Les forêts et les changements climatiques

Déclaration d’ouverture au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts

Les forêts et les changements climatiques

(Rapport 1 — Rapports de 2023 du commissaire à l’environnement et au développement durable)

Le 15 juin 2023

Jerry V. DeMarco
Commissaire à l’environnement et au développement durable

Merci, Monsieur le Président. Nous sommes heureux de comparaître devant votre comité dans le cadre de son étude sur l’état de la santé des sols au Canada. Je tiens à reconnaître que cette audience se déroule sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinaabe. Je suis accompagné de Marie‑Pierre Grondin, qui était responsable de notre rapport sur les forêts et les changements climatiques dont il sera question ce matin.

J’aimerais également souligner que nous avons récemment commencé nos travaux concernant un audit sur l’agriculture et les changements climatiques, qui portera sur l’atténuation des changements climatiques et l’agriculture et qui pourrait sans doute intéresser votre comité.

Notre rapport d’audit d’avril 2023, intitulé « Les forêts et les changements climatiques », porte sur la conception et la mise en œuvre du programme 2 milliards d’arbres et sur la façon dont le Canada fait le suivi des émissions de gaz à effet de serre provenant des forêts.

Le gouvernement fédéral a lancé le programme 2 milliards d’arbres pour lutter contre les changements climatiques, améliorer la biodiversité et favoriser le bien‑être humain. Dans le cadre du programme, des arbres seront plantés partout au Canada, notamment sur des terres publiques, des terres autochtones, dans des municipalités et sur des terres privées, comme des fermes. Les coûts de la majorité des activités de plantation d’arbres sont partagés avec les partenaires; toutefois, certains groupes, comme les partenaires autochtones, recevront également des subventions pour soutenir le renforcement des capacités, souvent sans l’obligation de partager les coûts.

Même si Ressources naturelles Canada a presque atteint son objectif de planter 30 millions d’arbres en 2021, il a manqué de beaucoup son objectif pour 2022, soit la plantation de 60 millions d’arbres. Le Ministère n’avait toujours pas signé d’accords de projet à long terme avec les provinces ou les territoires, qui devaient recevoir près de 70 % de tous les fonds du programme. Les retards dans la signature des accords avec les partenaires ont non seulement entravé considérablement la capacité du Ministère à planter le nombre d’arbres qu’il avait prévu pour 2022, mais ils auront également une incidence sur les années subséquentes, pour lesquelles des objectifs encore plus ambitieux ont été établis. Compte tenu des premiers résultats enregistrés en matière de plantation d’arbres et de la difficulté d’établir des partenariats, il est peu probable que le programme 2 milliards d’arbres atteigne ses objectifs, à moins que des changements importants soient apportés.

Depuis la fin de la période visée par notre audit, nous comprenons que certains progrès ont été réalisés en ce qui concerne la signature d’accords supplémentaires, mais il reste du travail à faire pour que le programme atteigne l’objectif de plantation de deux milliards d’arbres d’ici 2031. Même si cet objectif est atteint, les cibles initiales du programme relatives à la séquestration du carbone d’ici 2030 et 2050 ne seront pas atteintes.

De plus, dans sa conception du programme, le Ministère n’avait pas défini d’éléments de financement propres à la restauration des habitats pour tous les volets de financement. Cela a conduit à des occasions manquées de renforcer la biodiversité et les bienfaits à long terme liés la restauration des habitats. Par exemple, pendant la saison de plantation de 2021, Ressources naturelles Canada avait financé plus de 270 sites en monoculture, ce qui représentait 14,4 % du total des arbres plantés. Les plantations en monoculture séquestrent effectivement le carbone et pourraient convenir dans certains habitats. Cependant, dans la grande majorité des circonstances, ce type de plantation ne favorise pas la biodiversité et ne produit pas d’autres bienfaits pour l’environnement et le bien‑être humain au même titre que les plantations diversifiées.

Au-delà du programme 2 milliards d’arbres, Ressources naturelles Canada, en collaboration avec Environnement et Changement climatique Canada, n’avait pas fourni de vue d’ensemble claire et complète du rôle des forêts canadiennes par rapport aux émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, les estimations des émissions variaient considérablement dans les rapports au fil des ans en raison des recalculs découlant des changements apportés aux données, ce qui modifiait la présentation des forêts comme une source nette d’émissions plutôt qu’un moyen de capter les émissions.

Nous avons constaté un manque de transparence à l’égard des effets des activités humaines et des perturbations naturelles sur les émissions des forêts. Plus précisément, les rapports des ministères sur les effets des changements apportés à la gestion forestière sur les émissions étaient incomplets. Les activités de gestion forestière, comme la coupe à blanc, la coupe partielle, le brûlage à plat et la création de réserves pour la biodiversité, n’avaient pas fait l’objet de rapports clairs ou distincts. En outre, les forêts du Canada deviennent une source nette d’émissions en raison des feux de forêt et des perturbations causées par les insectes. Par exemple, en 2018, les émissions attribuables aux feux de forêt et aux perturbations causées par insectes ont ajouté 26 % aux émissions de gaz à effet de serre du Canada, mais il n’était pas obligatoire de les inclure dans les rapports sur les quantités totales. En raison de ce manque de transparence et de l’absence de rapports exacts, il est très difficile pour les décisionnaires de prendre des décisions éclairées et pour la population canadienne de demander des comptes au gouvernement.

Monsieur le Président, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serions heureux de répondre aux questions des membres du Comité. Merci.