Automne 2018 — Rapports de la commissaire à l’environnement et au développement durable au Parlement du Canada Le point de vue de la commissaire

Automne 2018 — Rapports de la commissaire à l’environnement et au développement durable au Parlement du Canada Le point de vue de la commissaire

Illustration contenant une citation du rapport

L’équilibre est primordial pour le développement durable

Photo : Olivier Le Moal/Shutterstock.com

Pour être durable, un système, qu’il soit économique, social ou environnemental, doit être placé sous le signe de l’équilibre. Or, s’il est difficile d’arriver à un équilibre, il est peut-être encore plus difficile de le préserver. Débits et crédits, consommation et production, positif et négatif, tout doit être constamment en équilibre pour qu’un système continue de prospérer.

Le Parlement a créé le poste de commissaire à l’environnement et au développement durable au sein du Bureau du vérificateur général du Canada en 1995, pour officialiser la prise en compte du développement durable par le Bureau lors de ses examens indépendants des activités du gouvernement. Nous donnons aux parlementaires une source d’information objective sur les résultats obtenus par le gouvernement fédéral dans ce domaine. De fait, la Loi sur le vérificateur général donne au commissaire le mandat d’assurer le contrôle des progrès accomplis par le gouvernement dans la voie du développement durable grâce à l’examen des stratégies de développement durable de chaque organisation gouvernementale visée et de la stratégie de l’ensemble du gouvernement fédéral, et de présenter des rapports à ce sujet.

Le développement durable commence par des décisions qui répondent à des préoccupations d’ordre social, économique et environnemental, et qui permettent de les concilier et de les intégrer. Mon travail est axé sur cet équilibre. Cet automne, mes rapports mettent en lumière des avancées prometteuses et des défis qui persistent en ce qui a trait à l’équilibre sur lequel doit reposer le développement durable.

Les organisations gouvernementales réalisent des évaluations environnementales stratégiques

Selon la Stratégie fédérale de développement durable, les 26 organisations gouvernementales qui sont tenues de produire leur propre stratégie de développement durable tous les trois ans se sont engagées à respecter la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale stratégique. Selon cette directive, tous les projets de politiques, de plans et de programmes examinés par le Cabinet doivent tenir compte des préoccupations économiques, sociales et environnementales grâce à la réalisation d’une évaluation environnementale stratégique. Il y a cinq ans, l’équipe d’auditeurs de la commissaire a lancé un plan pluriannuel pour auditer ces organisations gouvernementales afin de déterminer dans quelle mesure elles intégraient ces aspects aux projets de politiques, de plans et de programmes qu’elles présentaient au Cabinet.

Les premiers résultats étaient décevants. En 2015, nous avions en effet constaté que les organisations fédérales auditées avaient appliqué la Directive du Cabinet à seulement 44 % des projets soumis au Cabinet. Les résultats étaient encore pires en 2016 et en 2017 : dans l’ensemble, les organisations fédérales auditées avaient appliqué la Directive à moins de 25 % de leurs projets. Nous avons poursuivi nos audits selon le plan prévu et présenté nos constatations à la haute direction des ministères et des organismes ainsi qu’aux parlementaires. Le programme d’audit initial a pris fin en 2017. Cette année, nous avons décidé d’examiner les 26 organisations au cours d’un même audit. Nous avons alors eu le plaisir de constater que des évaluations environnementales stratégiques avaient été réalisées pour 93 % des projets de politiques, de plans et de programmes présentés au Cabinet. Cet audit n’a pas examiné la qualité des analyses effectuées dans le cadre de chaque évaluation.

Voilà qui, à notre avis, constitue un jalon sur la voie qui mène à l’équilibre nécessaire au développement durable.

Le Canada indique comment il s’emploiera à atteindre les objectifs de développement durable des Nations Unies

Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies définit 17 objectifs de développement durable et des cibles assorties qui visent, entre autres, à éliminer la pauvreté et la famine, à favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes et un enseignement de qualité supérieure, à promouvoir la création d’emplois décents et l’expansion économique, et à protéger les terres, l’eau et la biodiversité pour les générations futures. En 2015, 193 pays dont le Canada ont accepté de mettre en œuvre le Programme 2030, et des auditeurs généraux du monde entier ont convenu d’évaluer et de surveiller les progrès réalisés et d’en rendre compte.

En juillet 2018, j’ai assisté à un forum politique de haut niveau à New York. Le Canada y a présenté son Examen national volontaire. Il s’agit essentiellement d’un rapport d’étape national sur la mise en œuvre du Programme 2030. J’ai été heureuse d’apprendre que le gouvernement avait identifié les ministères qui piloteraient les efforts du gouvernement fédéral, qu’il avait annoncé du financement à cet égard, et qu’il s’était engagé à collaborer avec les provinces, les territoires, la société civile et les collectivités autochtones pour définir une stratégie nationale de mise en œuvre des objectifs et des cibles de développement durable des Nations Unies.

Fait important, l’Examen national volontaire du Canada indique que tous les ministères et organismes sont responsables de la mise en œuvre des objectifs de développement durable. Le vérificateur général et moi-même examinerons ces objectifs et ces cibles dans le cadre de nos travaux d’audit, comme le stipule la Stratégie de développement durable du Bureau.

La collaboration favorise un juste équilibre

La collaboration et la reddition de comptes sont essentielles pour atteindre l’équilibre nécessaire au développement durable. En mars 2018, la commissaire a présenté au Parlement du Canada un rapport qui regroupait les résultats de travaux menés aux quatre coins du pays par les vérificateurs généraux en vue d’évaluer les résultats des efforts de leur gouvernement pour respecter leurs engagements relatifs aux changements climatiques.

Le rapport, intitulé Perspectives sur l’action contre les changements climatiques au Canada — Rapport collaboratif de vérificateurs généraux, était l’aboutissement de trois années de travail au cours desquelles les vérificateurs généraux participants ont utilisé des questions similaires pour auditer les plans et actions de leur gouvernement et présenter leurs constatations à leur assemblée législative respective. Ce rapport de synthèse est le premier du genre à être publié. Il a intégré des messages et des constatations clés à l’intention de la population canadienne et de ses élus, et fourni des questions que les citoyens peuvent utiliser pour demander des comptes à leurs gouvernements au sujet des engagements qu’ils ont pris, devant eux et devant le monde entier, pour lutter contre les changements climatiques.

La situation des mammifères marins illustre les effets de décisions déséquilibrées

Mon rapport de l’automne sur la protection des mammifères marins montre ce qui peut arriver lorsque des décisions sont prises en n’accordant pas la même importance à un facteur, par exemple économique, par rapport à d’autres facteurs, notamment environnementaux et sociaux.

Les eaux canadiennes abritent une grande variété de mammifères marins qui sont parmi les plus mythiques, majestueux et dangereusement menacés du monde. Pourtant, depuis plus de dix ans, le gouvernement ne s’est pas montré proactif en utilisant les outils disponibles et en réglementant la pêche et le transport maritime de manière à protéger et à soutenir les populations d’épaulards, de baleines noires et d’autres animaux pour qu’elles puissent survivre. Au lendemain de la mort, dans les eaux canadiennes à l’été 2017, de 12 des 450 dernières baleines noires de l’Atlantique Nord sur la planète et de la quasi-extinction de la population d’épaulards résidents du sud sur la côte Ouest du Canada, le gouvernement fédéral a pris des mesures. Il a notamment fermé des pêches, diminué la vitesse autorisée des navires et fait adopter un règlement longuement attendu pour assurer la protection de ces mammifères. J’espère que ce n’est pas trop peu, trop tard.

Il va sans dire qu’il est important pour notre pays, tant sur le plan économique que sur les plans social et environnemental, de concilier, d’une part, la protection de ces espèces et, d’autre part, la protection des moyens de subsistance des pêcheurs canadiens et l’efficacité de notre système de transport maritime. Ne pas agir de manière proactive pour trouver un équilibre entre les impératifs économiques et les préoccupations écologiques a eu des conséquences néfastes sur les mammifères marins. La limite de la pêche et du transport maritime pourrait avoir des effets économiques importants susceptibles de déséquilibrer le système. Il faudra toujours faire des compromis et prendre des décisions difficiles, mais il est essentiel de trouver des façons d’équilibrer ces décisions en tenant compte de tous les impératifs pour éviter la perte d’espèces, de moyens de subsistance et de secteurs industriels clés.

Un appel à des processus décisionnels équilibrés

Les grands défis que doivent relever notre pays et notre planète exigent des solutions à long terme qui transcendent les élus actuels et même notre époque. Il importe cependant que les décideurs d’aujourd’hui s’attachent activement à trouver des moyens et des méthodes pour concilier les questions d’ordre social, économique et environnemental lorsqu’ils prennent des décisions, tant dans l’immédiat qu’à long terme.