Mai 2022 Document de recherche sur la présentation d’informations financières liées au climat

Commissaire à l’environnement et au développement durableDocument de recherche sur la présentation d’informations financières liées au climat

Document de recherche
Table des matières

Résumé

La transition vers une économie à faibles émissions de carbone requiert la présentation d’informations financières liées au climat par les entités, comme les entreprises, les régimes de retraite et les organisations gouvernementales. Pour qu’une telle présentation soit efficace, elle doit s’inscrire à l’intérieur d’un cadre d’application générale qui facilite la comparaison des données et qui donne accès à des informations transparentes et pertinentes aux investisseurs et aux parties prenantes.

Plusieurs cadres ont été conçus ces dernières années et continuent à évoluer. De nouveaux cadres inspirés des précédents devraient aussi voir le jour. Devant la diversité de cadres qui s’offrent désormais aux entités déclarantes, le gouvernement du Canada a reconnu la nécessité d’adopter un cadre commun pour la présentation de l’information. En décembre 2021, il s’est engagé à travailler en collaboration avec les provinces et les territoires afin de soutenir la transition vers la communication obligatoire d’informations financières liées au climat. Il s’est aussi engagé à exiger que les institutions sous réglementation fédérale, les régimes de retraite et les organismes gouvernementaux présentent des informations financières liées au climat.

Au moment où de plus en plus d’entités choisissent d’utiliser des cadres mondiaux volontaires pour la présentation de l’information, comme celui recommandé par le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques, établi par le Conseil de stabilité financière, le Canada a reconnu que l’obligation de communiquer l’information accélérera le processus d’adoption d’un cadre commun en la matière, améliorera la qualité et la comparabilité des informations présentées et, par le fait même, leur transparence.

Diverses initiatives sont en cours au Canada pour améliorer la présentation d’informations financières liées au climat. Toutefois, le Canada accuse un retard par rapport aux pays qui font figure de précurseurs en matière de réglementation dans ce domaine. Étant donné l’interconnexion des marchés financiers et des économies, et l’importance de s’attaquer efficacement à la crise climatique, le Canada ne peut pas se permettre d’être un retardataire à ce chapitre. En raison de la nature décentralisée des cadres réglementaires régissant la présentation d’informations financières de façon générale, les provinces et les territoires étant responsables de la réglementation des valeurs mobilières au sein de leurs administrations respectives, le Canada doit agir pour remédier au manque de transparence, aux incohérences et au problème de qualité des informations financières liées au climat. Il appuiera ainsi la vision de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone et l’atteinte de ses cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

La présentation d’informations financières liées au climat est l’un des outils permettant de renforcer la transparence à l’égard des répercussions des changements climatiques sur les entreprises et d’autres entités. Ces informations peuvent éclairer le processus décisionnel des investisseurs et des gestionnaires de fonds. L’utilisation d’autres outils complémentaires à la présentation d’informations financières liées au climat peut aussi améliorer la transparence, par exemple une taxonomie pour classifier les activités économiques selon leur viabilité écologique. D’un point de vue plus général, il est aussi possible d’appliquer d’autres mécanismes, comme la tarification du carbone, afin de veiller à ce que les coûts pour la société et l’environnement soient pris en compte dans les décisions financières.

Par ailleurs, la présentation d’informations financières liées au climat et les outils connexes de lutte contre les changements climatiques devront aussi être élargis de façon à couvrir d’autres aspects des crises écologiques actuelles, dont la conservation de la biodiversité.

Introduction

Contexte

Le Canada s’est engagé à s’attaquer à la crise climatique au moyen d’un ensemble de mesures, notamment la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % à 45 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. Il s’est également engagé à atteindre la carboneutralité d’ici 2050.

En juin 2021, la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité est entrée en vigueur. Cette loi établit un processus juridiquement contraignant pour fixer des cibles nationales quinquennales de réduction des émissions pour 2030, 2035, 2040 et 2045 et donne suite à l’engagement pris par le gouvernement du Canada à légiférer sur l’atteinte de la cible canadienne de zéro émission nette de gaz à effet de serre d’ici 2050. La Loi requiert en outre que, pour chaque cible nationale en matière d’émissions, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique fasse déposer devant le Parlement :

La Loi exige que le commissaire à l’environnement et au développement durable examine la mise en œuvre des mesures entreprises par le gouvernement pour atténuer les changements climatiques, et en fasse rapport. La Loi exige par ailleurs que le ministre des Finances prépare un rapport annuel portant sur les principales mesures entreprises par l’administration publique fédérale afin de gérer son exposition aux risques financiers liés aux changements climatiques et de profiter des occasions offertes.

En décembre 2021, le premier ministre du Canada a remis des lettres de mandat aux ministres fédéraux à la suite de l’élection. Dans les lettres adressées à la vice‑première ministre et ministre des Finances et au ministre de l’Environnement et du Changement climatique, le premier ministre a énoncé l’objectif commun de « travailler avec les provinces et territoires pour rendre obligatoire la divulgation de renseignements financiers liés au climat, en se fondant sur le cadre établi par le Groupe de travail sur les divulgations financières liées au climat ». La lettre de mandat enjoint également aux ministres « [d’]exiger des établissements sous réglementation fédérale, y compris les institutions financières, les régimes de retraite et les organismes gouvernementaux, qu’ils publient les renseignements financiers liés au climat et aux plans de carboneutralité ». Ces engagements montrent que la lutte contre les changements climatiques est un enjeu de plus en plus prioritaire au Canada.

Pour atteindre ses objectifs en matière d’atténuation des changements climatiques, le Canada s’est engagé à passer d’une économie à forte intensité d’émissions de gaz à effet de serre à une économie à faibles émissions de carbone. Pour opérer cette transition, il faut réaliser des investissements publics considérables en vue de décarboner certains secteurs industriels et d’en développer d’autres. À titre d’exemple, le gouvernement du Canada a émis ses toutes premières obligations vertes pour un montant total de $5 milliards en mars 2022. Les obligations vertes constituent une catégorie particulière d’obligations dont le produit servira exclusivement à financer des projets procurant des avantages sur le plan environnemental et climatique. De telles obligations peuvent servir à amasser des fonds qui seront versés aux projets d’infrastructure d’adaptation et d’atténuation en matière de changements climatiques. Les obligations vertes offrent aux investisseurs l’occasion d’appuyer la transition à des économies respectueuses de l’environnement et à faibles émissions de carbone.

Cependant, les fonds publics à eux seuls ne suffiront pas à financer les investissements importants requis par la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Des capitaux privés seront nécessaires afin de financer les changements qui s’imposent. Pour engendrer des flux de capitaux propres à soutenir la transition et amener les investisseurs à prendre des décisions éclairées, les informations financières liées au climat doivent être facilement accessibles. Ces informations renseignent les investisseurs et les autres parties prenantes sur l’incidence qu’ont les changements climatiques sur une entité, sur la stratégie adoptée par l’entité pour gérer les risques et les possibilités présentés par les changements climatiques, et sur les mesures permettant d’évaluer le rendement et les risques de l’entité liés aux changements climatiques.

Comme il est énoncé dans le plan climatique du Canada, Un environnement sain et une économie saine, « [p]our prendre de bonnes décisions financières, il est désormais essentiel de comprendre les risques et les possibilités que présentent les changements climatiques et l’économie à faibles émissions de carbone en plein essor. C’est pourquoi un nombre croissant d’entreprises et de pays tiennent compte des changements climatiques dans leur planification. » De plus, les sociétés qui ont une longueur d’avance pour ce qui est d’identifier les risques et d’exploiter les possibilités que présentent les changements climatiques seront mieux placées pour profiter des avantages financiers procurés par la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Ainsi qu’il en sera question dans le présent document de recherche, la présentation d’informations financières liées au climat n’est que l’une des clés essentielles pour réussir la transition du Canada vers une économie à faibles émissions de carbone. Les informations financières liées au climat améliorent la transparence à l’égard des répercussions des changements climatiques sur les entités. Elles s’ajoutent à d’autres outils, tels que les taxonomies vertes, qui sont utilisées afin de classifier les activités économiques selon des critères environnementaux pour évaluer dans quelle mesure elles sont écologiques.

Les informations financières liées au climat seront plus pertinentes si elles s’accompagnent d’autres mesures comme la tarification du carbone. Les dommages à l’environnement causés par la hausse des émissions de gaz à effet de serre  ne sont pas entièrement internalisés par les entreprises, malgré leurs effets nuisibles sur l’ensemble de la société. On considère que les coûts sont entièrement internalisés lorsqu’ils sont reflétés dans le prix des produits ou des services. L’une des manières d’assurer que les entreprises internalisent le coût des dommages à l’environnement est de tarifer la pollution par le carbone. L’établissement d’une tarification pour les émissions de carbone fera en sorte que les coûts des produits et des services refléteront mieux les coûts sociétaux et environnementaux réels liés aux changements climatiques.

Plus les initiatives d’internalisation des coûts telles que la tarification du carbone seront répandues, plus les informations financières liées au climat seront pertinentes pour les investisseurs. La tarification du carbone aura une incidence financière directe sur les entités qui émettent des gaz à effet de serre. Plus le prix du carbone est élevé, plus l’incidence financière sera élevée, ce qui accroît d’autant plus l’importance des informations financières liées au climat.

Objet du document de recherche

Le présent document de recherche donne un aperçu du rôle de la présentation d’informations financières liées au climat et des cadres qui la régissent.

Il examine plus particulièrement les éléments ci‑après :

N’étant pas un audit, le présent document de recherche ne vise pas à fournir une assurance sur les résultats obtenus par un programme ou une initiative du gouvernement fédéral, ni à formuler des recommandations.

Nous avons procédé à un examen de la documentation et des travaux publiés du gouvernement portant sur la présentation d’informations financières liées au climat, notamment les cadres régissant la présentation de ce type d’informations, les lois canadiennes et étrangères, et des rapports sectoriels. Nous avons aussi passé en revue un grand nombre de publications universitaires sur la réglementation concernant les changements climatiques. Nous avons également discuté de la présentation d’informations financières liées au climat et d’autres outils de réglementation, comme les taxonomies, avec diverses parties intéressées. Nous n’avons pas examiné les règles prudentielles sur le plan financier au Canada, ni d’autres sujets environnementaux, comme la biodiversité, ni d’autres questions liées à l’environnement, à la société et à la gouvernance (ESG).Définition 1

Pourquoi la présentation d’informations financières liées au climat est‑elle nécessaire?

La présentation d’informations financières liées au climat fournit des renseignements sur les risques et les possibilités que les changements climatiques présentent pour un projet, une société ou un fonds de placement donné, de même que sur l’incidence des activités d’une entité sur le climat. Les informations financières liées au climat décrivent et quantifient la manière dont les entités identifient, évaluent, mesurent et gèrent les risques et les possibilités liés au climat. La présentation d’informations financières liées au climat permet aux investisseurs de prendre des décisions éclairées et d’affecter leurs investissements vers des secteurs industriels et des parties prenantes du marché qui s’emploient à effectuer la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Selon le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques créé par le Conseil de stabilité financière, les informations financières liées au climat devraient :

Financer la transition vers une économie à faibles émissions de carbone

Le financement comme catalyseur de la transition

L’une des fonctions essentielles des marchés financiers est de tarifer les risques afin d’appuyer la prise de décisions éclairées et efficaces en matière d’affectation des capitaux. S’il est généralement admis que les émissions continues de gaz à effet de serre auront des répercussions négatives de plus en plus importantes sur l’environnement, la société et l’économie, il peut être difficile pour les agents économiques d’identifier, d’évaluer et de mesurer les risques associés à leurs propres activités. Ainsi, la présentation en temps opportun d’informations exactes, fiables et comparables sur les risques climatiques est-elle de plus en plus importante.

Selon une étude de 2015 de l’Economist Intelligence Unit, les risques liés aux changements climatiques pourraient se traduire par une baisse du total mondial d’actifs gérables de l’ordre de 4,2 billions à 43 billions de dollars américains d’ici 2100. L’étude souligne que [traduction] « les répercussions sur les actifs futurs découleront en grande partie d’un ralentissement de la croissance et d’une baisse du rendement des actifs de façon générale ». Ainsi, les investisseurs pourraient n’être pas en mesure d’échapper complètement au risque lié aux changements climatiques en se départissant d’actifs de certaines classes, car la baisse de valeur induite par l’essoufflement généralisé de l’économie toucherait un large éventail de classes d’actifs. Cela dit, les investisseurs qui sont plus exposés à des activités qui ne cadrent pas avec l’effort de transition vers une économie à faibles émissions de carbone risqueront d’obtenir des rendements inférieurs à leurs pairs ayant réorienté leurs investissements de manière à soutenir la transition.

Néanmoins, des possibilités s’offrent aussi aux investisseurs. L’Institute for Sustainable Finance de l’Université Queen’s a estimé en 2020 qu’il faudrait investir environ 128 milliards de dollars par année dans l’économie canadienne pour financer le virage vers une économie à faibles émissions de carbone entre 2020 et 2030. De tels investissements augmenteraient la probabilité de contenir le réchauffement mondial en deçà de 2 degrés Celsius (°C), le seuil jugé critique par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations Unies pour [traduction] « éviter des changements climatiques catastrophiques ».

Intérêt croissant des investisseurs à l’égard des informations financières liées au climat

Demande d’informations financières liées au climat dictée par les marchés

L’initiative Climate Action 100+ réunit plus de 600 investisseurs représentant des actifs sous gestion d’une valeur de plus de 68 billions de dollars américains. Ces investisseurs s’emploient à inciter les plus grands émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre à renforcer leurs pratiques de présentation d’informations financières liées au climat. Cet exemple met en évidence l’intérêt grandissant de diverses parties prenantes, dont les investisseurs et les créanciers, pour la publication d’informations financières liées au climat qui sont uniformes, comparables, fiables et claires. Par ailleurs, il est de plus en plus reconnu qu’une mauvaise gouvernance d’entreprise peut nuire à la valeur actionnariale, ce qui augmente les attentes relatives à la transparence des organisations à l’égard de leurs risques et de leurs pratiques de gestion des risques.

Les investisseurs réclament des informations financières liées aux changements climatiques qui présentent certaines caractéristiques, comme la pertinence et la comparabilité, qui les distinguent des énoncés généraux qui ne fournissent pas de renseignements précis sur les sociétés et ne sont d’aucune utilité pour les décisions d’investissement.

Un autre écueil que les investisseurs souhaitent éviter est l’écoblanchiment, qui consiste à alléguer de manière inexacte ou trompeuse qu’une société ou un projet représente un investissement respectueux de l’environnement ou durable. L’écoblanchiment mine la confiance des investisseurs et des autres parties prenantes envers les sociétés et les marchés, et il expose les fonds affectés à des investissements verts à un risque de détournement. Comme la présentation des informations financières liées au climat au Canada est généralement peu contraignante ni uniformisée, il revient aux sociétés et aux fonds de placement de déterminer comment commercialiser leurs produits. Dans ce contexte, il peut être difficile pour les investisseurs et les conseillers financiers d’évaluer dans quelle mesure un projet, une société ou un investissement répond à leurs normes et à leurs critères environnementaux, sociaux et de gouvernance internes. La présentation d’informations financières liées au climat est une partie intégrante des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. La communication d’informations comparables et fiables réduit considérablement le risque d’écoblanchiment, accroît la confiance des investisseurs et permet d’affecter le financement aux projets et aux sociétés qui participent à la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Étude de cas : les régimes de retraite canadiens

Les régimes de retraite appuient les mesures de lutte contre les changements climatiques…

En novembre 2020, les chefs de la direction des huit principaux régimes de retraite canadiens, qui totalisent ensemble 1,6 billion de dollars canadiens d’actifs sous gestion, ont signé une déclaration dans laquelle ils affirment publiquement leur engagement à favoriser une croissance plus durable et inclusive en intégrant les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance, dont la question des changements climatiques, dans leurs décisions d’investissement. Pour respecter cet engagement, ces régimes de retraite exigent maintenant des sociétés qu’elles fassent preuve d’une transparence accrue en mesurant leurs résultats et en présentant des documentsDéfinition 2 et des informations pertinentes pour l’industrie au moyen d’un cadre reconnu. Les régimes de retraite utilisent les informations fournies afin d’améliorer leurs rapports sur les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance et d’investir les capitaux dans les placements les mieux à même de générer des rendements durables à long terme.

…mais pas au détriment du rendement financier

Même si certains investisseurs et d’autres parties prenantes exercent des pressions pour que les régimes de retraite investissent dans des sociétés qui publient des informations financières liées au climat et réduisent leur empreinte carbone et les effets de leurs activités sur l’environnement, les gestionnaires de régimes de retraite ont, à l’égard de leurs membres, l’obligation fiduciaire d’administrer les régimes de façon à ce qu’ils atteignent leur taux de rendement attendu (tout en exerçant leur devoir d’agir avec précaution, prudence et diligence). De façon générale, les lois fédérales et provinciales exigent que les rendements soient conformes avec les politiques et les procédures de placement. Par conséquent, au moment de prendre une décision de placement, les gestionnaires de régimes de retraite optent souvent pour le placement qui contribuera le plus à leur procurer le taux de rendement attendu pour un niveau de risque acceptable. Dans bien des cas, ils limitent la prise en compte des répercussions relatives aux changements climatiques, comme la transition vers la carboneutralité, pour ne considérer que les risques liés à la réputation et à la responsabilité qui pourraient nuire à leur rendement.

Toutefois, compte tenu des répercussions des changements climatiques sur l’économie et les marchés financiers (par exemple la hausse du nombre de réclamations d’assurance, les risques physiques pour les biens, le ralentissement de la croissance, et la baisse du rendement des actifs), certaines parties prenantes avec lesquelles nous avons discuté font valoir que la prise en compte des risques climatiques s’inscrit dans l’obligation fiduciaire des gestionnaires de régimes de retraite, et relève de leur devoir d’agir avec prudence et de gérer les risques dans le cadre du placement des actifs des régimes.

Le dessaisissement ou la mobilisation pour favoriser les mesures de lutte contre les changements climatiques?

Nos recherches indiquent que les régimes de retraite canadiens ont adopté différentes approches pour réduire l’empreinte carbone de leurs portefeuilles. Quelques‑uns se sont départis ou prévoient de se départir de certains de leurs actifs produisant le plus d’émissions de gaz à effet de serre afin de réduire rapidement l’empreinte carbone de leur portefeuille, et ils ont cessé de financer des sociétés et des industries à forte intensité d’émissions de gaz à effet de serre. Certaines parties prenantes ont toutefois critiqué cette stratégie au motif que le dessaisissement d’actifs ne se traduit pas nécessairement par une réduction des émissions mondiales. Si la stratégie permet certes de réduire l’empreinte carbone du portefeuille, elle n’empêche pas les sociétés de poursuivre leurs activités grâce au financement d’autres investisseurs moins préoccupés par les considérations relatives au climat. En revanche, certaines parties prenantes avec qui nous avons discuté affirment que le dessaisissement envoie aux autres investisseurs le message que les actifs à forte intensité carbonique sont moins désirables, ce qui pourrait faire baisser la valeur de ces actifs.

La stratégie adoptée par de nombreux régimes de retraite, au Canada notamment, est celle de la mobilisation active. Dans le cadre de cette stratégie, les capitaux demeurent investis dans ces actifs, mais les actionnaires exercent leur influence en vue d’inciter au changement et de réduire l’empreinte carbone des sociétés concernées. En pratique, cela signifie que les régimes de retraite utilisent leurs droits de vote pour appuyer les propositions favorables aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance dans les assemblées des actionnaires. Certains régimes de retraite mettent également de l’avant leurs propres propositions à ces assemblées pour soutenir la présentation d’informations financières liées au climat et d’autres considérations environnementales, sociales et de gouvernance. Or les conditions à remplir pour présenter une proposition dans certaines administrations font en sorte qu’il est difficile pour les actionnaires minoritaires d’inscrire leurs propositions à l’ordre du jour. Les régimes de retraite ont également la possibilité de voter contre certains membres du conseil s’ils estiment que la politique en matière environnementale, sociale et de gouvernance du conseil n’est pas harmonisée avec celle des investisseurs. Cette approche plus directe et de dernier recours ouvre habituellement le dialogue entre le conseil et les gestionnaires du régime de retraite.

D’après certains régimes de retraite, la stratégie de mobilisation active ne convient pas à tous les types d’actifs ayant une empreinte carbone importante. En raison de leur nature, certaines industries ne joueront aucun rôle ou qu’un rôle mineur dans une économie à faibles émissions de carbone; le dessaisissement sera alors approprié afin d’éviter le risque d’actifs échoués (le fait pour des actifs de subir une perte de valeur soudaine et inattendue). D’autres industries qui émettent beaucoup de gaz à effet de serre, comme la production de ciment, demeureront nécessaires dans une économie à faibles émissions de carbone et requerront l’investissement de sommes considérables pour financer la décarbonisation de leurs procédés de production.

L’influence des régimes de retraite est plus grande dans les sociétés privées où ils représentent souvent une part importante de l’actionnariat et peuvent donc nommer un ou plusieurs administrateurs au conseil. Dans de tels cas, les régimes de retraite peuvent opérer des changements importants en agissant directement au sein du conseil. Dans d’autres cas, les régimes de retraite peuvent aller jusqu’à acquérir des actifs à forte empreinte de carbone, augmentant ainsi temporairement l’empreinte carbone de leur portefeuille, pour ensuite accroître la valeur économique de ces actifs en réalisant des investissements visant à réduire leurs empreintes carbone. Par exemple, un régime de retraite pourrait acheter une centrale au charbon et la réaménager en centrale au gaz naturel, ce qui réduirait l’empreinte carbone pour l’économie en général et augmenterait la durée de vie utile et la valeur économique de l’actif. Toutefois, ces changements s’opèrent habituellement sur de longues années et pourraient ne pas convenir à un régime de retraite qui vise à réduire rapidement son empreinte carbone.

Les régimes de retraite, comme les sociétés dans lesquelles ils investissent, publient des informations financières liées au climat. Toutefois, les informations présentées sont parfois fragmentées et incomplètes et ne contiennent pas tous les détails sur les sommes investies dans les secteurs à forte intensité carbonique. De plus, les informations fournies à propos des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre, par exemple, ne sont pas nécessairement comparables d’un régime de retraite à l’autre. Il est donc difficile pour les bénéficiaires des régimes de retraite de connaître les incidences de leurs économies sur le climat.

Plusieurs régimes de retraite canadiens ont intégré les risques climatiques à leur stratégie de placement. Cependant, des tensions persistent entre leur obligation fiduciaire et les pressions exercées pour qu’ils contribuent activement à façonner une économie à faibles émissions de carbone. Les stratégies visant à concilier les deux varient également entre les divers régimes de retraite, certains préférant se départir de leur participation dans des industries particulières alors que d’autres optent pour la mobilisation active.

Pressions pour rendre obligatoire la présentation d’informations financières liées au climat

L’information obligatoire comme vecteur de changement

En 2021, le gouvernement du Canada a annoncé, dans des lettres de mandat à des ministres fédéraux de premier plan, son intention de rendre obligatoire la présentation d’informations financières liées au climat. Certaines administrations ont déjà pris d’importantes mesures en vue d’instaurer l’obligation de présenter un ensemble complet d’informations financières liées au climat. Par exemple, en 2015, la France a adopté la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Cette loi, unique au moment de son adoption, exige que les investisseurs institutionnels enregistrés en France fournissent de l’information détaillée sur leur exposition aux risques climatiques et sur leurs efforts d’atténuation des changements climatiques. Elle a été la première à rendre obligatoire la présentation d’informations pour les investisseurs institutionnels (comme les compagnies d’assurance et les régimes de retraite) sur leurs risques climatiques et leur contribution aux objectifs nationaux en matière d’atténuation des changements climatiques. Les législateurs français voulaient conscientiser les investisseurs institutionnels aux émissions induites par leurs investissements et aux risques financiers connexes. Ils souhaitaient également inciter les autorités publiques, les organisations non gouvernementales et les citoyens à harmoniser leurs investissements à l’impératif de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Six ans après l’adoption de la loi, la Banque de France a publié une étude montrant une forte diminution de la détention de titres d’énergie fossile dans les portefeuilles des investisseurs assujettis à la loi, par rapport à ce qui était observé auprès des portefeuilles  qui n’y était pas assujetti. L’effet de l’obligation de présenter des informations financières sur le climat était donc fortement significatif, sur le plan tant statistique qu’économique. Les résultats montraient une réduction des détentions de titres d’énergie fossile de 39 % en moyenne dans les portefeuilles des investisseurs. Si l’on prend comme référence le volume des encours investis dans les énergies fossiles par les investisseurs institutionnels français à la fin de 2015, cela suggère que les investisseurs français ont redirigé 28 milliards d’euros de financement hors de cette industrie. Ces résultats montrent que l’obligation de présenter des informations financières liées aux changements climatiques a la capacité de rediriger les flux de financement et de faciliter la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

L’obligation de présenter des informations financières liées au climat réduit le risque que des informations insuffisantes, incomplètes et non comparables induisent les investisseurs en erreur à propos des effets réels des activités ou des produits d’une société sur le climat et l’environnement. Cette obligation permet également :

Présentation d’informations financières liées au climat en guise de point de départ

La présentation d’informations financières liées au climat est nécessaire, mais pas suffisante

Même si la présentation d’informations financières liées au climat est perçue par beaucoup comme une étape nécessaire dans la réalisation de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, d’autres éléments complémentaires doivent venir appuyer cette transition. Ceux‑ci comprennent les taxonomies, les mesures de réorientation des flux financiers en vue de délaisser les actifs liés aux combustibles fossiles et la tarification des émissions de carbone.

Les taxonomies vertes servent à classifier les activités économiques en fonction de leur durabilité du point de vue de l’environnement. Elles permettent aux investisseurs d’évaluer et de classifier les activités, les instruments financiers et les investissements des sociétés d’après des critères environnementaux. Dans un tel contexte, elles leur fournissent une indication de la proportion d’activités durables d’une société ou de la part d’un fonds qui correspond à des activités durables. Essentiellement, une taxonomie permet de savoir à quel point un investissement est « vert ». La taxonomie peut grandement réduire le risque d’écoblanchiment, car elle améliore la comparabilité entre les sociétés et les fonds de placement. Il est ainsi plus facile pour les investisseurs soucieux de la durabilité d’orienter leurs investissements vers les activités qui soutiennent la transition à une économie à faibles émissions de carbone.

Un autre outil que peuvent utiliser les organismes de réglementation prudentielle est la prise de mesures contribuant à réorienter les flux financiers vers d’autres actifs que ceux liés aux combustibles fossiles. Par exemple, les organismes de réglementation et de surveillance prudentielle pourraient exiger que les établissements de prêt rehaussent leurs exigences de fonds propres relatives aux investissements dans les actifs liés aux combustibles fossiles. Pour ce faire, les organismes de réglementation pourraient augmenter la pondération du risque pour les activités qui contribuent à des émissions importantes de gaz à effet de serre et que la transition exposerait à un risque. Les institutions financières seraient ainsi contraintes de financer ces activités avec une plus grande part de capitaux propres, ce qui augmenterait le coût implicite du financement des activités à forte intensité carbonique, et refléterait en fait plus étroitement les coûts réels des actifs liés aux combustibles fossiles. Toutefois certaines parties prenantes interrogées aux fins du présent document de recherche ont affirmé qu’il pourrait être trop tôt pour envisager l’imposition d’exigences de fonds propres fondées sur les risques climatiques, car les données sont insuffisantes.

Les sociétés, les banques centrales et les autorités de réglementation et de surveillance prudentielle peuvent aussi se servir de scénarios climatiques pour examiner les diverses perspectives d’évolution des risques climatiques à long terme. Les scénarios climatiques illustrent la façon dont les changements climatiques pourraient toucher les sociétés et les institutions financières, et comment celles‑ci pourraient gérer ces risques. Ils diffèrent des tests de résistance traditionnels qui sont des évaluations à court terme de la manière dont une société, une institution financière ou le système financier réagirait à un choc en ayant peu de temps pour s’adapter. Les sociétés peuvent recourir aux scénarios climatiques afin d’éclairer leur stratégie de gestion des risques, de même que les organismes de surveillance pour orienter leurs politiques de réglementation. Pour optimiser la pertinence des outils prudentiels que sont les scénarios climatiques, les organismes de réglementation et de surveillance prudentielle pourraient préférer utiliser un ensemble uniformisé de scénarios climatiques fondés sur des hypothèses et des variables communes. L’uniformisation permettrait de regrouper les résultats et d’évaluer les risques de façon systématique. Elle faciliterait aussi pour les investisseurs la comparaison entre les sociétés qui publient les résultats obtenus à leurs scénarios. L’uniformisation des scénarios climatiques n’empêcherait pas les sociétés et les institutions financières de publier d’autres scénarios qu’elles auraient utilisés et qui seraient propres aux risques particuliers auxquels elles sont exposées.

Approches en matière de présentation d’informations financières liées au climat

Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques

Un cadre mondial permettant la comparaison

En 2015, les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales des pays du Groupe des 20G20 ont demandé au Conseil de stabilité financière d’examiner comment le secteur financier pouvait tenir compte des questions relatives au climat. Dans le cadre de son examen, le Conseil de stabilité financière a souligné la nécessité de disposer de meilleures informations afin d’éclairer les décisions relatives aux investissements, aux prêts et à la souscription d’assurance, et d’améliorer la compréhension et l’analyse des risques climatiques. Il a également créé le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques, qui devait aider à déterminer les éléments d’information requis par les investisseurs, les prêteurs et les assureurs pour évaluer les risques et les possibilités liés au climat et en établir le coût de manière appropriée.

En 2017, le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques a publié des recommandations d’application générale en vue d’inciter les organisations des divers secteurs et administrations à présenter des informations financières liées au climat dans quatre principaux domaines (divisés en 11 catégories plus précises). Les gestionnaires de grands fonds de placement, de régimes de retraite et d’actifs sont bien placés pour exercer une influence déterminante et un rôle de guide auprès des sociétés dans lesquelles ils investissent et les amener à améliorer leur communication d’informations financières liées au climat. Les quatre principales recommandations sont les suivantes :

Les recommandations ont été conçues de manière à être pertinentes et applicables pour un large éventail de parties prenantes grâce aux caractéristiques ci‑après :

Rapidement, les recommandations ont été largement reconnues dans le monde comme constituant un cadre et elles sont maintenant adoptées par plus de 3 000 organisations de 89 pays. Des administrations comme l’Union européenne, le Royaume‑Uni et la Nouvelle‑Zélande s’affairent à l’heure actuelle à mettre en œuvre des lois appuyées sur les recommandations.

Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité de l’International Financial Reporting Standards Foundation

L’International Financial Reporting Standards (IFRS) Foundation est une organisation d’intérêt public à but non lucratif qui est chargée de concevoir un ensemble unique de normes comptables de grande qualité qui peut être compris, appliqué et reconnu à l’échelle internationale, à savoir les normes IFRS. La fondation a lancé un processus de consultation en septembre 2020 pour recueillir des observations sur la nécessité d’établir des normes de durabilité mondiales et pour examiner le rôle qu’elle pourrait jouer dans la définition de telles normes. Dans son document de consultation, le Conseil des IFRS a indiqué [traduction] « [qu’un] processus de coopération entre les initiatives régionales ou les organismes de normalisation qui existent déjà ne suffirait pas à lui seul à atteindre l’objectif de création d’un ensemble de normes même élémentaire. Pour définir de telles normes, il faudrait une initiative mondiale et il serait essentiel que cette initiative mondiale collabore avec les initiatives régionales pour assurer la cohérence et la comparabilité à l’échelle internationale ».

Les réponses à la consultation ont confirmé le besoin urgent de mettre en place des normes mondiales en matière de durabilité et le rôle que la fondation pourrait jouer dans l’élaboration de telles normes.

En novembre 2021, l’IFRS Foundation a créé le Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité (ISSB), un nouveau conseil de création de normes axé sur la présentation d’informations liées aux changements climatiques. L’IFRS Foundation a aussi annoncé qu’elle regrouperait le Climate Disclosure Standards Board (une initiative du Carbon Disclosure Project) et la Value Reporting Foundation (qui héberge l’Integrated Reporting Framework, ou cadre intégré d’établissement de rapports, et le Sustainability Accounting Standards Board) d’ici juin 2022. Le regroupement de ces normes d’établissement de rapports améliorera la comparabilité des informations financières sur le climat fournies par les sociétés. En mars 2022, l’ISSB a publié une première version pour consultation de ces normes axées sur la présentation d’information en matière de durabilité et d’informations liées aux changements climatiques.

Le gouvernement du Canada a aussi publié une lettre en juillet 2021 dans laquelle il exprimait son appui à la mise sur pied du Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité. Le Canada a également soutenu la proposition mise de l’avant pour que le nouveau conseil se concentre d’abord sur les changements climatiques, « compte tenu de la nécessité pressante pour les investisseurs d’évaluer correctement les risques financiers relatifs aux changements climatiques et les nouvelles possibilités d’investissement et, de ce travail, de tirer parti des recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (TCFD) ». Le Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité aura un bureau à Montréal.

Quelles sont les mesures prises pour favoriser la présentation d’informations financières liées au climat au Canada?

Responsabilités fédérales, provinciales et territoriales en matière de réglementation

Une régulation fragmentée

Il n’y a pas d’organisme national de réglementation des valeurs mobilières au Canada, malgré les récentes tentatives en vue d’en créer un. À l’heure actuelle, dans les dix provinces et les trois territoires canadiens, la réglementation des valeurs mobilières est la responsabilité de chaque province ou territoire. Les autorités provinciales et territoriales en valeurs mobilières ont fait équipe pour former les Autorités canadiennes en valeurs mobilières, une organisation‑cadre qui vise à favoriser la collaboration et le consensus sur les décisions de politiques provinciales, mais qui n’a toutefois pas le pouvoir d’imposer des réglementations aux provinces.

En 2021, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont lancé une consultation sur la présentation d’informations financières liées au climat. La consultation a donné lieu à la proposition de rendre obligatoire au Canada la communication d’informations financières liées au climat, conformément aux recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques, sous réserve de deux principales modifications. Le projet réglementaire n’obligerait pas les émetteurs (les entités émettant des actions de participation et des obligations) à publier des analyses par scénarios climatiques, car certaines parties prenantes ont dit craindre que la comparabilité des scénarios des divers émetteurs soit limitée, que l’élaboration d’analyses par scénarios soit trop coûteuse, et que la méthodologie relative aux scénarios climatiques ne soit pas encore au point. De plus, le projet réglementaire dérogerait aux recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques en ce qui concerne la déclaration des émissions de gaz à effet de serre. Sur ce point, il prévoirait une approche « de conformité ou d’explication » à l’égard des émissions relevant des champs d’application 1, 2 et 3 (selon la définition du Protocole des gaz à effet de serre)Définition 3, selon laquelle les émetteurs seraient tenus de déclarer leurs émissions ou d’expliquer leur refus de le faire. Il pourrait également envisager de rendre obligatoire la déclaration des émissions relevant du champ d’application 1.

Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont proposé d’amorcer une transition progressive sur un an pour les émetteurs inscrits aux principales bourses (les émetteurs non émergents), comme la Bourse de Toronto, et sur trois ans pour les autres sociétés ouvertes (les émetteurs émergents). Par exemple, si la réglementation était mise en œuvre en 2022, elle s’appliquerait aux émetteurs non émergents avec une période de rapport débutant à compter du 1er janvier 2023, de sorte que les premières publications d’informations auraient lieu en mars 2024 pour les émetteurs non émergents et en mars 2026 pour les émetteurs émergents.

Les réponses à la consultation démontrent un appui pour la régulation par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières d’être alignées avec les recommandations du TCFD. Une majorité des réponses qui ont abordé les émissions du champ d’application 1 et 2 sont en faveur de la divulgation obligatoire des émissions du champ d’application 1 (79%) et du champ d’application 2 (68%). Seulement 27% des réponses sont en faveur d’une divulgation obligatoire des émissions du champ d’application 3 et 23% sont en faveur de la proposition de « conformité ou d’explication » proposée par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières.

Comité d’examen indépendant de la normalisation au Canada

En mars 2021, Comptables professionnels agréés du Canada (CPA Canada) et le Conseil de surveillance de la normalisation comptable, qui assure la surveillance des conseils de normes comptables des secteurs privé et public, ont mis sur pied le Comité d’examen indépendant de la normalisation au Canada, vingt ans après le dernier examen de la normalisation en comptabilité et en certification au Canada. Ce comité a entrepris une consultation sur les normes d’information sur la durabilité en décembre 2021, entre autres en réponse à la création récente par l’IFRS Foundation du Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité. Entre autres choses, le document de consultation propose la création d’un conseil en vue d’établir les normes canadiennes d’information sur la durabilité. Ce nouveau conseil serait chargé d’adopter des normes internationales d’information sur la durabilité et de les adapter aux règles comptables canadiennes.

Crédit d’urgence pour les grands employeurs

Même si le pouvoir de réglementation des valeurs mobilières relève des provinces et des territoires, le gouvernement du Canada a instauré une exigence de présentation d’informations financières liées au climat pour les grandes entreprises ayant demandé un soutien financier pendant la pandémie de COVID‑19, dans le cadre du programme Crédit d’urgence pour les grands employeurs (CUGE), qui fournit des liquidités à court terme aux grands employeurs canadiens touchés par la pandémie. Les modalités du programme sont de nature commerciale et comprennent un engagement relatif à la présentation d’informations financières relatives au climat : « Les emprunteurs devront produire un rapport annuel de divulgation financière sur le climat, soulignant comment leur gouvernance, leurs stratégies, leurs politiques et leurs pratiques aideront à gérer les risques et les opportunités liés au climat et contribueront à la réalisation des engagements du Canada dans le cadre de l’accord de Paris et de l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050. Le rapport devra suivre les recommandations du Conseil de stabilité financière (CSF) sur le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC), qui fournit des orientations claires sur la divulgation requise. Le rapport sur la divulgation des informations relatives au climat fait partie du respect continu des conditions de prêt du CUGE, mais n’est pas une condition préalable à l’octroi de prêts au titre du CUGE. » Cependant, comme seulement sept entreprises ont eu recours à ce mécanisme de financement, celui‑ci a eu une incidence limitée sur l’adoption de méthodes de présentation d’informations financières liées au climat alignées sur les recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques.

Établissement de rapports à titre volontaire par les émetteurs

Méthodes existantes de présentation des informations à titre volontaire

À l’heure actuelle, les lois provinciales et territoriales au Canada exigent la présentation de certaines informations liées au climat dans les rapports déposés auprès des autorités de réglementation par un émetteur, si ces informations sont jugées significatives. En l’état actuel des choses, les informations financières relatives au climat ainsi fournies ne sont pas comparables, car le cadre utilisé pour la présentation n’est pas le même d’une société ou d’un secteur à l’autre, voire au sein d’un secteur donné. De plus, la présentation d’informations génériques et l’utilisation d’énoncés généraux réduisent l’utilité des renseignements fournis pour la collectivité des investisseurs.

Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières, à titre d’organisation‑cadre des organismes de réglementation provinciaux, ont résumé les principales informations financières liées au climat à fournir par les provinces et les territoires dans leur Avis 51‑333 du personnel, Indications en matière d’information environnementale, publié en 2010. Ces exigences consistent entre autres en ce qui suit :

En 2017, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont annoncé le lancement d’un projet d’examen de l’information fournie sur les risques et les répercussions financières associés aux changements climatiques pour les émetteurs, ainsi que des processus de gouvernance connexes. Les objectifs du projet étaient les suivants :

En 2018, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont présenté les résultats du projet dans leur Avis 51‑354 du personnel, Rapport relatif au projet concernant l’information fournie sur le changement climatique. Il était conclu dans le rapport que, même si les émetteurs respectaient la réglementation actuelle en matière d’informations financières liées au climat, le niveau de détail dans les informations fournies et la comparabilité entre les différents émetteurs variaient grandement. À la lumière de ces conclusions, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières comptaient axer leurs travaux sur les points suivants :

En 2019, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont présenté leur Avis 51‑358 du personnel, Information sur les risques liés au changement climatique, qui vise à aider les sociétés à cerner les risques importants que posent les changements climatiques et à améliorer l’information qu’elles communiquent à cet égard. L’avis précise les obligations légales actuelles et se veut le prolongement de l’Avis 51‑333 du personnel, Indications en matière d’information environnementale.

Peu de déclarations volontaires

En 2021, CPA Canada a publié son rapport complet sur l’étude de 2019 sur les informations financières relatives aux changements climatiques fournies par les sociétés ouvertes canadiennes, qui faisait suite à sa première étude menée en 2015. L’étude de 2021 visait à examiner les informations financières relatives aux changements climatiques communiquées par 40 sociétés canadiennes cotées à la Bourse de Toronto dans leurs documents réglementaires et à évaluer si elles concordaient avec les recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques.

CPA Canada a conclu que presque toutes les sociétés examinées (98 %) ont fourni des informations conformes aux recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques, et que plus du tiers d’entre elles ont présenté des informations dans les quatre catégories (gouvernance, stratégie, gestion des risques, et mesures et objectifs). Toutefois, une seule des sociétés examinées a fourni des informations dans les quatre principales catégories et dans les 11 sous‑catégories. Ces résultats montrent que l’étendue et l’ampleur des informations fournies varient encore d’une société à l’autre et ne correspondent pas aux pratiques exemplaires. Malgré tout, le rapport fait état d’une amélioration quant à l’ampleur de la communication d’informations financières liées au climat depuis l’étude de 2015. Rendre obligatoire la présentation de ces informations permettrait de remédier aux incohérences et au manque de transparence.

Même si l’utilisation du cadre fondé sur les recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques a amélioré la cohérence dans la manière dont les questions liées aux changements climatiques sont communiquées, il y a une absence d’uniformité entre les sociétés et les secteurs quant aux définitions des termes utilisés pour la présentation des informations financières liées au climat. Celle‑ci complique non seulement l’évaluation des informations à fournir conformément aux recommandations du groupe de travail, mais aussi la comparaison de ces informations. CPA Canada a également constaté que même si de nombreuses sociétés avaient indiqué avoir fait une évaluation approfondie des risques liés aux changements climatiques, elles avaient toutes conclu que les changements climatiques ne représentaient pas un risque important pour elles. Même si les changements climatiques pourraient se répercuter de diverses manières sur les sociétés (sous la forme notamment de risques physiques, de changements apportés à la réglementation, de perturbations de la chaîne d’approvisionnement et de risques de litige) et même s’il est généralement admis par les commentateurs du marché que ces changements présentent un risque pour un large éventail d’acteurs économiques, il semble que certaines sociétés ne comprennent pas encore pleinement les risques et les occasions associés aux changements climatiques.

Conseil d’action en matière de finance durable

Des améliorations en vue pour la présentation d’informations financières liées au climat

Le 12 mai 2021, la ministre des Finances et le ministre de l’Environnement et du Changement climatique ont annoncé la mise sur pied du Conseil d’action en matière de finance durable. Le mandat principal du Conseil consiste à formuler des recommandations sur l’infrastructure de marché essentielle nécessaire pour attirer et accroître la finance durable au Canada, y compris :

Ces éléments répondent aux recommandations du Groupe d’experts sur la finance durable, un groupe formé de quatre experts mit sur pied par le gouvernement fédéral afin de consulter les participants au marché financier canadien sur les questions liées à la finance durable, dont la présentation d’informations financières liées au climat. Le Conseil mettra d’abord l’accent sur l’amélioration de la divulgation de l’information financière relative aux changements climatiques dans les secteurs privé et public du Canada, conformément aux recommandations. La communication transparente d’informations financières liées au climat pourrait aider à accélérer l’harmonisation des flux de capitaux privés avec les objectifs climatiques du gouvernement du Canada, comme l’atteinte de la cible rehaussée pour 2030 et la transition vers une économie carboneutre d’ici 2050.

Utilisation obligatoire par les sociétés d’État fédérales du cadre du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques

Les sociétés d’État fédérales sont des entités ayant des objectifs à la fois commerciaux et publics, et qui sont des propriétés à cent pour cent du gouvernement du Canada. Elles permettent au gouvernement d’atteindre des objectifs de gestion des affaires publiques (par exemple la livraison du courrier ou le transport de passagers vers des régions éloignées), ainsi qu’un résultat d’intérêt national qui ne pourrait pas être obtenu de manière adéquate par le secteur privé. Les sociétés d’État fédérales exercent leurs activités directement au sein de secteurs névralgiques, comme le transport, les télécommunications, les services publics et la production d’énergie. Elles jouent également un rôle économique et fournissent du financement dans des secteurs tels que la finance, l’expansion des entreprises et l’agriculture. En raison de leurs objectifs de gestion des affaires publiques, de leur taille, de leur propriétaire et de leur position au sein de secteurs fondamentaux de l’économie, elles exercent une influence importante sur l’économie canadienne.

Dans le budget de 2021, le gouvernement du Canada a annoncé que les sociétés d’État fédérales canadiennes seront tenues d’établir des rapports en adoptant les normes du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques, ou des normes acceptables plus rigoureuses, afin de faire preuve de leadership en matière de changements climatiques dans le secteur privé. Les entités ayant plus de 1 milliard de dollars canadiens en actifs devront se conformer à cette nouvelle exigence à compter de 2022, au plus tard. Les entités ayant moins de 1 milliard de dollars canadiens en actifs devront s’y conformer, ou alors présenter une justification à l’égard de l’absence d’incidence importante des risques relatifs aux changements climatiques sur leurs activités, à compter de 2024, au plus tard.

Dans le cadre de notre recherche, nous avons passé en revue les rapports annuels de 2019‑2020 et l’information accessible au public de 14 des plus grandes sociétés d’État fédérales. La qualité et l’exhaustivité des informations financières liées au climat variaient énormément d’une société d’État à l’autre. Certaines avaient présenté les informations conformément aux lignes directrices du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques ou d’un autre cadre mondial, alors que d’autres semblaient n’avoir adopté aucun cadre mondialement reconnu. Dans certains cas, des sociétés d’État ne disposaient pas d’un ensemble uniforme d’informations financières à fournir liées au climat, mais s’étaient dotées d’un plan stratégique pour la publication de telles informations. Les plans stratégiques n’étaient pas tous assortis d’un calendrier précis de mise en œuvre. Plus préoccupant encore, il a été constaté que certaines entités n’avaient vraisemblablement pas publié d’informations financières liées au climat ou n’avaient aucun plan en ce sens. L’obligation de présenter des informations financières liées au climat devrait aider à remédier aux incohérences dans les méthodes d’établissement de rapports des sociétés d’État.

Comme les sociétés d’État ont toutes le même actionnaire (le gouvernement du Canada), elles devraient rendre des comptes de manière uniforme. Au vu des progrès limités et inégaux réalisés jusqu’à présent par les sociétés d’État en matière de divulgation volontaire d’informations financières liées au climat, il y a lieu de se demander à quel point elles sont préparées à présenter des informations sur leurs risques financiers relatifs aux changements climatiques maintenant que les nouvelles exigences sont en vigueur.

Comment les autres pays réglementent-ils la présentation d’informations financières liées au climat?

Loi de la Nouvelle-Zélande fondée sur le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques

Le rapport sur l’économie à faibles émissions publié par la Commission de la productivité de la Nouvelle-Zélande en 2018 indiquait que les cours boursiers des sociétés à forte intensité d’émissions étaient surévalués, l’absence d’informations financières liées au climat ayant empêché les investisseurs d’évaluer correctement la valeur de ces sociétés. En réponse, le ministère de l’Environnement et le ministère des Affaires, de l’Innovation et de l’Emploi de la Nouvelle-Zélande ont publié un document de discussion en 2019 dans lequel ils proposaient « la mise en place d’un régime de divulgation obligatoire fondé sur les recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques ». En 2021, la Nouvelle-Zélande a adopté un projet de loi sur la présentation d’informations financières liées au climat qui élargit la portée de la communication d’information non financière en exigeant et en appuyant l’établissement d’informations financières liées au climat et de questions connexes, l’un des premiers du genre. La loi a les objectifs suivants :

Aux termes de la loi, environ 200 grandes entités du pays devront présenter des informations financières liées au climat dès 2023. Les nouvelles règles s’appliquent aux entités suivantes :

Les gestionnaires de régimes d’investissement enregistrés devront présenter leurs informations en fonction de chaque fonds. Ainsi, les investisseurs pourront comprendre l’incidence des changements climatiques sur le rendement futur de leur investissement.

Les sociétés constituées à l’étranger devront présenter des informations si leurs activités en Nouvelle-Zélande excèdent les seuils définis ci‑dessus. Cela devrait améliorer la communication d’informations à leurs actionnaires néo-zélandais. On augmentera les seuils susmentionnés à l’occasion pour tenir compte des fluctuations de l’indice des prix à la consommation.

Les rapports seront établis en fonction des normes qui sont en cours d’élaboration conformément aux recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques. Le Conseil externe responsable des rapports, une entité d’État indépendante, préparera les nouvelles normes en matière de présentation de l’information, mènera des consultations à ce sujet et publiera les normes à l’intention des entreprises devant présenter des informations. Une assurance indépendante devra être obtenue à l’égard des éléments des informations concernant les émissions de gaz à effet de serre. Cette exigence en matière d’assurance entrera en vigueur après trois ans, tandis que l’exigence de présentation de l’information entrera en vigueur dans un an, ce qui laissera dans les faits deux ans aux parties prenantes concernées avant qu’elles ne doivent faire auditer les informations qu’elles présenteront. L’Autorité des marchés financiers, l’organisme gouvernemental qui encadre les marchés financiers de la Nouvelle-Zélande, sera responsable des fonctions indépendantes de surveillance et d’application du régime et de production de rapports connexes.

La loi prévoit également des amendes importantes en cas de non‑conformité. Les directeurs d’une entité devant présenter des informations liées au climat qui omettent sciemment de se conformer aux normes applicables en matière de climat pourraient être passibles d’une peine d’emprisonnement de cinq ans ou moins ou d’une amende maximale de 500 000 dollars néo-zélandais pour une telle infraction. En retour, cette entité pourrait elle aussi être mise à l’amende, soit jusqu’à 2,5 millions de dollars néo‑zélandais pour la même infraction. En outre, certaines infractions pourraient mener à une poursuite civile, y compris une amende maximale de 1 million de dollars néo‑zélandais dans le cas d’une personne ou de 5 millions de dollars néo‑zélandais dans un tout autre cas.

Grâce à un soutien politique ferme, la Nouvelle-Zélande a réussi à faire adopter des mesures législatives exigeant la présentation d’informations financières liées au climat. Ces exigences de divulgation devront être adaptées au contexte du pays tout en étant harmonisées avec les recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques. La nouvelle loi s’appliquera à environ 73 % des entités cotées et à environ 200 organisations détenant des actifs totalisant plus de 1 milliard de dollars néo‑zélandais, ce qui représente environ 90 % des actifs sous gestion en Nouvelle-Zélande.

Taxonomie de l’Union européenne

Dans le cadre de son engagement à devenir un chef de file mondial de la finance durable, la Commission européenne a adopté, en 2018, son plan d’action sur la finance durable, qui comprend trois principaux objectifs :

Depuis, la Commission européenne a également établi le Pacte vert pour l’Europe, qui consiste en une série de propositions visant à adapter les politiques de l’Union européenne en matière de climat, d’énergie, de transport et de fiscalité en vue de réduire entièrement les émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici à 2050.

Un élément central du plan d’action sur la finance durable et du Pacte vert pour l’Europe portait sur l’élaboration d’une taxonomie aux fins de classification des activités économiques selon leur durabilité environnementale et sociale et leur efficacité sur le plan de la lutte contre les changements climatiques. Cela permettrait de fournir un fondement juridique pour l’utilisation de ce système de classification dans différents domaines (par exemple, normes, étiquettes, facteurs écologiques à l’appui des exigences prudentielles et critères de référence en matière de durabilité).

La taxonomie verte est un outil transparent qui prévoit des obligations en matière d’information à fournir au titre desquelles les entreprises et les investisseurs visés devront publier leur part d’activités alignées sur la taxonomie. La divulgation d’une proportion d’activités alignées sur la taxonomie devrait améliorer la comparaison des sociétés et des portefeuilles de placement, ce qui aidera à orienter les participants du marché dans leurs décisions de placement.

Les sociétés et les gestionnaires d’actifs doivent déclarer le pourcentage de leur chiffre d’affaires, de leurs dépenses en immobilisations et de leurs dépenses d’exploitation correspondant à la taxonomie de l’Union européenne. Les gestionnaires d’actifs doivent déclarer la part de leur portefeuille investie dans des activités alignées sur la taxonomie de l’Union européenne.

Le règlement sur la taxonomie établit un système unifié et homogène d’indicateurs visant à classifier les activités et placements économiques qui sont jugés « durables sur le plan environnemental » et à les comparer. Ces activités doivent contribuer de manière substantielle à un ou plusieurs des objectifs ci‑dessous, tout (i) en ne nuisant pas de façon considérable aux autres objectifs, (ii) en respectant des garanties minimales et (iii) en étant conformes aux critères d’examen technique :

Les critères d’examen technique servant à évaluer les types précis d’activité économique (comme le secteur forestier, le secteur de l’énergie et le secteur de la fabrication) sont en cours d’élaboration. Les critères d’atténuation du changement climatique et d’adaptation au changement climatique (critères de niveau 1) ont été publiés le 21 avril 2021 et sont entrés en vigueur le 1er janvier 2022. Les autres critères, qui ont été reportés en raison du nombre et du degré de détails techniques, devraient être publiés en 2022, et leur mise en œuvre est prévue pour le 1er janvier 2023.

Le règlement sur la taxonomie, avec ses critères d’appui, est en constante évolution. Notamment, il ne donne pas de liste exhaustive d’activités « vertes » ni n’établit de distinction entre les activités et les placements économiques jugés « adéquats » et ceux évalués comme étant « inadéquats ». Il fournit plutôt un ensemble commun de principes à observer par les investisseurs, les institutions financières, les sociétés et les émetteurs, conformément à leurs propres engagements à l’égard des questions environnementales, sociales et de gouvernance et en vue de la mobilisation de capitaux vers un financement plus durable. Pour ce faire, les critères d’examen technique renvoient à d’autres pratiques écologiques afin de respecter les critères et les objectifs définis. Les secteurs comme ceux de l’aviation ou du transport maritime ne sont pas encore compris, en raison de l’absence de solutions technologiques et économiques de rechange, mais la situation sera réévaluée à mesure que la technologie évolue.

La taxonomie européenne exclut certains secteurs exerçant des activités « brunes », principalement les combustibles fossiles, ce qui exclut en fait les activités transitoires comme la décarbonisation de ces secteurs.

Au Canada, le Groupe CSA, autrefois l’Association canadienne de normalisation, une organisation internationale qui élabore et met à l’essai des normes et des certifications dans un certain nombre de domaines, a mis sur pied un comité technique afin de créer ce qu’on appelle une « taxonomie du financement de la transition » pour définir les projets qui devraient être admissibles à un financement aux fins de transition vers des méthodes d’exploitation plus durables. Cette taxonomie serait mieux adaptée aux économies axées sur les ressources naturelles, comme celle du Canada. Le comité comprend des représentants du secteur financier canadien (y compris les principales banques, les gestionnaires de régimes de retraite, les gestionnaires d’actifs et de patrimoine, les assureurs et les agences de notation), du secteur canadien des ressources naturelles, du gouvernement et des parties prenantes de l’industrie.

L’objectif global de cette taxonomie de transition est de stimuler les investissements dans les entités et les activités qui décarboniseront les secteurs émettant actuellement beaucoup de carbone et qui constituent une grande partie de l’économie canadienne. Permettre à ces secteurs de passer à un modèle à faibles émissions de carbone au lieu de les exclure de la taxonomie réduirait l’instabilité soudaine de l’économie et les répercussions sociales connexes. Cette taxonomie devrait être publiée en 2022.

Contrairement à la taxonomie verte européenne, qui consiste en des mesures législatives élaborées par un organe directeur supranational et obligatoires pour les parties prenantes concernées, la taxonomie de transition du Groupe CSA est mise au point par les acteurs du marché et sera adoptée par les parties prenantes sur une base volontaire. Les sociétés, régimes de retraite et fonds d’investissement exerçant leurs activités au Canada auront le choix d’appliquer les directives liées à la taxonomie et de publier les informations pertinentes. Pour les participants qui choisiront d’appliquer les directives de présentation de l’information liées à la taxonomie de transition du Groupe CSA, les conséquences d’un non‑respect des règles ne sont pas encore claires.

Commission des valeurs mobilières des États-Unis

En février 2021, la Commission des valeurs mobilières des États-Unis a annoncé qu’elle mettrait davantage l’accent sur les risques liés au climat en évaluant dans quelle mesure les sociétés ouvertes respectent les obligations de présentation d’information conformément aux lois fédérales sur les valeurs mobilières. À la suite de cette annonce, la Commission a créé un groupe de travail en mars 2021 afin de cerner les lacunes ou anomalies significatives dans les informations sur les risques climatiques fournies par les émetteurs selon les règles existantes. Le groupe de travail a aussi pour mandat d’effectuer  des évaluations et un suivi des cas de signalement, des recommandations et des plaintes de dénonciateurs concernant les questions environnementales, sociales et de gouvernance.

L’annonce de février 2021 comprenait également un engagement à collaborer avec les sociétés ouvertes en vue de mettre à jour les lignes directrices de 2010 sur la présentation d’informations financières liées au climat. En mars 2021, la Commission des valeurs mobilières des États-Unis a lancé une consultation de trois mois sur la mise à jour de ses exigences en matière d’informations relatives au changement climatique, en abordant plusieurs questions telles que l’utilisation des recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques, le bien-fondé des informations axées sur le principe « se conformer ou s’expliquer », la place des investisseurs et des parties prenantes de l’industrie dans la conception de ces exigences d’information et l’application de celles‑ci. La consultation a reçu plus de 550 réponses, trois sur quatre répondants appuyant l’obligation de présenter des informations financières liées au climat.

En mars 2022, la Commission des valeurs mobilières des États-Unis a lancé une consultation sur de nouvelles règles qui obligeraient certaines sociétés à publier des informations liées aux changements climatiques. Ces informations incluent :

Les nouvelles règles obligeraient les sociétés qui effectuent déjà des analyses de scénarios climatiques, qui ont développé des plans de transition ou qui se sont fixés des objectifs climatiques publics à publier certaines informations afin de permettre aux investisseurs de comprendre ces aspects de la politique de gestion des risques climatiques.

Ces nouvelles règles obligeraient aussi les sociétés à publier leurs émissions relevant des champs d’application 1 et 2. Les émissions relevant des champs d’application 3 devront être publiés si elles sont significatives ou si la société s’est fixé un objectif d’émission qui inclut les émissions relevant des champs d’application 3. Les règles proposées prévoient une exonération de responsabilité pour les émissions relevant des champs d’application 3 et une exonération de publication des émissions relevant des champs d’application 3 pour les petites sociétés.

La mise en place de ces nouvelles règles et des niveaux d’assurance requis se fera sur une période entre 2023 et 2027. Ces propositions de règles seront en consultation jusqu’en mai 2022.

La Commission des valeurs mobilières des États-Unis s’appuie sur son mandat visant à protéger les investisseurs pour aborder la question des informations financières liées au climat, ce sujet étant considéré comme un secteur préoccupant par les investisseurs. Il s’agit d’un domaine où une entreprise détient habituellement beaucoup plus de renseignements que ce à quoi ses investisseurs ont accès. Pour s’acquitter de son devoir de protéger les investisseurs, la Commission a redoublé d’efforts pour faire appliquer les exigences actuelles en matière de présentation d’informations financières liées au climat de son cadre réglementaire. Cette approche envoie un signal fort aux marchés financiers et les a préparés en vue des consultations et des exigences supplémentaires éventuelles à mettre en œuvre dans ce domaine.

Étant donné la forte interconnexion entre l’économie américaine et l’économie canadienne, tout règlement américain pourrait avoir une incidence considérable sur les entreprises canadiennes. Par conséquent, si le Canada souhaite imposer la présentation d’informations financières liées au climat, il devra peut-être tenir compte des normes mises en œuvre par d’autres économies liées à l’économie canadienne.

À propos du document de recherche

N’étant pas un audit, le présent document de recherche ne vise pas à fournir une assurance sur les résultats obtenus par un programme ou une initiative du gouvernement fédéral, ni à formuler des recommandations.  Au cours d’une mission de certification, nous formulons dans un rapport une conclusion ayant pour but d’accroître le degré de confiance des utilisateurs prévus quant au résultat de l’évaluation du sujet considéré en fonction de certains critères. Un document de recherche, pour sa part, fait état de la nature des travaux effectués à l’égard d’un sujet donné et communique les résultats concrets ou les observations factuelles découlant de ces travaux.

Objectif

Le commissionnaire à l’environnement et au développement durable au sein du Bureau du vérificateur général du Canada est tenu de surveiller les progrès réalisés par les organisations fédérales en matière de développement durable. Dans le cadre du processus de sélection des sujets d’audit et de rapport, notre personnel approfondit ses connaissances de diverses questions. Le présent document de recherche vise à transmettre les informations que notre bureau a recueillies auprès de sources publiques et lors d’entretiens avec des parties prenantes à propos de la présentation d’informations financières liées au climat.

Étendue et méthode

Dans le cadre de la recherche, nous avons examiné le rôle de la présentation d’informations financières liées au climat dans les marchés financiers, ainsi que les cadres utilisés pour présenter ces informations. Nous avons également mesuré les progrès réalisés au Canada en matière de présentation d’informations financières liées au climat, en établissant des comparaisons avec d’autres lois et initiatives en vigueur ailleurs dans le monde.

Nous avons procédé à un examen de la documentation et des travaux du gouvernement portant sur la présentation d’informations financières liées au climat, notamment les cadres régissant la présentation de ce type d’informations, les lois étrangères, et des rapports sectoriels connexes. Nous avons aussi passé en revue un grand nombre de publications de recherche sur la réglementation concernant les changements climatiques. Nous avons également discuté de la présentation d’informations financières liées au climat avec des parties prenantes concernées.

Nous n’avons pas examiné la réglementation prudentielle au Canada, ni d’autres sujets environnementaux, comme la biodiversité, ni d’autres questions liées à l’environnement, à la société et à la gouvernance.

Période visée par le document de recherche

Le document de recherche a porté sur la période allant du 1er janvier 2015 au 4 avril 2022.

Équipe de recherche

Directeur principal : Philippe Le Goff
Directeur : Mathieu Lequain
Professionnel de l’audit principal : Brian Caire

Références choisies

Banque du Canada et Bureau du surintendant des institutions financières. Utiliser l’analyse de scénarios pour évaluer les risques liés à la transition climatique : Rapport final du projet pilote d’analyse de scénarios climatiques réalisé par la Banque du Canada et le Bureau du surintendant des institutions financièresBSIF. 2022.

Banque de France. Obligation de transparence des institutions financières sur leur empreinte climatique et financement des énergies fossiles. Document de travail numérono 800. 1er janvier 2021.

The Economist Intelligence Unit. The cost of inaction: Recognising the value at risk from climate change. [disponible en anglais seulement]

Environnement et Changement climatique Canada. Un environnement sain et une économie saine.

Environnement et Changement climatique Canada. Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. 2016.

International Financial Reporting StandardsIFRS Foundation. « IFRS Foundation announces International Sustainability Standards Board, consolidation with Climate Disclosure Standards BoardCDSB and Value Reporting FoundationVRF, and publication of prototype disclosure requirements ». Communiqué de presse. 3 novembre 2021. [disponible en anglais seulement]

International Energy Agency. Energy and Climate Change: World Energy Outlook Special Briefing for 21st Conference of the PartiesCOP21. 2015. [disponible en anglais seulement]

Ontario Securities Commission. National Instrument 58-101: Disclosure of Corporate Governance Practices. 2016. [disponible en anglais seulement]

Organisation de coopération et de développement économiques. Managing Environmental and Energy Transitions for Regions and Cities. 18 novembre 2020. [disponible en anglais seulement]

Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques. Final Report : Recommendations. Juin 2017. [disponible en anglais seulement]

Définitions :