Rapports du printemps 2018 du vérificateur général du Canada

Déclaration d’ouverture au Comité permanent des comptes publics

Rapports du printemps 2018 du vérificateur général du Canada

Le 31 mai 2018

Michael Ferguson, Comptable professionnel agrééCPA, Comptable agrééCA
Fellow comptable professionnel agrééFCPA, Fellow comptable agrééFCA (Nouveau-Brunswick)
Vérificateur général du Canada

Monsieur le Président, j’ai le plaisir de vous présenter nos rapports d’audit, qui ont été déposés à la Chambre des communes mardi. Je suis accompagné des directeurs principaux Jean Goulet, Philippe Le Goff, Glenn Wheeler, et Carol McCalla.

Avant de décrire nos audits, je veux souligner que nous nous trouvons à un moment critique, à un moment que le gouvernement se doit de saisir pour réfléchir à ce que j’appelle des « échecs incompréhensibles », et pour se demander dans quelle mesure sa culture l’empêche de produire des résultats axés sur les citoyens et citoyennes.

Dans notre audit du système de paye Phénix, nous avons conclu que le projet a été marqué par un échec incompréhensible de la gestion de projet, et de la surveillance de projet.

Nous avons aussi livré 2 audits de programmes destinés aux peuples autochtones. Lorsque j’additionne les constats de ces 2 audits aux constats de nos audits passés, je ne peux faire autrement que de reprendre les mots « échec incompréhensible » pour qualifier l’incapacité des programmes fédéraux à améliorer la situation des populations autochtones du Canada.

Je vais maintenant passer aux constats de chacun de nos audits.

Rapport 5 — Les écarts socio-économiques dans les réserves des Premières Nations — Services aux Autochtones Canada

Le premier audit a évalué les progrès réalisés par Services aux Autochtones Canada en vue de combler les écarts socio-économiques entre les membres des Premières Nations vivant dans les réserves et le reste de la population canadienne.

Les gouvernements s’engagent depuis des années à combler ces écarts. Pourtant, Services aux Autochtones Canada ignorait l’importance véritable des écarts, et il ignorait si des progrès étaient faits pour les combler.

Nous avons examiné de plus près le secteur de l’éducation, et nous avons calculé qu’entre 2001 et 2016, l’écart séparant les membres des Premières Nations vivant dans les réserves qui détiennent au moins un diplôme d’études secondaires et le reste de la population canadienne s’était accru.

Services aux Autochtones Canada a mal utilisé les données sur l’éducation qu’il avait recueillies. Par exemple, le Ministère a consacré 42 millions de dollars sur 4 ans à aider des étudiants des Premières Nations à se préparer aux études postsecondaires. Toutefois, seulement 8 % des personnes inscrites à ce programme préparatoire l’avaient terminé. Malgré la faiblesse de ces résultats, le Ministère n’a pas collaboré avec les Premières Nations ou les établissements d’enseignement pour améliorer le taux de réussite de ce programme.

Rapport 6 — Formation à l’emploi pour les Autochtones — Emploi et Développement social Canada

Le deuxième de nos audits sur les programmes autochtones a examiné les efforts déployés par Emploi et Développement social Canada pour aider les peuples autochtones à acquérir les compétences nécessaires pour trouver un emploi et le garder.

Malgré des dépenses qui dépassent les 300 millions de dollars par année, nous avons constaté qu’Emploi et Développement social Canada ne savait pas dans quelle mesure ses programmes aidaient les Autochtones à trouver un emploi, et à le garder. Par exemple, le Ministère savait que 16 % des clients autochtones bénéficiaient d’un minimum de 5 services, mais il ne savait pas si ces mêmes clients avaient fait des progrès dans leur recherche d’un emploi durable.

Rapport 7 — Les services consulaires aux Canadiens et aux Canadiennes à l’étranger — Affaires mondiales Canada

Notre prochain audit a examiné comment Affaires mondiales Canada avait répondu aux demandes d’assistance consulaire de Canadiens et de Canadiennes à l’étranger.

Nous avons constaté que le Ministère déployait du personnel pour aider des Canadiens et Canadiennes confrontés à une crise en sol étranger.

Toutefois, nous avons aussi constaté que le Ministère tardait à évaluer les signes que des Canadiens détenus à l’étranger étaient victimes de mauvais traitements ou de torture.

En 2004, le juge Dennis O’Connor recommandait à Affaires mondiales Canada de mieux former son personnel à reconnaître les signes de torture ou de mauvais traitements, et de veiller à ce que le ministre soit rapidement informé des cas confirmés.

Plus d’une décennie plus tard, nous avons constaté que le  Ministère n’avait donné qu’une formation générale à son personnel consulaire sur la façon de mener les visites en prison et de déterminer si un prisonnier canadien avait été maltraité ou torturé. Dans un cas, nous avons vu qu’il lui avait fallu 7 mois pour informer le ministre.

Rapport 3 — L’administration de la justice dans les Forces armées canadiennes

Passons maintenant à notre audit qui examinait si les Forces armées canadiennes administraient de façon efficiente le système de justice militaire.

Nous avons constaté que les Forces armées canadiennes prenaient souvent trop de temps pour régler des poursuites devant la justice militaire, autant dans le cas d’infractions disciplinaires mineures jugées lors de procès sommaires que dans celui d’allégations jugées par une cour martiale.

Les Forces armées canadiennes ont dû abandonner 10 causes portées devant une cour martiale parce qu’elles n’avaient pas été traitées aussi rapidement qu’elles auraient dû l’être. Ces retards vont à l’encontre du droit de tout accusé d’être jugé promptement. Ils laissent les victimes et leurs familles dans l’incertitude.

Les Forces armées canadiennes sont au courant de ces problèmes depuis au moins 10 ans, mais elles n’ont pas réussi à les corriger.

Rapport 2 — L’aliénation des biens et du matériel excédentaires du gouvernement

Notre prochain audit portait sur la manière dont les organisations fédérales se débarrassent de leurs biens et matériels excédentaires.

Nous avons constaté qu’au cours de l’exercice terminé le 31 mars 2017, la vente d’actifs a rapporté 50 millions de dollars aux organisations gouvernementales. Toutefois, nous estimons que la valeur de conserver ou de réutiliser ces actifs s’élevait à 82 millions de dollars.

L’Agence du revenu du Canada a mis en œuvre un système pour réutiliser ses biens qui lui a permis d’économiser 4,5 millions de dollars en 3 ans. Cet exemple montre que le gouvernement peut réaliser des économies s’il réutilise avec prudence ses biens.

Rapport 4 — Le remplacement du pont Champlain de Montréal — Infrastructure Canada

Passons maintenant à notre audit du projet du gouvernement de remplacer le pont Champlain, à Montréal.

Nous avons constaté que la décision de remplacer le pont Champlain aurait dû être prise des années plus tôt. Le retard a coûté aux contribuables plus d’un demi-milliard de dollars.

L’audit a montré qu’Infrastructure Canada avait analysé le modèle du partenariat public-privé après que le gouvernement ait annoncé qu’il le retenait. De plus, nous avons noté des faiblesses dans l’analyse faite par le Ministère. Une analyse approfondie aurait révélé qu’un partenariat public-privé finirait fort probablement par coûter plus cher qu’un modèle d’approvisionnement traditionnel.

Nous sommes d’avis que le nouveau pont coûtera plus cher que si la décision de le remplacer avait été prise plus tôt, qu’il coûtera plus cher que prévu à l’origine, et qu’il n’est pas certain qu’il sera terminé avant l’échéance de décembre 2018.

Rapport 1 — La création et le déploiement du système de paye Phénix

Le dernier de nos audits examinait encore une fois le système de paye Phénix. Cette fois, nous avons examiné si la décision de déployer le système de paye avait été raisonnable.

Nous avons conclu que le projet Phénix constituait un échec incompréhensible de la gestion de projet, et de la surveillance de projet. La décision de lancer Phénix était donc une mauvaise décision.

Pour respecter le budget et les échéanciers établis, les cadres responsables de Phénix ont décidé de supprimer des fonctionnalités essentielles du système, de réduire l’étendue des essais, et d’annuler une mise en œuvre pilote.

Les cadres responsables de Phénix ont ignoré des signes manifestes que le centre de la paye de Miramichi n’était pas prêt à assumer le volume d’opérations de paye, et que Phénix lui-même n’était pas prêt à traiter correctement la paye des fonctionnaires fédéraux. Les cadres responsables de Phénix ont informé le sous-ministre de Services publics et Approvisionnement Canada que Phénix serait déployé, ils ont passé sous silence les problèmes graves dont ils avaient connaissance.

Enfin, la décision de déployer Phénix n’est pas documentée. Étant donné les informations connues à l’époque, nous jugeons que la décision de déployer Phénix n’était pas raisonnable. Le système ne fait pas ce qu’il devait faire. Il a coûté des centaines de millions de dollars de plus que prévu, et il a eu des conséquences négatives pour des dizaines de milliers de fonctionnaires fédéraux et leurs familles.

Rapports d’examen spécial

Passons maintenant aux résultats des audits que nous avons faits dans les sociétés d’État. Depuis l’automne, nous avons audité le Musée canadien pour les droits de la personne, l’Administration de pilotage des Grands Lacs, Ridley Terminals incorporatedInc., et Exportation et développement Canada.

Nous avons relevé des défauts graves dans les moyens et méthodes de toutes ces sociétés d’État. Dans le cas de Ridley Terminals incorporatedInc., les problèmes que nous avons cernés étaient tels que la Société opérait hors du champ de la pratique prudente attendue d’une société d’État. Ces problèmes ont été exacerbés par la surveillance inefficace de Ridley Terminals par Transports Canada.

Commentaire sur les audits de performance des sociétés d’État 2016-2018

Notre commentaire sur les audits de performance des sociétés d’État 2016-2018 analyse d’importants problèmes que nous avons relevés dans les 4 audits dont je viens de parler, et aussi dans 9 audits que nous avons réalisés depuis 2016. Par exemple, nous avons été préoccupés de constater que dans 8 sociétés d’État, le mandat d’un nombre élevé de membres des conseils d’administration était échu.

Commentaire sur les audits d’états financiers 2016-2017

Je veux aussi vous signaler que vous pouvez consulter dans notre site Web notre commentaire et vidéo sur les audits d’états financiers des organisations publiques que nous avons effectués en 2016-2017.

Avant de passer à vos questions, je tiens à réitérer à quel point il est important que le gouvernement et la fonction publique considèrent nos audits sous un angle nouveau, pour y voir non une liste des problèmes relevés dans différents programmes, mais bien les symptômes d’un problème culturel fondamental. Les ministères peuvent mettre en œuvre nos recommandations et réagir aux symptômes que nous signalons, et il est important qu’ils le fassent. Par contre, la question cruciale que le gouvernement doit étudier, c’est de savoir pourquoi nous continuons de mettre au jour des problèmes graves, et pourquoi des échecs incompréhensibles continuent d’arriver.

Monsieur le Président, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serions heureux de répondre à vos questions.