Automne 2018 — Rapports du vérificateur général du Canada au Parlement du Canada Rapport de l’auditeur indépendantRapport 3 — La force aérienne de combat du Canada — Défense nationale

Automne 2018 — Rapports du vérificateur général du Canada au Parlement du CanadaRapport 3 — La force aérienne de combat du Canada — Défense nationale

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Rapport de l’auditeur indépendant

Introduction

Information générale

3.1 La Défense nationale, qui comprend les Forces armées canadiennes et le ministère de la Défense nationale, protège la population canadienne et la souveraineté du pays. La Défense nationale contribue aussi à la défense de l’Amérique du Nord ainsi qu’à la paix et à la stabilité dans le monde en tant que membre du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) et de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Pour honorer ces engagements, la Défense nationale doit disposer d’une force de chasse efficace, c’est-à-dire qu’elle doit avoir des aéronefs et un personnel aptes au combat. Au printemps 2018, l’Aviation royale canadienne disposait de 76 appareils CF-18 et comptait plus de 1 450 militaires et civils contribuant à la capacité de combat.

3.2 L’Aviation royale canadienne doit disposer d’un nombre minimum d’avions de chasse et de membres du personnel en alerte afin de défendre la souveraineté du pays et de répondre rapidement aux menaces contre l’Amérique du Nord. Elle doit aussi avoir des aéronefs qui sont prêts à répondre en cas d’urgence, à se déployer dans le cadre d’opérations internationales avec nos alliés ou à servir à l’entraînement.

3.3 Le Canada a acheté ses CF-18 au début des années 1980. À cette époque, il était prévu de les remplacer au bout d’environ 20 années de service. Des projets de modernisation de ces appareils ont retardé la date de leur mise hors service. En 2010, le gouvernement a annoncé son intention d’acheter 65 avions de chasse F-35 pour remplacer les CF-18 d’ici 2020. Vu que le gouvernement n’avait toujours pas décidé, en 2014, d’acquérir les aéronefs de remplacement, la Défense nationale a reporté la date prévue de mise hors service des CF-18 jusqu’en 2025. En décembre 2017, le gouvernement a annoncé qu’il avait l’intention de lancer un appel d’offres pour acquérir 88 nouveaux avions de chasse en remplacement des CF-18 d’ici 2032.

3.4 En 2012, le rapport d’audit du Bureau du vérificateur général du Canada sur le remplacement des avions de combat du Canada a été déposé au Parlement. L’audit avait examiné la participation du pays au programme d’avions de combat interarmées et le processus décisionnel visant à acquérir des appareils F-35. L’audit avait conclu que la Défense nationale n’avait pas fait preuve de diligence raisonnable dans sa gestion du processus de remplacement de la flotte de CF-18, et que Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (à présent Services publics et Approvisionnement Canada) n’avait pas non plus fait preuve de diligence raisonnable en tant que responsable des achats du gouvernement.

Objet de l’audit

3.5 Le présent audit visait à déterminer si la Défense nationale avait géré les risques liés à la flotte des avions de chasse du Canada de manière à pouvoir respecter les engagements du pays auprès du NORAD et de l’OTAN jusqu’à ce qu’une flotte de remplacement soit opérationnelle.

3.6 Cet audit est important parce que le gouvernement du Canada a déterminé qu’une flotte d’avions de chasse constituait une capacité essentielle des Forces armées canadiennes. Pour se doter de cette capacité, l’Aviation royale canadienne a besoin de suffisamment de pilotes pour faire voler les avions de chasse et d’assez de techniciens pour en assurer l’entretien et les réparations. Elle a aussi besoin d’avions de chasse en nombre suffisant pour pouvoir contrôler le vaste espace aérien du Canada et contribuer en même temps à des opérations internationales.

3.7 Nous n’avons pas examiné le processus que le gouvernement a lancé en 2017 pour acheter les 88 avions de chasse de remplacement. Nous n’avons pas fait un suivi de la recommendation formulée dans notre rapport de 2012 sur le remplacement des avions de combat du Canada. Nous n’avons pas non plus examiné la participation continue du Canada au programme d’avions de combat interarmées.

3.8 La section intitulée À propos de l’audit, à la fin du présent rapport, donne des précisions sur l’objectif, l’étendue, la méthode et les critères de l’audit.

Constatations, recommandations et réponses

Message général

3.9 En 2016, le gouvernement du Canada a demandé à la Défense nationale d’avoir chaque jour un nombre suffisant d’appareils de combat disponibles pour répondre au niveau d’alerte le plus élevé du NORAD et honorer dans le même temps l’engagement du Canada envers l’OTAN. Pour pouvoir répondre à cette demande, la Défense nationale devrait augmenter de 23 % le nombre d’avions de chasse disponibles pour ses opérations. Cette nouvelle exigence opérationnelle a été instaurée à un moment où l’Aviation royale canadienne était confrontée à une pénurie croissante de pilotes et de techniciens formés et expérimentés. De plus, la flotte actuelle des CF-18 a déjà plus de 30 ans, la vulnérabilité de ces appareils continuera de s’aggraver et aucun plan n’est prévu pour améliorer leur capacité de combat.

3.10 Afin d’avoir le nombre d’appareils nécessaire pour satisfaire à la nouvelle exigence opérationnelle, le gouvernement a axé ses efforts sur l’augmentation du nombre d’aéronefs. Le plan initial du gouvernement prévoyait l’achat de 18 nouveaux chasseurs Super Hornet, même si l’analyse de la Défense nationale indiquait que ce plan n’aiderait pas l’Aviation royale canadienne à satisfaire à la nouvelle exigence opérationnelle et qu’il aggraverait la pénurie de personnel. Le gouvernement prévoit désormais acheter à l’Australie des avions de chasse d’occasion, qui ont le même âge et les mêmes limites opérationnelles que les CF-18 en service à l’heure actuelle dans l’Aviation royale canadienne.

3.11 La Défense nationale prévoit consacrer près de 3 milliards de dollars, qui viennent s’ajouter aux budgets existants, pour prolonger la durée de vie de la flotte actuelle et pour acheter, exploiter et entretenir des appareils pour un usage provisoire. Toutefois, elle n’a aucun plan pour surmonter les plus grands obstacles au respect de la nouvelle exigence opérationnelle, à savoir la pénurie de pilotes et le déclin de la capacité de combat de ses aéronefs. Même si la Défense nationale a des plans pour contrer certains risques, les investissements décidés ne suffiront pas pour lui permettre d’avoir chaque jour un nombre suffisant d’appareils disponibles afin de répondre au niveau d’alerte le plus élevé du NORAD et honorer dans le même temps l’engagement du Canada envers l’OTAN.

Gérer la force de chasse

La Défense nationale n’était pas en mesure de répondre à la nouvelle exigence relative à la force de chasse du Canada

3.12 Nous avons constaté que la force de chasse du Canada n’était pas en mesure de satisfaire à la nouvelle exigence opérationnelle instaurée par le gouvernement, soit avoir chaque jour un nombre suffisant d’appareils disponibles pour répondre au niveau d’alerte le plus élevé du NORAD et honorer dans le même temps l’engagement du Canada envers l’OTAN. La force de chasse ne pouvait pas satisfaire l’exigence, parce que la Défense nationale manquait déjà de personnel et que les CF-18 étaient vieux et de plus en plus difficiles à entretenir. Nous avons aussi constaté que la solution proposée par le gouvernement, à savoir acheter des aéronefs pour un usage provisoire, ne permettra de régler ni la pénurie de personnel ni le vieillissement de la flotte.

3.13 Notre analyse à l’appui de cette constatation rend compte de ce que nous avons examiné et porte sur :

3.14 Cette constatation est importante parce que la Défense nationale a besoin de suffisamment de personnel formé et expérimenté, qui est à même de préparer et de piloter le nombre d’avions de chasse dont elle a besoin pour satisfaire à la nouvelle exigence opérationnelle du gouvernement et qui est en mesure de se préparer au passage à la flotte de remplacement.

3.15 Notre recommandation relativement au secteur examiné est présentée au paragraphe 3.33.

3.16 Ce que nous avons examiné — Nous avons examiné si la Défense nationale avait déterminé et analysé les options pour gérer les risques liés au respect des engagements simultanés du Canada en matière de défense auprès du NORAD et de l’OTAN.

3.17 La nouvelle exigence opérationnelle — Le Canada fait partie du NORAD et de l’OTAN depuis de nombreuses années. Avant 2016, la Défense nationale menait ses opérations en faisant de son engagement auprès du NORAD sa plus haute priorité. Le nombre d’aéronefs nécessaires pour honorer cet engagement dépendait du niveau d’alerte décrété par le NORAD. Lorsque ce niveau d’alerte était faible, la force de chasse bénéficiait d’une flexibilité opérationnelle qui lui permettait de former et d’entraîner son personnel ou de déployer des aéronefs pour le compte de l’OTAN, au besoin.

3.18 En raison de cette approche, entre mars 2014 et novembre 2016, le nombre moyen d’avions de chasse préparés chaque jour par les techniciens en vue d’opérations variait, et ce, en fonction de plusieurs facteurs, notamment les impératifs opérationnels et d’entraînement, la disponibilité des pièces de rechange et les conditions météorologiques.

3.19 En 2016, le gouvernement du Canada a demandé à la Défense nationale d’avoir chaque jour un nombre suffisant d’appareils de combat disponibles pour répondre au niveau d’alerte le plus élevé du NORAD et honorer dans le même temps l’engagement du Canada envers l’OTAN. Même s’il n’y avait aucun calendrier pour satisfaire à cette nouvelle exigence opérationnelle, il s’agissait d’un changement significatif, car il est survenu à un moment où l’Aviation royale canadienne manquait déjà de personnel, gérait une flotte vieillissante et n’avait pas encore trouvé une flotte de remplacement. Ce changement devrait réduire la flexibilité opérationnelle et obliger la Défense nationale à augmenter de 23 % le nombre d’appareils disponibles.

3.20 Le personnel — Même avant l’instauration de la nouvelle exigence opérationnelle, la force de chasse ne disposait pas d’un nombre suffisant de techniciens et de pilotes expérimentés. Selon la Défense nationale, en date d’avril 2018, 22 % des postes de technicien dans les escadrons de CF-18 étaient vacants (8 %) ou occupés par des techniciens qui n’étaient pas encore entièrement qualifiés pour s’occuper de l’entretien (14 %). Nous avons constaté qu’entre décembre 2016 et avril 2018, les techniciens des CF-18 avaient été en mesure de préparer en moyenne environ 83 % des aéronefs nécessaires pour satisfaire à la nouvelle exigence.

3.21 Une analyse de la Défense nationale effectuée en 2016 indiquait qu’il serait possible d’accroître le nombre d’appareils disponibles sur une période de plusieurs années en investissant dans la formation d’un plus grand nombre de techniciens et en faisant appel à des sous-traitants pour certains travaux généralement réalisés par des techniciens. En 2017, la Défense nationale a approuvé un plan de 628 millions de dollars pour augmenter le nombre d’appareils disponibles. Au moment de notre audit, le plan en était encore à ses débuts et il était trop tôt pour que nous puissions évaluer s’il fonctionnerait.

3.22 Depuis 2014, les départs de techniciens de CF-18 expérimentés ont réduit l’expertise globale de la force de chasse, ce qui a nui à l’entretien de la flotte. En raison de ces départs, le nombre moyen d’heures de maintenance nécessaires pour chaque heure de vol d’un CF-18 est passé de 21 à 24 entre 2014 et 2018. De plus, à mesure que la flotte vieillit, il va devenir de plus en plus long et difficile pour les techniciens d’entretenir les CF-18.

3.23 Si le nombre de techniciens expérimentés affectés à l’entretien n’augmente pas, le nombre d’heures de vol que pourra effectuer chaque pilote de CF-18 diminuera. Afin de préserver et d’acquérir les nouvelles compétences pour le maintien de la capacité de la force de chasse, les pilotes de CF-18 doivent effectuer 140 heures de vol par année. Nous avons constaté que durant l’exercice 2017-2018, 28 % des pilotes avaient enregistré moins d’heures de vol que le nombre minimal de 140 heures requis. Selon la Défense nationale, l’une des raisons de cette diminution des heures de vol était la pénurie de techniciens assurant l’entretien des aéronefs.

3.24 De plus, la Défense nationale a déterminé qu’elle disposait de seulement 64 % des pilotes de CF-18 qualifiés dont elle avait besoin pour satisfaire à la nouvelle exigence du gouvernement, et devrait donc augmenter considérablement le nombre de pilotes qui sont formés. Or elle n’est vraisemblablement pas en mesure de le faire, car le rythme auquel les pilotes quittent la force de chasse est plus rapide que celui auquel elle peut en former de nouveaux. Selon la Défense nationale, entre avril 2016 et mars 2018, l’Aviation royale canadienne a perdu 40 pilotes de chasse qualifiés et en a formé seulement 30 nouveaux. Depuis, 17 autres pilotes de chasse sont partis ou ont manifesté leur intention de le faire.

3.25 La Défense nationale avait un plan annuel de recrutement à divers postes, y compris à des postes de pilote. Toutefois, il n’existait aucun plan pour régler expressément le grave problème que posait le manque de pilotes de CF-18. Si les pilotes de cet appareil continuent de quitter l’Aviation royale canadienne à ce rythme, il n’y aura pas assez de pilotes expérimentés pour former la prochaine génération de pilotes de chasse, et la Défense nationale n’aura pas suffisamment de pilotes pour être en mesure de respecter l’exigence du gouvernement de répondre au niveau d’alerte le plus élevé du NORAD et d’honorer dans le même temps l’engagement du Canada envers l’OTAN.

3.26 À notre avis, la pénurie de techniciens et de pilotes formés, conjuguée aux difficultés qu’engendre l’entretien d’une flotte vieillissante, empêchera la Défense nationale de satisfaire à la nouvelle exigence du gouvernement. Même si le plan visant à accroître le nombre de techniciens réussissait, nous avons constaté qu’il n’y avait aucun plan pour accroître le nombre de pilotes de CF-18. Par conséquent, vu la pénurie de pilotes et les limites du système d’entraînement, la Défense nationale sera incapable de satisfaire à la nouvelle exigence opérationnelle durant de nombreuses années.

3.27 Des aéronefs pour un usage provisoire — En novembre 2016, le gouvernement a annoncé qu’il entamerait des discussions avec la société Boeing et le gouvernement des États-Unis relativement à l’achat de 18 nouveaux chasseurs Super Hornet. Il s’agissait de résoudre le problème relevé par le gouvernement, qui empêchait la Défense nationale de satisfaire à la nouvelle exigence opérationnelle : l’écart entre le nombre moyen de CF-18 disponibles chaque jour et le nombre d’avions requis pour répondre au niveau d’alerte le plus élevé du NORAD et honorer dans le même temps l’engagement du Canada envers l’OTAN. Cette nouvelle exigence avait été décrétée alors que la flotte de CF-18 ne pourrait pas y répondre avant plusieurs années en raison du manque de personnel.

3.28 L’analyse de la Défense nationale a démontré que l’achat des Super Hornet ne permettrait pas à lui seul au Ministère de se conformer à la nouvelle exigence opérationnelle. Le Ministère a affirmé que les Super Hornet diminueraient dans un premier temps le nombre d’aéronefs disponibles chaque jour, au lieu de l’augmenter, parce que les techniciens et les pilotes devraient être retirés des CF-18 pour recevoir une formation sur les nouveaux appareils.

3.29 L’analyse de la Défense nationale soutenait aussi qu’une fois la flotte de Super Hornet mise en service, le Ministère ne serait toujours pas en mesure de préparer les aéronefs nécessaires chaque jour pour répondre à la nouvelle exigence, en raison de la pénurie de personnel formé pour entretenir la flotte de CF-18. Le Ministère a indiqué qu’il avait besoin de plus de techniciens et de pilotes qualifiés, et non d’un plus grand nombre d’avions de chasse.

3.30 À la suite d’un différend commercial en 2017, le gouvernement du Canada a décidé de ne pas acheter de Super Hornet. À la même époque, le gouvernement australien a proposé de vendre au Canada 18 aéronefs F/A-18 excédentaires. La Défense nationale a donc commencé à évaluer s’il était possible d’acquérir et de modifier les appareils australiens pour répondre aux besoins du Canada. En décembre 2017, le gouvernement a annoncé son intention d’acheter 18 F/A-18 australiens et des pièces de rechange. La Défense nationale a déterminé que les F/A-18 australiens, dont l’âge et la conception étaient semblables à ceux des CF-18, pouvaient être modifiés pour être rendus presque identiques aux aéronefs de la flotte du Canada. Le coût total estimatif de l’acquisition et de la modification de ces appareils s’élevait à 471 millions de dollars canadiens, et 558 millions de dollars canadiens de plus étaient nécessaires pour les rendre opérationnels jusqu’en 2032.

3.31 Selon la Défense nationale, l’achat des F/A-18 australiens lui permettrait d’avoir un plus grand nombre d’appareils et de pièces de rechange pour contribuer à la gestion de la flotte de CF-18. Toutefois, cet achat ne réglera pas les faiblesses fondamentales de la flotte : le déclin de la capacité de combat des aéronefs et la pénurie de personnel. Il faudra modifier et mettre à niveau les F/A-18 australiens pour qu’ils puissent rester en service jusqu’en 2032. Ces modifications amèneront les F/A-18 au même niveau que les CF-18, sans toutefois améliorer la capacité de combat de ces appareils. Par ailleurs, la Défense nationale ne dispose toujours pas d’un nombre suffisant de techniciens pour entretenir ces appareils ni de pilotes pour les faire voler.

3.32 À notre avis, l’achat d’aéronefs pour un usage provisoire n’aide pas la Défense nationale à satisfaire systématiquement à la nouvelle exigence instaurée en 2016. Sans un plus grand nombre de techniciens et de pilotes, cette mesure aura un effet minime sur les opérations de la force de chasse.

3.33 Recommandation — La Défense nationale devrait élaborer et mettre en œuvre des stratégies de recrutement et de maintien en poste des techniciens et des pilotes de la force de chasse pour lui permettre de satisfaire aux exigences opérationnelles et de se préparer au passage à la flotte de remplacement.

Réponse du Ministère — Recommandation acceptée. La Défense nationale mettra en œuvre des plans pour augmenter le nombre de techniciens et de pilotes dans la force de chasse. Des mesures initiales ont déjà été prises, telles que l’initiative de renouvellement du maintien des capacités des chasseurs, qui ajoutera plus de 200 techniciens aux escadrons de première ligne, ainsi que les nouveaux efforts de recrutement, et la stratégie et les initiatives de maintien en poste devant être achevés à l’automne 2019. En outre, la nouvelle politique de défense du Canada, Protection, Sécurité, Engagement, comprend une initiative visant à augmenter la force de chasse de 200 postes supplémentaires.

La Défense nationale n’avait pas de plan pour moderniser la capacité de combat des CF-18 même si ces aéronefs devraient rester opérationnels jusqu’en 2032

3.34 Nous avons constaté que la capacité de combat des CF-18 n’avait pas été améliorée de manière significative depuis 2008, notamment parce que la Défense nationale prévoyait qu’une flotte de remplacement serait opérationnelle d’ici 2020. La Défense nationale n’a donc pas établi de plan pour mettre à niveau la capacité de combat de ces aéronefs, et ce, même si les CF-18 devront désormais pouvoir voler jusqu’en 2032. Selon le Ministère, si la flotte n’est pas modernisée, les CF-18 deviendront plus vulnérables à mesure que des avions de chasse et des systèmes de défense aérienne avancés seront mis au point et utilisés par d’autres pays.

3.35 Notre analyse à l’appui de cette constatation rend compte de ce que nous avons examiné et porte sur :

3.36 Cette constatation est importante parce que le fait de disposer d’une force de chasse apte au combat est important pour la sécurité nationale du Canada et pour la capacité de la Défense nationale d’honorer les engagements du pays auprès du NORAD et de l’OTAN. Pour être efficace, un avion de chasse doit pouvoir mener des opérations avec les alliés, avoir un effet dissuasif réel et être en mesure d’affronter et de vaincre des adversaires potentiels.

3.37 Notre recommandation relativement au secteur examiné est présentée au paragraphe 3.50.

3.38 Ce que nous avons examiné — Nous avons examiné si la Défense nationale avait géré la flotte de CF-18 de manière à pouvoir honorer les engagements du Canada en matière de défense auprès du NORAD et de l’OTAN. Nous avons examiné si la Défense nationale avait géré les risques liés à :

3.39 La capacité de combat — Le CF-18 est le seul avion de chasse utilisé par le Canada pour mener des opérations militaires au pays et à l’étranger. Un avion de chasse doit pouvoir repérer, surveiller et vaincre les menaces, en plus de survivre en situation de combat. L’évolution des menaces, particulièrement au chapitre des nouvelles technologies, nécessite d’investir pour préserver la capacité de combat des appareils.

3.40 Hormis l’intégration de quelques nouvelles armes lors de l’intervention du Canada en Libye en 2011, la Défense nationale n’a pas amélioré de manière notable la capacité de combat des CF-18 depuis 2008. Une des raisons était qu’elle prévoyait d’avoir remplacé la flotte d’ici 2020.

3.41 Nous avons constaté que la Défense nationale n’avait pas gardé à niveau la capacité des CF-18 en fonction des avions de chasse et des systèmes de défense aérienne les plus modernes. Par exemple, certains avions de chasse modernes sont plus difficilement détectables par radar que les CF-18 et peuvent repérer une cible à une plus grande distance.

3.42 Selon la Défense nationale, les CF-18 seront désavantagés par rapport à plusieurs adversaires potentiels et leur capacité de combat continuera de se dégrader au cours des années 2020 et au début des années 2030. Les alliés du Canada devraient réduire ou éliminer les menaces pesant sur le CF-18 avant que celui-ci puisse fonctionner dans certains environnements, ce qui limiterait la contribution du pays dans le cadre des opérations du NORAD et de l’OTAN.

3.43 La prolongation de la durée de vie des CF-18 — La Défense nationale a l’information sur la mécanique, les technologies et les fonctionnalités des CF-18. Elle tient des systèmes pour surveiller chaque appareil et ses composantes afin de déterminer quand il faut remplacer des pièces et procéder à des inspections et à des révisions majeures de la structure.

3.44 En 2014, la Défense nationale a évalué si la flotte de CF-18 pourrait voler au-delà de 2020. Elle a conclu que le report de la date de mise hors service des appareils jusqu’en 2025 posait un risque faible à l’égard des coûts et des aspects techniques, et un risque modéré pour les opérations. L’analyse de la Défense nationale indiquait aussi qu’un nouveau report de la mise hors service des appareils serait possible jusqu’en 2030 sur le plan technique, mais que ce serait risqué et coûteux. En fonction de cette analyse et en l’absence de décision du gouvernement au sujet d’une nouvelle flotte, la Défense nationale a décidé de reporter la date de mise hors service des CF-18 jusqu’en 2025.

3.45 La Défense nationale a recensé les améliorations à apporter aux CF-18 pour qu’ils puissent continuer de voler jusqu’à la nouvelle date de mise hors service, en 2025. Toutefois, le Ministère a supprimé du projet les améliorations à la capacité de combat, car les coûts suscitaient de l’inquiétude, il lui était difficile de trouver des partenaires de mise en œuvre et il prévoyait la mise en service des avions de chasse de remplacement au plus tard en 2025.

3.46 Selon l’échéancier actuel d’approvisionnement du gouvernement, la Défense nationale devra de nouveau reporter la date de mise hors service des CF-18, et ce, jusqu’en 2032. Ce report est nécessaire pour terminer la transition vers la flotte de chasse de remplacement. En 2032, les CF-18 auront environ 50 ans et leurs technologies de combat, si elles ne sont pas mises à niveau, auront 15 ans de retard de plus.

3.47 Afin de reporter la date de mise hors service des CF-18 jusqu’en 2032, la Défense nationale a prévu qu’il faudrait relever le seuil de fatigue actuelle de ces appareils. Cela demandera au Ministère de surveiller régulièrement la fatigue des CF-18 en fonction de l’usage, de remplacer les composantes obsolètes et d’effectuer un plus grand nombre d’heures d’entretien pour chaque aéronef.

3.48 En 2017, la Défense nationale a estimé que la prolongation de la durée de vie des 76 CF-18 jusqu’en 2032 coûterait 1,2 milliard de dollars. Ce montant comprend le coût des pièces de rechange et des améliorations à la structure et aux systèmes avioniques et électriques, mais pas le coût de l’amélioration de la capacité de combat des aéronefs.

3.49 Si la capacité de combat des appareils n’est pas améliorée, les CF-18 seront moins efficaces pour contrer des adversaires dans le cadre d’opérations nationales et internationales. À notre avis, le maintien en service des CF-18 jusqu’en 2032 sans disposer d’un plan pour améliorer leur capacité de combat amènera la force de chasse à jouer des rôles moins importants et compromettra la capacité du Canada à contribuer aux opérations du NORAD et de l’OTAN.

3.50 Recommandation — La Défense nationale devrait analyser les améliorations à apporter aux CF-18 pour en assurer la pertinence opérationnelle jusqu’en 2032, et devrait faire approuver celles qui sont adéquates et réalisables.

Réponse du Ministère — Recommandation acceptée. La Défense nationale cherche à faire approuver un certain nombre de mises à niveau afin de répondre aux exigences réglementaires et d’interopérabilité lui permettant de continuer à piloter les CF-18 jusqu’en 2032. De plus, l’Aviation royale canadienne effectue une analyse pour évaluer les mises à niveau nécessaires pour le combat pouvant être mises en œuvre afin de faire face aux défis croissants posés par l’évolution des menaces. Cette analyse, qui devrait être achevée d’ici le printemps 2019, tiendra compte des projets de transition vers de futurs besoins en matière d’avions de chasse au milieu des années 2020.

Conclusion

3.51 Nous avons conclu que la Défense nationale n’avait pas pris de mesures suffisantes pour gérer les risques liés à la flotte des avions de chasse du Canada de manière à pouvoir respecter les engagements du pays auprès du NORAD et de l’OTAN jusqu’à ce qu’une flotte de remplacement soit opérationnelle.

3.52 La Défense nationale n’a pas fait le nécessaire, notamment en raison de facteurs indépendants de sa volonté. Vu l’incertitude entourant la date de remplacement de la flotte d’avions de chasse et l’élargissement des exigences opérationnelles instaurées par le gouvernement en 2016, la Défense nationale se retrouve dans une situation qui compliquera la gestion des risques jusqu’à ce qu’une flotte de remplacement soit opérationnelle.

3.53 Même si la Défense nationale a des plans pour contrer certains risques comme la pénurie de techniciens, les investissements décidés ne suffiront pas pour lui permettre d’avoir chaque jour un nombre suffisant d’appareils disponibles afin de répondre au niveau d’alerte le plus élevé du NORAD et d’honorer dans le même temps l’engagement du Canada envers l’OTAN. La Défense nationale s’attend à dépenser près de 3 milliards de dollars, en plus des budgets actuels, sans avoir de plan pour surmonter les plus grands obstacles au respect de la nouvelle exigence opérationnelle : la pénurie de pilotes et le déclin de la capacité de combat des CF-18.

Événement postérieur

3.54 Nous avons indiqué au paragraphe 3.25 du présent rapport qu’aucun plan n’avait été élaboré pour régler expressément le grave problème que posait le manque de pilotes de CF-18. Après notre période d’audit, la Défense nationale nous a informés qu’elle avait approuvé, en septembre 2018, un plan pour remédier à la baisse des niveaux d’expérience des pilotes de la force de chasse. Toutefois, ce plan n’aborde pas le besoin d’augmenter le nombre global de pilotes de CF-18.

À propos de l’audit

Le présent rapport de certification indépendant sur la force aérienne de combat du Canada a été préparé par le Bureau du vérificateur général du Canada. La responsabilité du Bureau était de donner de l’information, une assurance et des avis objectifs au Parlement en vue de l’aider à examiner soigneusement la gestion que fait le gouvernement des ressources et des programmes et d’exprimer une conclusion quant à la conformité de la Défense nationale, dans tous ses aspects importants, aux critères applicables.

Tous les travaux effectués dans le cadre du présent audit ont été réalisés à un niveau d’assurance raisonnable conformément à la Norme canadienne de missions de certification (NCMC) 3001 — Missions d’appréciation directe de Comptables professionnels agréés du Canada (CPA Canada), qui est présentée dans le Manuel de CPA Canada — Certification.

Le Bureau applique la Norme canadienne de contrôle qualité 1 et, en conséquence, maintient un système de contrôle qualité exhaustif qui comprend des politiques et des procédures documentées en ce qui concerne la conformité aux règles de déontologie, aux normes professionnelles et aux exigences légales et réglementaires applicables.

Lors de la réalisation de nos travaux d’audit, nous nous sommes conformés aux règles sur l’indépendance et aux autres règles de déontologie des codes de conduite pertinents applicables à l’exercice de l’expertise comptable au Canada, qui reposent sur les principes fondamentaux d’intégrité, d’objectivité, de compétence professionnelle et de diligence, de confidentialité et de conduite professionnelle.

Conformément à notre processus d’audit, nous avons obtenu ce qui suit de la direction de l’entité :

Objectif de l’audit

L’objectif de l’audit consistait à déterminer si la Défense nationale avait géré les risques liés à la flotte des avions de chasse du Canada de manière à pouvoir respecter les engagements du gouvernement auprès du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) et de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) jusqu’à ce qu’une flotte de remplacement soit opérationnelle.

Étendue et méthode

L’audit a examiné les mesures prises par la Défense nationale pour gérer les risques liés à la flotte des avions de chasse de manière à pouvoir respecter les engagements du gouvernement auprès du NORAD et de l’OTAN pendant le passage à une flotte de remplacement.

Nous avons examiné les mesures prises par la Défense nationale pour gérer les risques, notamment :

Nous avons aussi examiné les informations préparées pour éclairer les décisions, notamment :

Nous avons mené des entretiens avec des responsables de la Défense nationale et des membres des Forces armées canadiennes à Ottawa, à Winnipeg, à Bagotville et à Cold Lake.

Critères

Pour déterminer si la Défense nationale avait géré les risques liés à la flotte des avions de chasse du Canada de manière à pouvoir respecter les engagements du pays auprès du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) et de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) jusqu’à ce qu’une flotte de remplacement soit opérationnelle, nous avons utilisé les critères suivants :

Critères Sources

La Défense nationale recense les exigences auxquelles la flotte d’avions de chasse doit satisfaire afin de permettre au gouvernement de respecter ses engagements auprès du NORAD et de l’OTAN.

  • Protection, Sécurité, Engagement : La politique de défense du Canada, 2017
  • Plan de la Défense 2016-2019
  • Aviation royale canadienne, Directive sur la posture de force et la disponibilité opérationnelle
  • Défense nationale, Directive d’approbation des projets
  • Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Guide de gestion du matériel

La Défense nationale élabore et met en œuvre des plans pour gérer les risques liés à la flotte de CF-18 afin de permettre au gouvernement de respecter ses engagements auprès du NORAD et de l’OTAN jusqu’à ce que la flotte de remplacement soit complètement opérationnelle.

  • Protection, Sécurité, Engagement : La politique de défense du Canada, 2017
  • Plan de la Défense 2016-2019
  • Aviation royale canadienne, Directive sur la posture de force et la disponibilité opérationnelle
  • Défense nationale, Directive d’approbation des projets
  • Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Cadre stratégique de gestion du risque
  • Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Cadre de politique sur la gestion des actifs et services acquis
  • Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Guide de gestion du matériel

La Défense nationale recense des domaines pour la gestion des risques et élabore des plans pour que la flotte de remplacement des CF-18 atteigne sa capacité opérationnelle initiale au plus tard en 2026.

  • Protection, Sécurité, Engagement : La politique de défense du Canada, 2017
  • Plan de la Défense 2016-2019
  • Défense nationale, Directive d’approbation des projets
  • Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Cadre de politique sur la gestion des actifs et services acquis
  • Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Guide de gestion du matériel

La Défense nationale produit des analyses en temps opportun pour éclairer les décisions concernant la flotte d’avions de chasse du Canada.

  • Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Cadre stratégique de gestion du risque
  • Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Politique sur la gestion du matériel
  • Défense nationale, Directive d’approbation des projets

Période visée par l’audit

L’audit a porté sur la période allant du 1er janvier 2014 au 30 juin 2018. Il s’agit de la période à laquelle s’applique la conclusion de l’audit.

Date du rapport

Nous avons fini de rassembler les éléments probants suffisants et appropriés à partir desquels nous avons fondé notre conclusion le 25 septembre 2018, à Ottawa, au Canada.

Équipe d’audit

Directrice principale : Casey Thomas

Shayna Gersher
Merkevia Isaac
John McGrath
Robyn Meikle

Tableau des recommandations

Le tableau qui suit regroupe les recommandations et les réponses apparaissant dans le présent rapport. Le numéro qui précède chaque recommandation correspond au numéro du paragraphe de la recommandation dans le rapport. Les chiffres entre parenthèses correspondent au numéro des paragraphes où le sujet de la recommandation est abordé.

Gérer la force de chasse

Recommandation Réponse

3.33 La Défense nationale devrait élaborer et mettre en œuvre des stratégies de recrutement et de maintien en poste des techniciens et des pilotes de la force de chasse pour lui permettre de satisfaire aux exigences opérationnelles et de se préparer au passage à la flotte de remplacement. (3.12 à 3.32)

Réponse du Ministère — Recommandation acceptée. La Défense nationale mettra en œuvre des plans pour augmenter le nombre de techniciens et de pilotes dans la force de chasse. Des mesures initiales ont déjà été prises, telles que l’initiative de renouvellement du maintien des capacités des chasseurs, qui ajoutera plus de 200 techniciens aux escadrons de première ligne, ainsi que les nouveaux efforts de recrutement, et la stratégie et les initiatives de maintien en poste devant être achevés à l’automne 2019. En outre, la nouvelle politique de défense du Canada, Protection, Sécurité, Engagement, comprend une initiative visant à augmenter la force de chasse de 200 postes supplémentaires.

3.50 La Défense nationale devrait analyser les améliorations à apporter aux CF-18 pour en assurer la pertinence opérationnelle jusqu’en 2032, et devrait faire approuver celles qui sont adéquates et réalisables. (3.34 à 3.49)

Réponse du Ministère — Recommandation acceptée. La Défense nationale cherche à faire approuver un certain nombre de mises à niveau afin de répondre aux exigences réglementaires et d’interopérabilité lui permettant de continuer à piloter les CF-18 jusqu’en 2032. De plus, l’Aviation royale canadienne effectue une analyse pour évaluer les mises à niveau nécessaires pour le combat pouvant être mises en œuvre afin de faire face aux défis croissants posés par l’évolution des menaces. Cette analyse, qui devrait être achevée d’ici le printemps 2019, tiendra compte des projets de transition vers de futurs besoins en matière d’avions de chasse au milieu des années 2020.