Les rapports du Bureau du vérificateur général du CanadaBVG parus dans le passé sont conservés dans Publications.gc.ca.
Institute of Public Administration of Canada
National Capital Region Chapter 2003 Allocution - Allocution de Sheila Fraser, FCA, vérificatrice générale du Canada - Institut d'administration publique du Canada Section de la région de la capitale nationale
Institut d'administration publique du Canada
Section de la région de la capitale nationale
Notes pour une allocution par Sheila Fraser, FCA, Vérificatrice générale du Canada, 18 mars 2003, Ottawa (Ontario)
Bonjour tout le monde.
Je vous remercie de votre aimable accueil.
Je suis ravie d'avoir l'occasion de prendre la parole devant un auditoire qui, comme moi, s'intéresse vivement à la gestion du secteur public et à la façon dont nous pouvons tous l'améliorer.
L'automne dernier, j'ai été invitée à prendre la parole devant vos collègues de la section de Calgary de l'Institut et j'ai beaucoup apprécié les échanges stimulants que nous avons eus au sujet de questions actuelles dans le domaine de l'administration publique. J'ai hâte de connaître votre point de vue.
Comme vous le savez, il y a relativement peu de temps que je suis vérificatrice générale. Avant ma nomination à ce poste, j'ai été vérificatrice dans le secteur privé pendant 27 ans.
Avant d'être vérificatrice générale, je ne crois pas que je saisissais pleinement les défis que pose une organisation aussi gigantesque et complexe que l'administration fédérale.
Je ne connaissais pas non plus la longue et insigne histoire du Bureau du vérificateur général, qui date d'un peu plus d'un siècle.
Je n'aurais pas pu prédire non plus qu'un jour je finirais par détenir ce poste et qu'en cela, je suivrais les traces du cousin de mon grand-père, John Fraser, qui fut vérificateur général de 1905 à 1919.
Je me sens très honorée et privilégiée que l'on m'ait demandé d'être la dixième personne à m'acquitter des fonctions de vérificateur général. À mes yeux, il ne s'agit pas vraiment d'un travail, mais plutôt d'une mission publique.
Il se fait que, cette année, le Bureau célèbre le 125e anniversaire de la nomination du premier vérificateur général indépendant du Canada.
J'ai pensé que si vous aviez envie de voyager dans le temps, il serait approprié et je l'espère, enrichissant de jeter un regard sur le passé et d'observer l'évolution du rôle du vérificateur général.
Je m'attarderai ensuite sur la situation actuelle et vous ferai part des résultats positifs que je veux que mon bureau réalise pendant mon mandat.
Reportons-nous donc à 1867, année où le Canada est devenu un pays et où fut nommé le premier vérificateur général du Canada, John Langton.
Toutefois, M. Langton ne jouissait pas d'une véritable indépendance par rapport au gouvernement. En fait, il cumulait trois tâches celle de secrétaire du Conseil du Trésor, de sous-ministre des Finances et de vérificateur général. Il s'agissait avant tout d'une personne diligente!
Pour meubler ses loisirs, il remplit le mandat de recteur de l'université de Toronto. Il faut toutefois remarquer qu'à l'époque, le ministère des Finances comportait un effectif de 28 personnes!
Le rôle du vérificateur général était alors relativement restreint il fallait avant tout s'assurer que les livres du gouvernement étaient équilibrés et que chaque opération était comptabilisée, de l'achat de lacets à l'attribution de contrats pour la construction de nouveaux ponts.
Cependant, selon un principe de vérification fondamental, la personne qui tient les livres en l'occurrence, le ministre des Finances ne doit pas être la même que celle qui les vérifie le vérificateur général.
En 1878, une nouvelle loi du Parlement a permis de régler le problème solution pour laquelle les Canadiens devraient toujours être reconnaissants, en ce 125e anniversaire du Bureau du vérificateur général.
Les deux partis à la Chambre des communes se sont réjouis lorsque le gouvernement d'Alexander Mackenzie a présenté le projet de loi qui, déclara ce premier ministre, « allait libérer la vérification des comptes publics de toute ingérence de la part de l'administration ».
Dans l'historique du Bureau qu'elle a brossé dans Cordial but Not Cosy, Sonja Sinclair écrit, et je cite :
« Dans un rare moment d'unanimité, les conservateurs et les libéraux firent l'éloge à qui mieux mieux de cette partie du projet de loi qui prévoyait la nomination d'un vérificateur général indépendant. »
C'est probablement l'une des rares fois dans l'histoire que le gouvernement et l'opposition se sont entendus sur un point!
Et ainsi, avec l'adoption de ce projet de loi en 1878, John Lorn McDougall devint le premier vérificateur général vraiment indépendant du gouvernement en place.
Cette indépendance, assise de la crédibilité du Bureau, est la pierre angulaire du système canadien de freins et de contrepoids.
Depuis les débuts de la Confédération, on a demandé au vérificateur général de répondre à une simple question. Le gouvernement tient-il bien ses comptes et présente-t-il son information financière avec exactitude? C'est ce que l'on appelle la vérification comptable.
En 1931, le Parlement a établi une distinction claire entre les responsabilités du gouvernement et celles du vérificateur général confiant au premier la charge de percevoir et de répartir les fonds publics, et au vérificateur général celle d'examiner la façon dont ces fonds étaient gérés et de rendre compte de cet examen.
On a alors ajouté une autre question, qui était un peu plus compliquée. Le gouvernement percevait-il ou dépensait-il les montants autorisés et aux fins prévues par le Parlement?
De là, nous nous acheminions donc vers la vérification de la conformité, par laquelle le vérificateur général détermine si le gouvernement s'est conformé à la volonté du Parlement.
Dans les années 1950, le Bureau a amorcé un troisième virage, lorsque le vérificateur général a commencé à signaler les soi-disant « paiements non productifs ». Il s'agissait d'opérations qui, tout en étant autorisées par la loi, ne présentaient aucun avantage apparent pour les Canadiens.
En 1977, les responsabilités du vérificateur général ont été élargies par suite d'une modification apportée à la Loi sur le vérificateur général. Le Bureau s'est vu investi du mandat d'examiner si le gouvernement gérait convenablement ses activités.
La Loi modifiée maintenait l'important principe selon lequel le vérificateur général ne se prononce pas sur les choix stratégiques, mais examine la façon dont les politiques sont mises en uvre.
En plus d'examiner l'exactitude des états financiers, nous avions dès lors les pouvoirs nécessaires pour mener des vérifications axées sur les questions suivantes : Les programmes sont-ils administrés de façon économique et efficiente? Le gouvernement a-t-il les moyens d'en mesurer l'efficacité? Il s'agit là de la vérification de l'optimisation des ressources.
En 1995, une autre question a été intégrée à nos vérifications : Comment les activités du gouvernement influent-elles sur l'environnement?
Le Parlement a établi le poste de commissaire à l'environnement et au développement durable au Bureau du vérificateur général.
Aujourd'hui, ce poste est détenu par Mme Johanne Gélinas. Celle-ci étudie les questions environnementales et de développement durable qui préoccupent les Canadiens, en vérifiant la performance du gouvernement fédéral à cet égard.
Comme vous pouvez le constater, notre mandat s'est élargi au fil du temps, à la demande du Parlement. Nos activités et les approches que nous adoptons ne sont pas de purs caprices.
J'aimerais consacrer le reste de cette allocution à vous entretenir des cinq secteurs qui constitueront mes priorités pour le Bureau au cours de mon mandat. Ce sont là cinq secteurs à l'égard desquels j'aimerais que nous réalisions des résultats positifs et sur lesquels nous axerons nos vérifications.
Le premier est la reddition de comptes. Pour tous les vérificateurs généraux, ce fut là un centre d'intérêt et je ne fais pas exception à la règle. Je vous en parlerai davantage dans quelques instants.
Le deuxième concerne la promotion d'une fonction publique efficace. Nos vérifications permettent de répondre à la question clé suivante : Les ressources principales du gouvernement ressources humaines, technologiques et financières concourent-elles à l'atteinte de résultats pour les Canadiens et à la meilleure utilisation possible des fonds publics?
Le troisième secteur sur lequel j'aimerais me concentrer a trait au bien-être des Canadiens particulièrement les questions dont nous nous soucions dans notre vie quotidienne. Il s'agit d'enjeux comme la santé, la sécurité, la sécurité publique et l'environnement.
Les questions autochtones constituent un autre de mes secteurs d'intérêt. Le Bureau cherche à contribuer au bien-être des peuples autochtones en orientant ses travaux sur les conditions sociales, économiques et environnementales auxquelles ils font face.
Enfin, je me préoccupe du maintien de notre patrimoine et de notre héritage à nous, Canadiens. Les mesures prises par le gouvernement fédéral, ou son inaction, aujourd'hui influent clairement sur les choix qui s'offrent aux générations futures.
À quoi ressemblera le Canada lorsque nous serons prêts à prendre notre retraite? Que léguerons-nous à nos enfants et à nos petits-enfants? Aurons-nous préservé ou dilapidé nos biens culturels, historiques et matériels que nous valorisons tant et qui nous aident à nous définir en tant que Canadiens?
Comme le temps dont je dispose est limité, je vais me concentrer sur la reddition de comptes.
C'est une notion très en vogue ces jours-ci dans les secteurs privé, bénévole et public. Nul doute que les actionnaires, les parties intéressées et les citoyens exigent de plus en plus qu'il y ait reddition de comptes, et ils y ont droit.
C'est également une idée dont est imprégné l'ensemble de nos travaux et qui, dans une large mesure, justifie ces derniers.
Voici comment je perçois la reddition de comptes.
Le droit des citoyens d'exercer un contrôle sur la façon dont les fonds publics sont perçus et dépensés constitue la pierre angulaire de notre régime démocratique.
Au Canada, comme dans les autres démocraties parlementaires, ce contrôle s'exerce au nom des citoyens par l'intermédiaire de leurs représentants élus, les députés.
Les députés ont besoin d'une information qui leur permette d'obliger le gouvernement à rendre des comptes. De plus, ils ont besoin d'une évaluation impartiale de cette information afin de pouvoir bien évaluer le rendement du gouvernement.
Il leur faut également l'assurance que l'information reflète avec exactitude les résultats des activités autorisées par le Parlement.
Le Parlement ne peut exercer une surveillance solide que dans la mesure où il reçoit de l'information fondée. Laissez-moi vous donner un exemple récent d'une situation où cela ne s'est pas produit.
Je suis sûre que vous avez tous entendu parler de notre rapport de décembre, dans lequel nous avons relaté la façon dont les coûts du Programme canadien des armes à feu avaient grimpé en flèche, et ce, d'une façon qui semblait incontrôlable.
Voilà qui constitue certainement déjà un mal en soi, mais pour moi la conclusion vraiment troublante est celle que nous avons soulignée à savoir le fait que le ministère de la Justice n'a pas fourni au Parlement assez d'information pour que celui-ci puisse examiner minutieusement les programmes, de façon à garantir qu'il y a reddition de comptes.
Le Ministère a fourni peu d'information comptable et des explications insuffisantes relativement à la hausse spectaculaire du coût du programme.
Autrement dit, nous avons obtenu peu de réponses, mais la bonne question qu'il fallait poser était de savoir si le Ministère avait servi au mieux la reddition de comptes par le Parlement. Il ne l'a pas fait.
J'aimerais conclure mes observations en dressant le bilan de nos réalisations.
Récemment, je me trouvais avec mon collègue, le vérificateur général de la Nouvelle-Zélande. Celui-ci, songeur, se demandait si son rôle s'apparentait à celui d'un chien de garde ou à celui d'un limier.
À mon avis, au Canada mon rôle tient un peu des deux signaler les problèmes tout en cherchant à obtenir l'information difficile à trouver que le Parlement devrait avoir en main.
Par ailleurs, je me rappelle aussi la métaphore qu'employait l'un de mes prédécesseurs, M. Macdonell. Celui-ci a un jour déclaré que les chiens chargés de surveiller aboient beaucoup, mais qu'il existe une autre sorte de chien, le chien de garde, qui ne fait pas beaucoup de bruit tout en pouvant être très efficace.
Je crois que, du fait que mon bureau se soucie des citoyens et des droits et attributions du Parlement, son rôle s'apparente en partie à celui d'un chien de garde.
Dans l'exercice de notre mandat, nous pouvons et nous devons influencer l'attitude du gouvernement et des fonctionnaires de façon qu'ils adoptent une gestion efficace des fonds publics et effectuent une reddition de comptes à cet égard.
Mais notre travail mène-t-il à des résultats positifs?
Absolument.
L'an dernier, les comités parlementaires ont tenu des audiences sur plus de 70 p. 100 de nos vérifications de l'optimisation des ressources, et le Comité permanent des comptes publics a appuyé plus des trois quarts des recommandations des chapitres de nos rapports que ses membres ont examinés. En février seulement, nous avons comparu à 14 audiences du Comité des comptes publics et d'autres comités parlementaires.
Parfois, nous sommes convoqués pour discuter des recommandations de certains chapitres précis de nos rapports. Ce fut le cas par exemple de notre vérification du Programme spatial canadien.
À d'autres occasions, nous sommes convoqués pour fournir des avis sur des projets de lois comme dans le cas du projet de loi C-17, à savoir la loi sur la sécurité publique et son règlement d'application.
J'assiste à ces audiences avec mon équipe de vérification ainsi qu'avec de hauts fonctionnaires du ministère ayant fait l'objet de la vérification, de sorte que les comités peuvent examiner les constatations de notre vérification et poser des questions aux hauts fonctionnaires.
Après les audiences, il se peut que les comités préparent un rapport à l'intention de la Chambre des communes et lui fassent des recommandations.
Les comités se sont chaque fois montrés intéressés par nos propos, comme le montrent clairement les rapports qu'ils font paraître.
En règle générale, les ministères devraient rendre compte au Comité des mesures prises pour répondre aux recommandations de ce dernier.
Les ministères prennent vraiment des mesures par suite de ces rapports et de nos vérifications de l'optimisation des ressources, bien que dans certains cas cela ne se fasse pas aussi promptement que nous l'aurions souhaité.
Les ministères ont déjà achevé l'application de mesures de près d'un quart des recommandations que nous avons formulées au cours des cinq dernières années, et ils ont réalisé des progrès satisfaisants à l'égard d'un autre 50 p. 100 d'entre elles.
Le rapport Le Point est une innovation que j'ai introduite afin d'inciter le gouvernement à accroître la prise de mesures correctives.
Le Point vise à attirer encore davantage l'attention sur les mesures prises par les ministères à l'égard des recommandations de nos rapports antérieurs, ou sur l'absence de mesures. Je déposerai mon deuxième rapport Le Point en mai de cette année. J'espère qu'il présentera un intérêt pour vous.
Le rapport s'attache à quelques questions complexes et importantes qui sont d'actualité et pertinentes les questions qui présentent de grands risques et des coûts élevés susceptibles d'intéresser vivement les parlementaires.
Ainsi, notre dernier rapport Le Point relevait le fait que Développement des ressources humaines avait tardé à régler les questions de sécurité qui entourent l'attribution des numéros d'assurance sociale, problème qui a revêtu récemment une importance accrue.
Pour résumer, j'aimerais souligner que l'amélioration du rendement du secteur public s'avérera très efficace pour restaurer la confiance à l'égard du gouvernement.
La réussite ne se résume d'ailleurs pas à optimiser l'argent des contribuables. Elle consiste à édifier des institutions publiques solides, à améliorer le pays et à établir une société démocratique plus saine.
Et n'oublions pas que la confiance des Canadiens à l'égard de notre gouvernement puise sa source dans la transparence qui, plusieurs fois par année, permet de jeter un regard critique sur ses activités.
C'est là le trait distinctif d'une démocratie ouverte une démocratie qui fait l'envie de pays du monde entier.
Oui, il se peut que le changement soit plus lent que nous le souhaitions. En
posant les bonnes
questions, nous, au Bureau du vérificateur général, sommes
fiers d'être des agents de changement.
Nous sommes fiers d'avoir été au service du Parlement pendant 125 ans et d'avoir produit des résultats positifs dans la vie des Canadiens.
Je vous remercie de votre attention.