ArriveCAN

Déclaration d’ouverture devant le Comité permanent des comptes publics

ArriveCAN

(Rapport 1 — Rapports de la vérificatrice générale du Canada de 2024)

Le 13 février 2024

Karen Hogan, Fellow comptable professionnelle agrééeFCPA
Vérificatrice générale du Canada

Monsieur le Président, je suis heureuse d’être ici aujourd’hui pour discuter de notre rapport d’audit sur l’application ArriveCAN qui a été déposé hier à la Chambre des communes. Je tiens à souligner que nous nous trouvons sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinaabe. Je suis accompagnée aujourd’hui de Andrew Hayes, le sous‑vérificateur général, et de Sami Hannoush et Lucie Després, qui étaient responsables de l’audit.

Dans le cadre de notre audit de l’application ArriveCAN, nous avons examiné comment l’Agence des services frontaliers du Canada, l’Agence de la santé publique du Canada et Services publics et Approvisionnement Canada avaient géré l’acquisition et la mise en œuvre de l’application, et si ces organisations avaient dépensé les fonds publics en tenant compte de la valeur qui en résulterait.

Je vais vous présenter nos constatations, mais avant, je dois dire que je suis profondément préoccupée par ce que cet audit n’a pas révélé. Nous n’avons pas trouvé de dossiers montrant clairement ce qui avait été dépensé ni l’objet de ces dépenses, qui avait fait le travail, ou encore le comment et le pourquoi des décisions prises relativement à la passation des marchés. Ces traces documentaires auraient dû exister. Dans l’ensemble, cet audit révèle un non-respect flagrant des pratiques élémentaires en matière de gestion et de passation de marchés et ce, tout au long du développement de l’application ArriveCAN et de sa mise en œuvre.

Si les organisations gouvernementales ont dû faire preuve de souplesse et réagir rapidement pour répondre à la pandémie de COVID‑19, elles étaient quand même tenues de documenter leurs décisions et de faire un usage prudent des fonds publics. Or notre audit a révélé des échecs et des lacunes graves dans tout ce que nous avons examiné.

La plus inquiétante de nos constatations, c’est que l’Agence des services frontaliers du Canada n’avait pas de dossiers financiers complets et exacts. L’absence de cette information nous a empêché de calculer le coût précis de l’application ArriveCAN. En recoupant le peu d’information qui se trouvait dans les dossiers, nous avons estimé que l’application avait coûté environ 59,5 millions de dollars.

La confusion s’est installée très tôt. Nous avons constaté qu’entre avril 2020 et juillet 2021, l’Agence de la santé publique et l’Agence des services frontaliers ne s’étaient pas consultées pour cerner leurs responsabilités respectives pour ArriveCAN. À défaut d’avoir ainsi tracé les lignes, ni une agence ni l’autre n’a élaboré ou mis en œuvre de bonnes pratiques de gestion de projet, par exemple fixer des buts et objectifs et établir des budgets et des estimations de coûts.

Dans notre examen des pratiques suivies pour passer les marchés, nous avons recensé peu de documents pour montrer comment et pourquoi l’Agence des services frontaliers avait eu recours à un processus non concurrentiel et attribué à l’entreprise GC Strategies le premier contrat en lien avec l’application ArriveCAN. Un seul entrepreneur potentiel avait soumis une proposition, mais il ne s’agissait pas de GC Strategies.

Autre fait préoccupant : des éléments probants nous ont indiqué que GC Strategies avait participé à l’élaboration des exigences que l’Agence a utilisées lorsqu’elle a eu recours à un processus concurrentiel pour attribuer un contrat de 25 millions de dollars visant des travaux relatifs à l’application ArriveCAN. Ces exigences étaient très précises et restrictives, et GC Strategies s’est retrouvé en position avantageuse par rapport à d’éventuels autres soumissionnaires.

Nous avons aussi relevé de nombreuses lacunes dans la gestion des contrats par l’Agence des services frontaliers du Canada. Des renseignements essentiels manquaient dans les contrats, comme un énoncé clair des livrables attendus et des compétences exigées de la main‑d’œuvre. En examinant les factures approuvées par l’Agence, nous avons constaté qu’il manquait souvent de l’information sur la nature des travaux effectués et sur qui les avaient faits. C’est en grande partie pourquoi nous avons conclu qu’il n’y avait pas eu un souci de la valeur qui serait retirée de l’argent dépensé.

Finalement, nous n’avons trouvé aucune preuve pour indiquer que des employés de l’Agence des services frontaliers du Canada avaient déclaré les invitations à des activités privées qu’ils avaient reçues de la part d’entrepreneurs. Cette déclaration est exigée par le code de conduite de l’Agence. Ce manquement a créé une perception ou un risque important de conflit d’intérêts ou de partialité des décisions en matière d’approvisionnement.

Les fonctionnaires doivent toujours faire preuve de transparence et rendre des comptes aux Canadiennes et Canadiens sur leur gestion des fonds publics. Une situation d’urgence ne veut pas dire qu’on peut soudainement ignorer toutes les règles établies ou que les ministères et organismes ne sont plus tenus de documenter leurs décisions ou de tenir des dossiers complets et exacts.

Comme je l’ai dit il y a quelques instants, je considère que l’audit d’ArriveCAN démontre un non-respect flagrant des pratiques de gestion élémentaires, de sorte que bien des questions que posent les parlementaires et la population canadienne au sujet de cette application restent sans réponse. Le manque de renseignements pour appuyer les dépenses et les décisions liées à ArriveCAN a compromis la reddition de comptes.

Monsieur le Président, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serions heureux de répondre aux questions des membres du comité. Merci.