La stratégie pour un Gouvernement vert

Déclaration d’ouverture au Comité permanent des opérations gouvernementales et prévisions budgétaires

La stratégie pour un Gouvernement vert

Le 6 novembre 2018

Julie Gelfand
Commissaire à l’environnement et au développement durable

Monsieur le Président, je vous remercie de nous donner l’occasion de comparaître aujourd’hui devant le Comité. Je suis accompagnée de Madame Kimberley Leach, qui est directrice principale, et nous venons du Bureau du vérificateur général du Canada. À titre de commissaire à l’environnement et au développement durable, j’ai le mandat précis d’auditer et de surveiller toutes les questions liées à l’environnement et au développement durable, et de présenter mes travaux au Parlement.

Les changements climatiques sont l’un des défis déterminants de notre époque. Les effets du réchauffement climatique et des phénomènes météorologiques extrêmes se font déjà ressentir au Canada et posent des risques importants pour les Canadiens, leurs gouvernements et l’économie. Ces changements comprennent un plus grand nombre d’inondations, la fonte du pergélisol et l’augmentation du niveau de la mer, de même que l’aggravation des feux de forêt, comme nous l’avons constaté récemment en Colombie-Britannique.

Depuis mon entrée en fonction, j’ai donné la priorité à l’examen des changements climatiques selon divers points de vue. C’est donc dire que depuis 2014, nous avons audité divers secteurs, dont les mesures d’atténuation et d’adaptation, le temps violent, le financement des technologies de l’énergie propre et le soutien fédéral à l’appui de l’infrastructure municipale durable. Nous avons aussi audité les progrès du Canada pour donner suite à son engagement d’éliminer les subventions aux combustibles fossiles, un sujet qui fera l’objet d’un suivi dans mes rapports du printemps 2019. De plus, nous avons récemment audité l’état de préparation du Canada pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable des Nations Unies.

Cet après-midi, je vous donnerai un aperçu des résultats d’audits récents, qui pourraient contenir de l’information et un contexte utiles pour votre Comité alors que vous entamez l’étude de cette stratégie. Je présenterai ensuite quelques commentaires sur la proposition de stratégie elle-même, de mon point de vue d’auditrice.

L’atténuation des effets du temps violent (printemps 2016)

Dans nos rapports du printemps 2016, nous avons examiné ce qu’a fait le gouvernement fédéral pour appuyer les efforts visant à atténuer les effets du temps violent.

Les phénomènes météorologiques violents coûtent cher et sont de plus en plus fréquents. Le gouvernement fédéral a affecté plus d’argent au rétablissement à la suite de grandes catastrophes naturelles entre 2010 et 2015 qu’il ne l’a fait au cours des 39 années précédentes.

Nous avons constaté que les efforts du gouvernement fédéral n’avaient pas encouragé les provinces et les territoires à investir dans des projets visant à atténuer les effets du temps violent.

De plus, le gouvernement fédéral aurait pu mieux appuyer la planification d’une infrastructure résiliente avec l’information et les outils mis à la disposition des décideurs. Par exemple, les ingénieurs se fient à divers outils pour calculer la probabilité de précipitations extrêmes et la durée des tempêtes quand ils planifient et conçoivent les aqueducs municipaux. Mais les données qui servent de fondement à ces outils n’avaient pas été régulièrement produites depuis 2006.

De même, avec des cartes sur les plaines inondables, les municipalités peuvent mieux planifier leur expansion future dans des zones peu sujettes aux inondations et renforcer la résilience des infrastructures dans les zones à haut risque d’inondation. Or les lignes directrices nationales pour guider la création de cartes et évaluer les risques d’inondation n’avaient pas été actualisées depuis 20 ans. Les provinces et les territoires ont donc été obligés de gérer et de mettre à jour leurs propres cartes.

Appuyée par d’importants investissements soutenus dans les infrastructures à l’échelle du pays, la résilience passe par des efforts ciblés visant à mieux bâtir et à mieux rebâtir.

Le soutien fédéral à l’appui de l’infrastructure municipale durable (printemps 2016)

Permettez-moi maintenant d’aborder notre audit du printemps 2016 sur les programmes fédéraux visant à appuyer des infrastructures durables dans les localités canadiennes.

Dans l’ensemble, nous avons constaté qu’il était difficile de déterminer si les programmes de financement fédéraux dotés de plus de 13 milliards de dollars avaient permis d’obtenir les avantages escomptés sur le plan environnemental après une décennie.

Nous avons examiné divers projets financés par Infrastructure Canada, notamment dans le cadre du Fonds fédéral de la taxe sur l’essence. Nous avons alors constaté que le Ministère ne disposait pas d’indicateurs pour évaluer dans quelle mesure les dépenses publiques avaient contribué à assainir l’air et l’eau, et à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Nous avons constaté que quand il examinait les projets d’infrastructure à financer, le Ministère s’attendait à ce que les propositions de projets d’envergure contiennent des renseignements sur les risques environnementaux, mais qu’il n’avait pas utilisé ces renseignements pour analyser les risques liés au changement climatique, par exemple.

Trois audits sur les changements climatiques (automne 2017)

À l’automne 2017, nous avons présenté au Parlement 3 audits sur des sujets liés aux changements climatiques : les mesures d’atténuation, l’adaptation aux impacts des changements climatiques et le financement des technologies de l’énergie propre.

Nous avons audité 3 fonds qui appuient le développement de projets de démonstration de technologies d’énergie propre. Ces technologies constituent une façon de réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant de la production et de l’utilisation de l’énergie.

Je suis heureuse de pouvoir dire que les 3 fonds que nous avons examinés fonctionnaient généralement bien. Les fonds publics avaient été correctement dépensés; il était facile de déterminer quels projets avaient été financés; et les processus d’approbation étaient rigoureux et objectifs.

Pour ce qui est de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, notre Bureau a fait savoir que pour atteindre sa cible de 2030, le Canada devra faire des efforts considérables et prendre des mesures qui vont au-delà de celles qui sont déjà prévues ou en cours.

Pour ce qui est de l’adaptation aux changements climatiques, nous avons examiné 19 organisations fédérales pour vérifier si elles avaient défini et contré les risques liés aux changements climatiques pour leurs programmes et activités.

Environnement et Changement climatique Canada a mis au point un Cadre stratégique fédéral sur l’adaptation en 2011, mais ne l’a pas appliqué. De plus, le Ministère n’a pas fourni aux autres organisations fédérales des directives et outils adéquats pour qu’elles puissent cerner leurs risques liés aux changements climatiques.

Nous avons donc constaté que seulement 5 des 19 ministères et organismes que nous avons examinés avaient pleinement évalué leurs risques liés aux changements climatiques et pris des mesures pour les contrer. Ainsi, Pêches et Océans Canada a établi que la hausse du niveau de la mer et des ondes de tempête pourrait avoir des conséquences sur certains ports pour petits bateaux. C’est pour cette raison qu’en Nouvelle-Écosse, par exemple, le Ministère a relevé la jetée d’un port qui avait été inondé, pour tenter d’éviter que le problème ne se reproduise. Dans un autre exemple, en réponse au risque de perte de pergélisol et de hausse du niveau de la mer, Ressources naturelles Canada a examiné la vulnérabilité des pratiques de gestion des déchets miniers dans le Nord et a élaboré des stratégies d’adaptation.

Nous avons constaté que les 14 autres ministères avaient pris peu ou pas de mesures pour contrer les risques liés aux changements climatiques qui pourraient les empêcher de fournir des programmes et des services à la population canadienne.

Si le Canada veut pouvoir s’adapter aux changements climatiques, il doit y avoir un leadership central plus fort, et davantage d’initiative de la part de chaque organisation fédérale.

Audit collaboratif sur l’action contre les changements climatiques (mars 2018)

Enfin, en mars 2018, nous avons publié le rapport d’audit collaboratif intitulé « Perspectives sur l’action contre les changements climatiques au Canada ». Ce rapport novateur a fait date, parce que c’était la première fois qu’autant de vérificateurs généraux du Canada collaboraient sur un sujet précis, à savoir l’action contre les changements climatiques.

Les vérificateurs généraux du Canada ont constaté que la plupart des gouvernements n’étaient ni en voie de respecter leurs engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ni prêts en général à faire face aux impacts d’un climat en constante évolution.

Le rapport collaboratif contient des questions que les législateurs et les Canadiens pourraient poser à leurs gouvernements à mesure que ceux-ci, d’un bout à l’autre du pays, donneront suite à leurs engagements liés aux changements climatiques. Les questions peuvent être consultées à l’annexe de la présente déclaration.

Commentaires sur la Stratégie pour un gouvernement vert

En tant qu’auditrice, j’aimerais vous faire part de quelques commentaires sur la Stratégie pour un gouvernement vert. C’est avec le cadre SMART en tête que mon Bureau examine ce type de stratégie : les objectifs sont-ils spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et délimités dans le temps?

Dans l’ensemble, je constate que les parties de la Stratégie qui concernent les émissions de gaz à effet de serre, les biens immobiliers, la mobilité et les parcs de véhicules sont assorties de cibles précises qui sont délimitées dans le temps et mesurables pour la plupart d’entre elles. Mais ce souci de la précision n’apparaît pas dans le reste de la Stratégie. Étant donné les résultats de notre audit, le domaine de l’adaptation au changement climatique m’inquiète particulièrement. Chacune des parties de la Stratégie devrait comprendre les questions suivantes : Quand ces activités seront-elles menées à bien? Qui sera chargé de les réaliser? Qu’est-ce qui pourra être accompli? J’invite le Comité à envisager une recommandation suggérant d’intégrer des objectifs SMART dans toute la Stratégie, afin que le Parlement et la population canadienne puissent en mesurer les résultats. Enfin, j’invite le Comité à se pencher sur la reddition des comptes pour la Stratégie et à s’assurer que cet aspect est bien clair pour tout le monde.

Monsieur le Président, je finis ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serons heureuses de répondre aux questions des membres du Comité. Merci.

Annexe

Extrait de « Perspectives sur l’action contre les changements climatiques au Canada — Rapport collaboratif de vérificateurs généraux » (mars 2018)

Aller de l’avant pour contrer les changements climatiques

Les résultats de ces audits menés en collaboration ont fait ressortir un certain nombre de questions cruciales qu’il conviendrait peut-être d’examiner à mesure que les administrations publiques de l’ensemble du pays donneront suite à leurs engagements pour contrer les changements climatiques. Voici quelques questions que les législateurs et les Canadiens pourraient poser à leurs gouvernements.

Atténuation

Une cible nationale de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030 a été établie. Toutefois, il est difficile de voir comment le Canada pourra atteindre cette cible. Bien qu’il soit important que les gouvernements établissent des buts généraux pour atténuer les changements climatiques, ils doivent aussi fournir des échéanciers détaillés et des étapes permettant d’atteindre ces buts.

Adaptation

Même si la plupart des gouvernements ont établi des stratégies d’adaptation générales, les auditeurs ont trouvé peu d’éléments probants indiquant que les gouvernements évaluaient systématiquement les risques posés par les changements climatiques ou qu’ils classaient les risques à contrer par ordre de priorité. C’est donc dire que les gouvernements pourraient ne pas savoir si les ressources sont affectées aux risques les plus importants.

Coordination

La plupart des auditeurs du pays ont constaté que la coordination entre les ministères et organismes gouvernementaux était limitée, et que c’était également le cas entre les provinces ou territoires et les administrations locales lorsqu’ils faisaient partie de l’étendue de l’audit. Or, sans coordination efficace, les mesures prises par les gouvernements en réponse aux changements climatiques pourraient être ponctuelles et manquer d’efficience.

Surveillance et reddition de comptes

Les auditeurs ont constaté que, la plupart du temps, les gouvernements ne faisaient pas le suivi des progrès réalisés pour lutter contre les changements climatiques et qu’ils ne rendaient pas régulièrement compte de ces progrès au public.