Rapports de la vérificatrice générale du Canada sur les questions Autochtones

Déclaration d’ouverture au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones

Rapports de la vérificatrice générale du Canada sur les questions Autochtones

Le 23 novembre 2022

Karen Hogan, Fellow Comptable professionnelle agrééeFCPA, Fellow Comptable agrééeFCA
Vérificatrice générale du Canada

Monsieur le Président, je vous remercie de donner l’occasion de discuter des récents rapports que nous avons présentés au Parlement, ainsi que des audits en cours et prévus. Je tiens d’abord à reconnaître que cette audience se déroule sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinaabe. Je suis accompagnée aujourd’hui de Glenn Wheeler, directeur principal, qui audite les questions autochtones depuis plus d’une décennie.

Mon bureau a audité des questions importantes pour les Autochtones depuis des décennies et nous avons souligné à plusieurs reprises la disparité des résultats pour les peuples autochtones du Canada. Par exemple, depuis 2015 seulement, nous avons présenté des rapports sur les services de santé, le soutien aux revendications territoriales, la réinsertion des délinquantes et des délinquants au sein de la société, les programmes d’emploi, la salubrité de l’eau potable et le soutien offert aux collectivités autochtones pendant la pandémie de COVID‑19.

La semaine dernière, nous avons présenté au Parlement un rapport d’audit sur la gestion des urgences dans les collectivités des Premières Nations. Tout comme lors de notre audit de 2013 à ce sujet, nous avons conclu que Services aux Autochtones Canada n’avait pas fourni à ces collectivités le soutien dont elles avaient besoin pour gérer les urgences comme les inondations et les feux de forêt. La fréquence et l’intensité de ces urgences d’origine naturelle ne cessent d’augmenter.

Nous avons constaté que les mesures prises par le Ministère visaient plutôt à réagir aux urgences qu’à les prévenir. Malgré les nombreux projets d’infrastructure cernés par les collectivités des Premières Nations qui permettraient d’atténuer les répercussions des situations d’urgence, le Ministère avait un arriéré de 112 projets qu’il avait approuvés, mais qu’il n’avait pas financés.

Les dépenses de Services aux Autochtones Canada liées aux activités d’intervention en situation d’urgence et de rétablissement étaient trois fois et demie plus élevées que les dépenses visant à aider les collectivités à s’y préparer ou à en atténuer les répercussions. En dépit de notre recommandation faite en 2013, le Ministère n’avait toujours pas recensé les collectivités des Premières Nations ayant le plus besoin de soutien pour renforcer leur capacité à se préparer aux situations d’urgence. Jusqu’à ce que le Ministère se concentre sur la prévention et l’investissement dans les infrastructures, les collectivités sont susceptibles de continuer à subir des répercussions plus marquées des situations d’urgence.

Je souhaite également attirer l’attention du Comité sur deux rapports que nous avons présentés en 2021. Ils portaient sur la salubrité de l’eau potable et sur les ressources en santé pour les collectivités autochtones pendant la pandémie de COVID‑19.

L’accès à une eau potable est essentiel à la vie. Or, dans un grand nombre des collectivités des Premières Nations, dont il y en a plus de 600 au Canada, l’accès à l’eau potable pose un problème persistant. La mise en œuvre d’une solution durable qui permettrait aux collectivités des Premières Nations partout au pays d’avoir accès à une source fiable d’eau potable est un élément important de la réconciliation.

En 2015, le gouvernement fédéral a promis de mettre fin à tous les avis à long terme sur la qualité de l’eau potable touchant les réseaux publics d’approvisionnement en eau dans les réserves des Premières Nations avant le 31 mars 2021. Notre rapport d’audit a été présenté à l’approche de cette date limite, six ans après cette promesse. Nous avons été déçus de constater que 60 de ces avis à long terme demeuraient en vigueur dans 41 collectivités des Premières Nations. Près de la moitié des avis étaient en vigueur depuis plus d’une décennie. Certains avis à long terme ont été levés grâce à des mesures provisoires, mais les déficiences sous-jacentes n’ont pas été corrigées, et souvent la mise en œuvre de solutions à long terme n’était pas envisagée avant plusieurs années.

Nous avons constaté que les efforts de Services aux Autochtones Canada avaient été limités par une politique désuète et une formule de financement datant d’il y a trente ans pour assurer le fonctionnement et l’entretien des réseaux publics d’approvisionnement en eau. Tant que la formule ne sera pas actualisée, il sera difficile de savoir si des fonds supplémentaires suffiront à répondre aux besoins en matière d’infrastructures d’approvisionnement en eau des collectivités des Premières Nations.

Dans notre autre audit de 2021, nous avons constaté que Services aux Autochtones Canada avait adapté rapidement ses interventions pour répondre aux besoins supplémentaires en matière de soins de santé des collectivités des Premières Nations pendant la pandémie de COVID‑19. Le Ministère a agi afin d’élargir l’accès à l’équipement de protection individuelle ainsi qu’au personnel infirmer et ambulancier. Les collectivités ont reçu l’équipement demandé auprès du Ministère dans un délai de 10 jours en moyenne. Même si Services aux Autochtones Canada n’a pas été en mesure de répondre à plus de la moitié des demandes de personnel infirmier et ambulancier supplémentaire sous contrat pour lutter contre la COVID‑19, dans l’ensemble, le soutien du Ministère a aidé les collectivités et les organisations autochtones à faire face à la pandémie.

La semaine passée, j’ai présenté au Parlement un rapport sur l’itinérance chronique. Cet audit a permis de démontrer que le gouvernement ne savait pas si les efforts et les investissements faits jusqu’alors avaient permis d’améliorer les conditions de logement des personnes et des groupes vulnérables en situation d’itinérance ou d’itinérance chronique. Selon moi, cela montre qu’il est encore plus important de répondre aux besoins en matière de logement de toute la population canadienne, y compris les peuples autochtones. Nous sommes aux premières étapes de la planification d’un audit qui portera sur les besoins en matière de logement des Premières Nations, un secteur que nous avons examiné la dernière fois en 2003.

Mon bureau est également l’auditeur législatif des trois territoires du Nord du Canada. Nous présentons régulièrement des rapports à chaque assemblée législative. Nos audits des territoires visent souvent des programmes qui concernent les peuples autochtones. À titre d’exemple, en 2021 et en 2022, nous avons examiné les services correctionnels au Nunavut, les services de prévention et de traitement des dépendances dans les Territoires du Nord‑Ouest, et les services de logement et de santé mentale au Yukon. L’an prochain, nous présenterons un rapport sur le sujet important des services à l’enfance et à la famille à l’Assemblée législative du Nunavut.

En 2011, Sheila Fraser, à la fin de son mandat en tant que vérificatrice générale du Canada, a employé le mot « inacceptable » pour résumer son impression des mesures prises par le gouvernement après 10 ans d’audits et de recommandations connexes sur les enjeux touchant les Premières Nations. Cinq ans plus tard, Michael Ferguson, mon prédécesseur, a qualifié la situation de « plus qu’inacceptable ». Aujourd’hui, plusieurs décennies d’audits ont montré que les programmes et les engagements du gouvernement n’ont pas servi les peuples autochtones du Canada, et ce, de nombreuses fois. Il me paraît évident que les discours fermes ne suffisent pas pour opérer un changement — il faut prendre des mesures concrètes pour corriger ces problèmes de longue date, et le gouvernement doit être tenu responsable de ses actes.

Mon bureau continuera d’auditer ces questions parce qu’elles sont importantes. Nous travaillons maintenant à recenser les secteurs d’audit qui apporteront la plus grande valeur aux parlementaires. Nous serons heureux d’avoir l’occasion de collaborer avec le Comité.

Monsieur le Président, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité. Merci.