu’ils ne tiennent pas compte de plus de 92 milliards de dollars engagés avant que le plan ne soit lancé en 2016. De plus, les rapports d’Infrastructure Canada faisaient état de seulement certains programmes chaque année, de sorte que les résultats ne pouvaient être comparés d’une année à l’autre. Le manque d’uniformité dans les renseignements fournis par les organisations fédérales partenaires a aussi eu une incidence sur la clarté des rapports préparés par le Ministère. En l’absence de rapports clairs et exhaustifs sur le plan Investir dans le Canada, il est difficile pour les parlementaires et les Canadiens de savoir si des progrès surviennent, compte tenu les objectifs visés.

Les problématiques qui touchent le plan Investir dans le Canada ne sont pas nouvelles. Nous avons observé ce genre de problèmes dans de nombreux audits passés dans des domaines qui exigent une collaboration entre ministères ou entre différentes instances, comme les dossiers autochtones ou les changements climatiques. Cet audit illustre encore une fois l’importance pour le gouvernement de passer aux actes pour régler des problèmes connus soit, dans le cas de cet audit, le besoin de collaboration élargie et de rapports clairs sur les résultats découlant de cette vaste initiative.

À l’inverse, nous observé de la souplesse au cours de nos audits de la réponse du gouvernement à la COVID‑19. Je vais parler d’abord de la Prestation canadienne d’urgence. Le gouvernement voulait utiliser cette prestation pour fournir rapidement un soutien financier aux particuliers admissibles.

Nous avons constaté que le ministère des Finances Canada, Emploi et Développement social Canada et l’Agence du revenu du Canada avaient relevé le défi et travaillé rapidement pour analyser, concevoir et verser la Prestation canadienne d’urgence.

Pour simplifier le processus et accélérer le versement des prestations aux particuliers, Emploi et Développement social Canada et l’Agence du revenu du Canada ont décidé de s’appuyer sur les attestations personnelles et sur les contrôles automatisés préalables au paiement pour valider l’admissibilité des demandeurs. Une fois la prestation lancée, le Ministère et l’Agence ont introduit d’autres contrôles préalables au paiement pour limiter les abus éventuels.

Vu la décision de s’appuyer sur les attestations personnelles, les vérifications après paiement deviennent très importantes. Emploi et Développement social Canada et l’Agence du revenu du Canada comptent entreprendre plus tard cette année leurs travaux de vérification après paiement se rapportant à la Prestation canadienne d’urgence. Ces travaux feront l’objet d’un prochain audit.

Passons maintenant à notre audit de la Subvention salariale d’urgence du Canada. Dans cet audit, nous avons relevé un désir semblable d’apporter une aide rapide, dans ce cas aux entreprises. Le ministère des Finances Canada et l’Agence du revenu du Canada ont encore une fois travaillé ensemble dans des délais serrés pour appuyer la conception et le lancement du programme de la Subvention salariale d’urgence du Canada.

La conception et le lancement de la subvention ont fait ressortir des faiblesses préexistantes dans les systèmes, les méthodes et les données de l’Agence du revenu du Canada. Ces faiblesses devront être réglées pour accroître la robustesse du régime fiscal canadien. Afin d’accorder la priorité au versement de la subvention, l’Agence a pris des décisions quant aux renseignements qu’elle demanderait et aux contrôles qu’elle exercerait au préalable. Par exemple, l’Agence a décidé qu’elle ne demanderait pas aux employeurs de fournir le numéro d’assurance sociale de leurs employés, même si ce renseignement aurait pu l’aider à prévenir le dédoublement des demandes de soutien financier. Cette décision, de même que l’absence de données fiscales complètes et à jour, a limité la capacité de l’Agence à entreprendre les validations préalables au paiement qui lui auraient permis d’évaluer efficacement les demandes de subvention.

Je vais passer maintenant à notre dernier audit, qui a porté sur la préparation en cas de pandémie, la surveillance et les mesures de contrôle aux frontières.

Nous avons constaté que l’Agence de la santé publique du Canada n’était pas aussi bien préparée qu’elle aurait pu l’être pour faire face à la pandémie de COVID‑19. Les plans d’urgence et d’intervention n’étaient pas tous à jour ni testés, et les ententes d’échange de données avec les provinces et les territoires n’étaient pas finalisées.

L’Agence s’est fiée à un outil d’évaluation des risques en phase pilote qui n’était pas conçu pour évaluer le risque de pandémie. L’Agence a continué à évaluer ce risque comme étant « faible » malgré la hausse du nombre de cas de COVID‑19 au Canada et dans le monde. De plus, le Réseau mondial d’information en santé publique n’a pas diffusé d’alerte relative au virus responsable de la COVID‑19.

Je suis découragée de constater que l’Agence de la santé publique du Canada n’a pas agi pour régler des problèmes de longue date, dont certains ont été signalés à plusieurs reprises depuis plus de deux décennies. Ces problèmes ont eu des répercussions négatives sur l’échange de données de surveillance entre l’Agence et les provinces et territoires. L’Agence a pris des mesures en lien avec certains de ces problèmes durant la pandémie, mais il lui reste encore beaucoup de travail à faire sur les ententes d’échange de données et sur son infrastructure de technologies de l’information pour mieux soutenir la surveillance nationale des maladies à l’avenir.

Nous avons aussi constaté que l’Agence de la santé publique du Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada avaient mis en œuvre des restrictions aux frontières et des mesures de mise en quarantaine. Elles ont fourni des directives et des outils aux voyageurs et aux travailleurs essentiels entrant au pays pour les informer des exigences en matière de santé publique. Toutefois, l’Agence de la santé publique du Canada n’avait pas envisagé ou planifié une quarantaine nationale, en commençant par la collecte d’information auprès des voyageurs jusqu’à toute la gamme des contrôles de conformité, y compris les suivis auprès de personnes signalées comme étant à risque de ne pas respecter la quarantaine. Par conséquent, l’Agence ne sait pas si la majorité des voyageurs ont bien respecté les mesures de quarantaine.

Ces audits ont examiné des programmes qui ont été mis en œuvre en un temps record. En pleine pandémie, la fonction publique a mis l’accent sur le besoin pressant : aider la population canadienne. En une année, la pandémie a montré que quand la fonction publique doit agir, la fonction publique peut agir.

Cette crise a fait ressortir l’importance d’agir rapidement pour régler les problèmes connus, qu’il s’agisse de s’entendre sur quelle organisation sera la première responsable, qui fera quoi à quel moment, qui rendra compte de quoi à qui, ou encore de remplacer des systèmes ou des méthodes de travail dépassés ou d’améliorer la qualité des données. On veut éviter d’avoir à se pencher sur ce genre de problèmes quand on s’efforce en même temps d’aider les gens, et ce, parce que ce n’est pas une façon efficace de travailler ou de servir les Canadiens et les Canadiennes. Les organisations gouvernementales doivent faire mieux au plan de la collaboration.

Madame la présidente,  je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous sommes maintenant heureux de répondre aux questions. Merci.