2021 — Rapports de la vérificatrice générale du Canada au Parlement du Canada Message de la vérificatrice générale du Canada — mars 2021

2021 — Rapports de la vérificatrice générale du Canada au Parlement du CanadaMessage de la vérificatrice générale du Canada — mars 2021

Karen Hogan, Vérificatrice générale du Canada

Karen Hogan, Comptable professionnelle agrééeCPA, Comptable agrééeCA
Vérificatrice générale du Canada

Je suis heureuse de vous présenter mon premier message en tant que vérificatrice générale du Canada, ainsi que les premiers des nombreux rapports d’audit que mon bureau présentera sur la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID‑19. Je vous remets aussi mon rapport d’audit sur le plan Investir dans le Canada.

Il ne fait aucun doute qu’en 2020, la pandémie de COVID‑19 a déclenché une urgence d’envergure mondiale ressentie par tous les citoyens de la planète. Les gouvernements du monde entier ont dû réagir à cette crise et se mobiliser pour rapidement faire face aux retombées sociales, économiques et de santé publique de la pandémie. Le Canada n’a pas fait exception. Un an plus tard, la pandémie de COVID‑19 dure toujours, et ses conséquences risquent de se faire sentir pendant encore plusieurs années. Nous allons continuer d’auditer les activités « normales » du gouvernement, mais la réponse de celui-ci à la pandémie est aussi appelée à figurer dans la planification et la sélection de nos audits, tout comme les objectifs de développement durable des Nations Unies et l’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) que nous nous sommes engagés à refléter dans tous nos travaux d’audit à venir.

Nous cherchons à réaliser les audits qui contribuent aux meilleurs résultats possibles pour la population canadienne. Nous avions prévu à l’origine qu’un rapport sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires ferait partie de nos premiers rapports d’audit sur la COVID‑19. Alors que cet audit progressait, nous avons adapté notre approche pour optimiser la valeur et l’incidence positive de notre travail sur les activités d’Emploi et Développement social Canada. Étant donné les premières constatations qui ressortaient de nos travaux, nous avons adressé une lettre au sous-ministre de l’Emploi et du Développement social au début de février 2021 pour lui signaler des lacunes importantes dans les inspections menées par le Ministère. Ces inspections sont un outil essentiel pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs étrangers temporaires pendant une quarantaine liée à la COVID‑19. Nous avons encouragé le sous-ministre à intervenir, et nous avons décidé d’élargir nos travaux d’audit à la saison de 2021. Notre rapport d’audit sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires sera présenté au Parlement à l’automne 2021.

Déjà, nous voyons se dégager de nos premiers travaux sur les audits touchant la COVID‑19 des questions qui méritent d’être envisagées, et peut-être même approfondies. Notre audit du plan Investir dans le Canada nous a donné l’occasion de considérer comment le gouvernement gère ses initiatives horizontales, soit lorsque 2 organisations fédérales ou plus travaillent à atteindre un résultat commun, clairement défini. Ensemble, ces audits se prêtent à une réflexion sur la façon d’améliorer la coordination entre les partenaires fédéraux et d’autres ordres de gouvernement qui offrent aux Canadiens et aux Canadiennes les services et le soutien dont ils ont besoin.

Les résultats d’abord — une mentalité axée sur le service

Le premier point qui se dégage de nos travaux d’audit et qui, selon moi, mérite d’être souligné est le suivant : quand la fonction publique doit agir, la fonction publique sait agir.

Au cours de nos audits liés à la COVID‑19, nous avons observé que la fonction publique fédérale a dû relever un énorme défi, et qu’elle s’est montrée à la hauteur de la situation et a livré la marchandise. Elle a été autorisée à prioriser en temps réel les mesures qu’elle prenait. Dans sa réponse à la pandémie, le gouvernement s’était fixé comme objectif d’aider la population canadienne le plus rapidement possible. Le secrétaire du Conseil du Trésor a encouragé les hauts fonctionnaires à exercer leur jugement pour prendre les décisions appropriées sans délai, en conciliant le besoin de rendre des comptes et de faire preuve de transparence.

Nous avons observé de la souplesse au fil de nos audits de la Prestation canadienne d’urgence; de la Subvention salariale d’urgence du Canada; et de la préparation en cas de pandémie, la surveillance et les mesures de contrôle aux frontières. Même si nous avons constaté que le gouvernement n’était pas prêt à faire face à une pandémie d’une telle ampleur, la fonction publique s’est adaptée pour mettre la priorité sur les besoins des Canadiens et des Canadiennes pendant la situation d’urgence, et elle a maintenu ces efforts pendant plus d’un an. Nous avons vu que lorsque la coordination entre plusieurs ministères devenait une priorité et qu’elle était axée sur les résultats, la fonction publique pouvait réussir.

Qu’est-ce qui a motivé cette approche axée sur le service? Personnellement, je crois que l’urgence et la gravité de la pandémie ont poussé les organisations fédérales à s’engager dans des voies qu’autrement elles n’auraient peut-être pas prises aussi rapidement ou de leur propre initiative. La pandémie a donné l’élan nécessaire pour que ces organisations opèrent un changement important et évoluent d’une mentalité axée sur les processus à une mentalité axée sur le service.

Nos audits de la Prestation canadienne d’urgence et de la Subvention salariale d’urgence du Canada ont révélé que ces programmes avaient été mis en oeuvre en un temps record. La fonction publique a mis l’accent sur le résultat souhaité : aider la population canadienne rapidement. Et les fonctionnaires – des Canadiens et des Canadiennes comme vous et moi – y sont parvenus, tout en composant eux aussi avec les effets de la pandémie et en s’adaptant à des conditions de travail très différentes. Leur capacité à travailler différemment pendant la pandémie, c’est-à-dire à apprendre, à changer et à rajuster le tir en temps réel, montre ce qui devient possible lorsque la mentalité est axée sur le service.

Est-ce que tout a toujours été parfait? Non. Il a fallu faire des choix. Des contrôles qui auraient pu être mis en place ne l’ont pas été, ou ont été reportés. Les ministères et organismes ont décidé de mettre leurs efforts d’abord à aider, même si cela voulait dire que certains pourraient recevoir des prestations par erreur. Les ministères et organismes ont reconnu et accepté ce risque parce qu’à ce moment-là, en pleine pandémie, aider le plus grand nombre de personnes possible était plus important que d’éviter des versements faits par erreur aux moins nombreux. Le contrecoup, c’est que le gouvernement devra déployer d’importants efforts pour vérifier si les sommes versées étaient appropriées et pour recouvrer celles qui n’auraient pas dû être payées. Nous auditerons ces activités.

Cette mentalité axée sur le service et sur la coordination interministérielle était absente de notre audit du plan Investir dans le Canada. Ce plan d’investissement pluriannuel de 188 milliards de dollars lancé en 2016 a pour principaux objectifs de générer une croissance économique à long terme, d’améliorer la résilience des communautés, d’appuyer la transition vers une économie verte, et d’améliorer l’inclusion sociale et les résultats socioéconomiques pour tous les Canadiens et les Canadiennes. À l’heure actuelle, le manque d’information utile et les retards dans l’engagement de fonds menacent l’atteinte des objectifs du plan d’ici 2027-2028, soit la fin de la période couverte par le plan.

Il importe de reconnaître que, même avec une mentalité axée sur le service, les choses ne seront pas toujours parfaites. Au bout du compte, je crois qu’apprendre de nos expériences est un ingrédient essentiel du progrès. Je pense que le gouvernement tirera des leçons des approches qu’il a adoptées dans la dernière année.

Qu’arriverait-il si le gouvernement décidait de ne pas attendre que surviennent des événements catastrophiques et imprévisibles pour changer de façon constructive les services qu’il offre à la population canadienne? Et si une fonction publique moins axée sur les processus et plus axée sur le service devenait la norme après la pandémie? À quoi ressembleraient alors les services offerts à la population canadienne? Ce sont là, à mon avis, des questions qui valent la peine d’être étudiées.

L’importance de résoudre les problèmes connus

Au fil des ans, les rapports d’audit présentés au Parlement par le vérificateur général et le commissaire à l’environnement et au développement durable ont signalé des problèmes et avancé des recommandations qui n’ont pas toujours été entièrement mises en œuvre. Il ne devrait pas falloir attendre une crise pour que le gouvernement comprenne l’importance d’agir promptement pour faire le ménage dans sa cour.

Nous avons observé une collaboration dynamique entre les ministères et les organismes chargés de fournir une aide urgente à la population canadienne en réponse à la pandémie. Cela dit, notre audit de la préparation à une pandémie, la surveillance et les mesures de contrôle aux frontières a montré que l’Agence de la santé publique du Canada n’était pas aussi bien préparée qu’elle aurait pu l’être car elle n’avait pas réglé certaines questions touchant la planification en cas de pandémie, l’infrastructure de technologies de l’information et l’échange de renseignements. Par exemple, en pleine situation d’urgence de santé publique, l’Agence a dû composer avec des faiblesses connues depuis longtemps dans ses échanges de renseignements avec les provinces et les territoires pour réussir à obtenir des données de surveillance susceptibles d’appuyer une intervention nationale en matière de santé.

Le gouvernement ne peut pas ignorer les problèmes de longue date, car ils ne se règlent pas d’eux-mêmes.

Nous ne serons jamais en mesure de dire à la population canadienne comment les choses se seraient passées si les lacunes dans l’état de préparation avaient été mieux comblées avant que la pandémie ne frappe, et si tous les plans avaient été mis à jour et testés comme il se doit. Peut-être que la réponse du gouvernement à la pandémie aurait été différente.

En ce qui concerne le plan Investir dans le Canada, nous avons constaté que le ministère responsable avait de la difficulté à dresser un tableau clair de l’affectation des fonds et de ce que le plan a accompli. À mon avis, lorsque les responsabilités ne sont pas claires, ou lorsque l’organisation responsable d’une initiative horizontale n’a pas les pouvoirs dont elle a besoin pour être efficace, on peut difficilement s’attendre à des résultats positifs. Encore une fois, cela n’a rien de nouveau : nous avons observé des problèmes de cet ordre au cours de nombreux audits passés sur des sujets qui exigent une collaboration entre des ministères, des administrations ou l’ensemble de la société. Ces défis sont souvent ressortis de nos audits sur les questions autochtones, les changements climatiques, la biodiversité et le développement durable, entre autres.

Il semble toujours difficile de s’entendre sur qui sera responsable de quoi et à quel moment, qui relèvera de qui, pour rendre compte de quoi, et qui dirigera les activités. C’est d’autant plus difficile lorsque la collaboration et le dialogue sont nécessaires entre les organisations fédérales et leurs homologues des provinces et des territoires, ou avec d’autres partenaires importants comme les communautés autochtones, ou même entre ministères fédéraux. Ce n’est pas une façon efficace de travailler ni une manière productive de servir les Canadiens et les Canadiennes.

J’estime qu’il est nécessaire d’étudier cette question de plus près pour dégager des mécanismes pour améliorer la collaboration pancanadienne. La pandémie a fait en sorte qu’il est difficile d’ignorer ce besoin. Je ne veux pas prétendre qu’il est simple d’établir comment travailler avec des partenaires d’autres ordres de gouvernement ou sphères de la société. Toutefois, cette collaboration est nécessaire dans notre pays, compte tenu des nombreuses administrations qu’on y trouve.

À mon avis, il serait utile d’effectuer après la pandémie un examen indépendant pour étudier comment les administrations devraient travailler ensemble lors d’événements de santé publique ou d’autres crises nationales, et recommander des améliorations. En tant que vérificatrice générale du gouvernement fédéral et des territoires, j’ai n’ai pas le mandat d’examiner les activités provinciales ou municipales. Par conséquent, un examen indépendant devrait être réalisé par un organisme qui détient un pouvoir plus large que le mien. Je me ferais un plaisir de collaborer et de soutenir ces travaux de quelque manière que ce soit.

En conclusion

Au cours de la dernière année, nous avons observé une tension entre le besoin de réaliser des travaux d’audit pour aider le Parlement à demander des comptes au gouvernement et la priorité accordée par la fonction publique à répondre à la pandémie. Il n’est pas surprenant qu’un grand nombre des travaux d’audit que nous avons prévus interpellent les ministères et organismes qui sont directement occupés à livrer des services à la population canadienne en situation de pandémie.

Santé Canada, l’Agence de la santé publique du Canada, Emploi et Développement social Canada et l’Agence du revenu du Canada nous ont demandé de repousser certains de nos travaux d’audit sur des sujets comme les vaccins contre la COVID‑19, la connectivité Internet et les activités de sensibilisation menées par le gouvernement pour répondre aux besoins des populations vulnérables. Il faut préciser que ces ministères et organismes ne refusent pas d’être audités : ils s’inquiètent plutôt du fait que les fonctionnaires qui seraient sollicités par nos travaux d’audit se consacrent actuellement à offrir des services essentiels à la population canadienne, et qu’ils participent déjà à d’autres audits.

Nous avons le pouvoir de choisir les sujets que nous auditons et de fixer le calendrier de nos travaux. Nous réfléchissons longuement au moment où les travaux d’audit seront réalisés et à l’incidence de ces travaux. C’est pourquoi nous avons décidé de repousser les audits sur les vaccins contre la COVID‑19, la connectivité Internet et les activités de sensibilisation. Nous avons plutôt commencé à travailler sur d’autres audits que nous estimons être importants et qui peuvent être réalisés maintenant, en perturbant moins les services publics durant la pandémie.

Le déploiement des vaccins exige une coordination et une collaboration entre les partenaires fédéraux, provinciaux, territoriaux, municipaux et autochtones pour fournir des services efficaces, en temps opportun, à la population canadienne. Nous avons donc entamé des discussions avec les vérificateurs généraux des provinces pour étudier la possibilité de coordonner nos travaux d’audit sur la distribution des vaccins contre la COVID‑19. Cette initiative compte parmi les options que nous explorons pour continuer d’innover dans nos audits et nos rapports, afin de toujours pouvoir offrir une valeur ajoutée aux parlementaires et aux Canadiens et Canadiennes. Je suis ravie de pouvoir vous servir à ce titre au cours de la prochaine décennie.